Parmesan rétabli dans sa diversité

Cecil Gould, récemment décédé, a réussi un ouvrage clair, intelligent et rigoureux

Le Journal des Arts

Le 1 mai 1995 - 478 mots

Éminent spécialiste de la peinture italienne du XVIe siècle, auteur d’un livre sur Corrège (1976), Cecil Gould répare une erreur : la virtuosité formelle et iconographique de La Madone au long cou (Musée des Offices, Florence) a, finalement, beaucoup desservi son auteur, Francesco Mazzola (1503-1540), dit le Parmesan. Instituée par ses détracteurs ou ses admirateurs l’un des parangons du mouvement maniériste – dont l’étude a beaucoup progressé ces dernières décennies –, elle a presque totalement masqué la carrière courte et tourmentée de l’artiste parmesan.

Écrit avec une extrême concision, fort éloignée des discours enflammés que cette époque peut susciter, ce livre assez court est soutenu par une présentation claire, intelligente et rigoureuse. Refu­sant le parti de nombreux “coffee table books” riches en détails séduisants, l’illustration met clairement en rapport œuvres du peintre et sources d’influence. La remarquable qualité des reproductions en couleur (la fresque de Fontanellato notamment) fait regretter que certaines œuvres-clefs peu connues – Portrait allégorique de Charles Quint, Vierge à l’enfant avec saint Étienne de Dresde – soient publiées en noir et blanc.

Cette présentation sert en tout cas parfaitement le premier mérite de l’ouvrage : l’excellente étude stylistique des œuvres, une approche souvent négligée aujourd’hui quand elle n’est pas rejetée par ceux des historiens d’art qui la jugent dépassée. Mais Gould était un homme de métier : conservateur pendant toute sa carrière à la National Gallery de Londres, il manie avec rigueur et aisance l’étude des influences, de l’évolution de la com­position ou de la touche.

Totalement centré sur l’étude de l’œuvre, l’auteur ne s’appesantit guère sur la personnalité de l’artiste. Mais les rapports avec ses commanditaires, ses relations complexes avec Corrège, ses hésitations devant un chantier aussi délicat que le décor à fresque de la Steccata de Parme sont analysés en détail.

Trois villes, Parme, Rome, Bologne et quatre époques : chaque étape de la courte vie du Parmesan se centre sur l’étude des œuvres maîtresses autour desquelles Gould regroupe des réalisations oubliées ou méconnues. Le chapitre consacré au séjour à Rome (1524-1527) enrichit beaucoup notre connaissance de ces années confuses précédant le sac de la ville, où les jeunes artistes cherchent de nouvelles expressions : la gravure sera l’une d’elles. Installé à Bologne après avoir fui les troupes de l’empereur envahissant Rome, Parmesan est le premier grand peintre italien à pratiquer l’eau-forte tandis que sa technique picturale se raffine.

Livre d’un spécialiste pour des spécialistes, certes – un catalogue conclut l’ouvrage –, Parmesan donnera aussi à l’amateur, grâce à la clarté des propos, le plaisir de comprendre le processus créatif d’un artiste. Cecil Gould est hélas décédé peu de temps avant la publication simultanée de l’ouvrage en français, anglais et italien.

Cecil Gould, Parmesan, Abbeville, Paris, 1995, 211 p., 400 F jusqu’au 30 juin, 550 F ensuite. Édition italienne : Parmigianino, Mondadori, Milan, 1994. Édition anglaise : Parmigianino, Abbeville, Londres, New York, 1994.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°14 du 1 mai 1995, avec le titre suivant : Parmesan rétabli dans sa diversité

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