Tefaf

Commerce à double vitesse à Maastricht

Par Roxana Azimi · Le Journal des Arts

Le 30 mars 2010 - 720 mots

The European Fine Art Fair a pâti d’une raréfaction galopante et de transactions plus difficiles à conclure malgré le retour des Américains.

MAASTRICHT - Habituellement, Tefaf, la foire de Maastricht, déclenche chez ses visiteurs un bréviaire de superlatifs. Cette année (du 12 au 21 mars), les marchands ont offert peu d’œuvres spectaculaires ou atypiques. Les cimaises alignaient quantité de pièces déjà connues, parfois récemment passées en ventes publiques. Richard Greene (Londres) proposait ainsi une vue de rivière de Salomon van Ruysdael déjà passée sous le marteau de Sotheby’s.

De même, Otto Naumann (New York) avait accroché une belle vue de Venise de Marieschi, adjugée récemment chez Christie’s. « En décembre dernier, on avait vendu les deux tiers de notre exposition et c’était difficile d’en mettre de côté pour la foire, a admis Johnny Van Haeften (Londres). C’est devenu compliqué de trouver des bonnes choses, et il faut payer très cher pour les acheter. »

La progression des prix se mesurait chez Konrad Bernheimer (Munich). Celui-ci présentait huit tableaux issus de la collection Fuschl, qu’il a contribué à monter ces dernières années. Huit ans plus tôt, Bernheimer avait acquis chez un confrère à Tefaf un tableau de Joos de Momper pour environ 1,1 million d’euros. Les Fuschl les ont remis en vente à Tefaf via Bernheimer, mais pour 3,5 millions d’euros.

Perles rares
Cette édition a rendu plus criant que jamais le hiatus entre certains marchands anglo-saxons et ceux d’Europe continentale. Les premiers relèvent plus de la grande finance et se complaisent dans les redites. Les seconds en revanche se décarcassent pour dénicher des pièces inédites, inspirées et fines. Pour trouver ces perles rares dans cette méga-foire, l’amateur devait avoir un œil de lynx. Il fallait s’arrêter devant la remarquable nature morte de Jean-Baptiste Oudry sitôt vendue par Éric Coatalem (Paris). Ce dernier a aussi cédé une Visitation inédite de Laurent de La Hyre ayant appartenu à Anne d’Autriche.

La galerie Didier Aaron & Cie (Paris) a, pour sa part, fait un carton grâce à ses découvertes et réattributions. Elle s’est ainsi défait d’un tableau de Nicolas Tournier, présentée en 2009 comme « école caravagesque » par Sotheby’s. La galerie proposera par ailleurs en commission au Wadsworth Atheneum Museum of Art (Hartford, Connecticut) la Leçon d’anatomie de Jean-François de Troy. Un vigoureux modelo de Rubens représentant deux soldats enchaînés méritait le détour chez Richard Feigen (New York).

L’un des plus tableaux du salon, Le Baptême du Christ par Nicolas Poussin, était, lui, à découvrir chez Dickinson (Londres). On s’étonne que cette galerie ait préféré faire sa communication autour d’une toile inintéressante de Gauguin, tout comme elle a valorisé deux ans plus tôt un tableau très laid de Van Gogh ! Côté moderne, peu de chose sortait du lot, à l’exception des stands très étudiés des Vedovi (Bruxelles) et de Luxembourg & Dayan (New York).

Pour certains exposants, les affaires se sont effectuées au forceps. D’autres en revanche ont profité du retour d’une clientèle américaine, privée et institutionnelle. Quatre nouveaux acheteurs américains ont emporté certaines des pièces d’art asiatiques les plus chères de Ben Janssens (Londres). Johnny Van Haeften a aussi cédé à un Américain une nature morte de Simon Luttichuys affichée pour 2,25 millions de dollars. Les amateurs venus d’outre-Atlantique ont même assuré 90 % des ventes de la galerie Wienerroither & Kohlbacher (Vienne).

Étrangement, le commerce fut plus ardu pour les marchands de peinture nordique, lesquels jouent pourtant à domicile. Si l’harmonieuse section design a bénéficié cette année de son nouvel emplacement au rez-de-chaussée, le secteur « Works on paper », qui l’a remplacée à l’étage, a souffert d’un certain isolement.

« Les gens montent peu, et quand ils montent, ils sont déjà fatigués et ont dépensé leur argent ailleurs », grimaçait un participant. « Il faudrait que les organisateurs descendent cette section au rez-de-chaussée et qu’ils mettent la brasserie là-haut », martelait pour sa part Marcel Fleiss, de la Galerie 1900-2000 (Paris). Si l’idée est astucieuse, elle ne règle pas la question de la taille déraisonnable de l’événement.

« Il faut que les gens s’habituent à passer désormais deux à trois jours à Maastricht », estime Ben Janssens. Mais le format de la foire pose un autre problème, majeur : il sera de plus en plus difficile à l’avenir d’effectuer un vetting (contrôle) de qualité sur une aussi grande superficie.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°322 du 2 avril 2010, avec le titre suivant : Commerce à double vitesse à Maastricht

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