États-Unis

Peinture à Yale, sculpture à Chicago

Le Journal des Arts

Le 1 mai 1995 - 792 mots

Les écoles d’art figurent de longue date dans l’enseignement supérieur américain, et bien que la création s’exprime essentiellement en dehors de ces écoles, le monde de l’art s’accorde à y voir un passage obligé pour les jeunes artistes en quête de reconnaissance. Pour preuve, à la Biennale du Whitney, considérée par beaucoup comme le meilleur baromètre de la scène artistique, 80 % des artistes retenus cette année possédaient une licence, un doctorat en art, ou les deux.

NEW YORK -  Quelque trois cents écoles américaines proposent un enseignement des beaux-arts étalé sur quatre ans, et un petit nombre, d’entre elles proposent un cycle de deux ans. Ces programmes représentent entre 3 et 5 % du nombre total annuel d’étudiants de premier cycle et, de l’avis des enseignants, le nombre de doctorats est en augmentation.

On recense aux États-Unis 86 Mas­ters of Fine Arts (MFA), auxquels 4 500 étudiants étaient inscrits l’an dernier, un chiffre voisin de celui des étudiants en dernière année d’architecture. Les programmes se caractérisent par leur diversité : ils sont dispensés par de petites écoles privées, disséminées dans tout le pays, entièrement vouées aux arts, et parfois rattachées à des musées, ou bien hébergées par de prestigieuses universités privées et de grandes écoles d’État. Les frais d’inscription annuels s’échelonnent de quelques milliers à plus de 20 000 dollars.

La réputation des différents établissements fluctue avec le temps. On peut se faire une idée de ceux qui sont actuellement les plus cotés avec le palmarès publié par le magazine US News and World Report, qui a demandé aux principaux administrateurs et professeurs de chaque discipline de noter leurs collègues. Dans l’évaluation de l’an dernier, l’université de Yale obtenait la palme en peinture, l’école de l’Art Institute de Chicago se distinguait en sculpture, et le Rochester Institute of Technology de New York remportait le prix d’excellence pour la photographie. La Rhode Island School of Design, la Cranbrook Academy of Art du Michigan et Alfred University dans l’État de New York figuraient également au meilleur niveau.

"C’est après la Seconde Guerre mondiale, rappelle Bernard Chaet, professeur émérite à la Yale University Art School, que les universités ont commencé à recruter des peintres connus au lieu de maîtres dûment formés pour enseigner l’art." La Yale University Art School, qui ne propose qu’un seul diplôme, a été fondée en 1868, ce qui en fait la plus ancienne école d’art rattachée à une université. Elle reste aujourd’hui la plus prestigieuse, même si d’aucuns lui reprochent ses méthodes trop traditionnelles. Le programme comporte des cours d’histoire de l’art, l’apprentissage des techniques picturales de base, la préparation des mélanges et la fresque.

Il comprend beaucoup de travail en atelier, l’appréciation réciproque du travail individuel par les étudiants, les professeurs et les artistes de passage, ainsi qu’une exposition à la fin du programme. Pour le peintre William Bailey, diplômé de Yale et enseignant, la formation doit viser à donner des clés aux étudiants et non à enseigner des styles en vogue : "Nous leur offrons des outils, une façon de voir et de se former eux-mêmes, ainsi qu’une connaissance de la tradition." William Bailey ne pense pas que les écoles d’art, malgré le nombre d’élèves qu’elles attirent, aient une grande influence sur les styles dominants de la peinture contemporaine. "Ce ne sont pas les écoles d’art qui influencent le monde de l’art, mais l’inverse."

Abondant en son sens, Anna Chave, historienne de l’art chargée d’un cours sur les problèmes contemporains dans le programme d’arts appliqués du Queens College, à New York, remarque que les étudiants repèrent difficilement les tendances dominantes de la peinture contemporaine : "Les étudiants ne discernent aucun courant linéaire. Ils ont l’impression de pouvoir toucher à tout, ce qui est libérateur mais déroutant." Les étudiants ne savent pas davantage ce qu’ils feront, une fois leur diplôme en poche. La seule certitude est que, s’ils n’appartiennent pas à une famille aisée, ils auront des dettes sans aucune garantie de pouvoir rembourser les prêts accordés pour financer leurs études.

Le programme d’art de Yale compte deux classes d’une soixantaine d’étudiants cette année et quelque huit cent quarante inscrits pour l’an prochain. Les frais de scolarité se montent à 14 600 dollars cette année, et 89 % des élèves bénéficient d’une aide financière, habituellement sous forme de prêts subventionnés par le gouvernement, auxquels s’ajoutent quelques bourses accordées par l’université.

Le temps où le gouvernement prenait directement en charge l’éducation est pratiquement révolu. "Les classes moyennes ont été progressivement écartées des aides gouvernementales", déclarait Therese Lynch Bedoya, responsable des subventions allouées aux écoles d’art du Maryland. Il y a vingt-cinq ans, de nombreux peintres américains pensaient pouvoir recourir à l’enseignement pour gagner leur vie. Mais aujourd’hui, malgré l’augmentation du nombre d’élèves, l’université offre de moins en moins de postes.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°14 du 1 mai 1995, avec le titre suivant : Peinture à Yale, sculpture à Chicago

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