National Gallery

L’Ère des perruques

La peinture hollandaise du XVIIIe siècle à l’honneur

Le Journal des Arts

Le 1 février 1995 - 502 mots

La National Gallery de Londres réhabilite une période injustement méconnue de l’art des Pays-Bas en accueillant une exposition de peintres hollandais du XVIIIe siècle. Trente-six toiles de maîtres, parmi lesquels Cornelis Troost, Aert de Gelder, Jan Van Huysum ou Rachel Ruysch, ont été prêtées par le Rijkmuseum d’Amsterdam.

LONDRES (De notre correspondante) - "L’Ère des perruques" : c’est sous cette expression peu flatteuse que l’on connaît la peinture hollandaise du XVIIIe siècle. Une époque considérée comme indigne des peintres du siècle précédent, le siècle d’or des Pays-Bas, tant sur le plan artistique qu’économique. Ce jugement, bien sûr, est excessif, et le grand musée d’Amsterdam s’efforce de rétablir la justice. Alors que son aile Sud est en rénovation, le Rijksmuseum prête trente-six tableaux de peintres hollandais du XVIIIe siècle à la National Gallery de Londres.

À la suite de l’invasion française de 1672, la Hollande vit son prestige international décliner. Amsterdam perdit sa place de premier entrepôt d’Europe, mais en devint le principal centre financier. Les grandes familles, qui avaient fait fortune grâce au commerce, délaissèrent celui-ci au profit de la terre et de la Bourse d’Amsterdam. La société y perdit la mobilité qui la caractérisait au XVIIe siècle et se sclérosa.

Une sophistication certaine
Ces conditions économiques et sociales n’étaient guère favorables à l’innovation en matière d’art, et les artistes de l’époque poursuivirent la tradition développée au siècle précédent en peignant des natures mortes, des paysages et des scènes domestiques. Les changements intervenus dans la société se reflètent néanmoins dans leurs œuvres, qui privilégient un style de vie raffiné et idéalisé, négligeant les scènes paysannes comme les intérieurs ordinaires.

Un Jardin à Amsterdam, une toile signée Comelis Troost, illustre cette tendance : au premier plan, à gauche, une servante est assise, occupée à ses travaux, tandis que la toile s’ouvre sur un jardin très travaillé avec, dans le fond, un palais. Les toiles de Troost (des scènes tirées du théâtre, des portraits et des paysages) dominent nettement cette exposition. Il est intéressant de remarquer que les nombreux artistes étrangers venus travailler en Hollande (tels que Wilhelm Tischbein ou, plus brièvement, Jean-Baptiste Perroneau) introduiront une sophistication certaine qui, à l’évidence, influença la production locale.

Nouveaux styles
L’exposition présente également des exemples des nouveaux styles artistiques qui se développèrent en fonction des intérêts que portait le XVIIIe siècle hollandais aux autres pays européens : les panneaux allégoriques de Jacob de Wit, destinés à la décoration des grandes maisons d’Amsterdam, des séries de poètes, signées Arnoud Van Halen, ainsi que des paysages classiques par Isaac de Moucheron et Hendrick Voogd.

Jan Van Huysum, Jan Van Os et Rachel Ruysch démontrent que la nature morte du XVIIIe siècle n’a rien à envier à sa prestigieuse aînée, et d’autres peintres tels qu’Isaac Ouwater, de La Fargue et Aert de Gelder – dont le célèbre portrait d’Hermanus Boerhaave, entouré de sa famille, ouvre l’exposition – illustrent son savoir-faire.

"The Age of Elegance", National Gallery, Londres, jusqu’au 26 mars. De 10h à 18h, dimanche de 14h à 18h. Entrée libre.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°11 du 1 février 1995, avec le titre suivant : L’Ère des perruques

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