Graphisme

Des Français très demandés

Par Christian Simenc · Le Journal des Arts

Le 30 mars 2010 - 1142 mots

Dans la foulée du duo M/M (Paris), les graphistes hexagonaux rencontrent de plus en plus de succès à l’étranger - Portrait d’une génération montante.

Un message de félicitations signé du président de la République, Nicolas Sarkozy. Un second envoyé par Frédéric Mitterrand, ministre de la Culture et de la Communication. Même Pierre Bernard, en 2006, n’avait pas hérité de tels égards en décrochant le prestigieux prix Érasme de la Fondation éponyme néerlandaise (lire le JdA no 254, 2 mars 2007, p. 12).

Les graphistes François Alaux, Hervé de Crécy et Ludovic Houplain, regroupés au sein de « H5 », eux, y ont eu droit, lundi 8 mars, au lendemain de la cérémonie annuelle des Oscars 2010, à Los Angeles, au cours de laquelle leur film Logorama a été désigné meilleur court-métrage d’animation. S’agit-il, pour nos hommes politiques, d’une nouvelle façon de surfer sur le « bling-bling » hollywoodien, ou, au contraire, d’un signe fort adressé au monde du graphisme hexagonal ? L’avenir le dira.

Quoi qu’il en soit, c’est quasiment une pluie de distinctions qui s’abat ces derniers temps sur la France du graphisme, du Grand Prix de l’International Society of Typographic Designers, à Londres, décroché en novembre 2009 par Philippe Apeloig – grâce, notamment, à ses affiches conçues pour le Théâtre du Châtelet (Paris) –, aux Prix 2010 pour la création de caractères décernés, le 16 mars, par le Type Directors Club de New York, à trois typographes français : Laurent Bourcellier, Titus Nemeth et Jean-François Porchez. Preuve s’il en est qu’il n’y a pas qu’aux Pays-Bas, en Suisse ou dans les pays anglo-saxons que le graphisme s’épanouit aujourd’hui.

La déferlante M/M
Ce renouveau hexagonal actuel est pourtant loin d’être surprenant. Depuis une bonne dizaine d’années, le graphisme français est tiré, d’un côté, par une poignée d’individualités au travail exigeant et reconnu, tels Philippe Apeloig justement ou Pierre di Sciullo, lesquels ont tracé leur sillon vaille que vaille et en toute discrétion.

De l’autre côté, le milieu a subi de plein fouet la déferlante M/M (Paris), ou Michael Amzalag et Mathias Augustyniak. « Esthétiquement, les M/M ont apporté énormément par la manière de remettre en cause certains canons ou de mélanger culture populaire et typographies débridées, explique Gaël Étienne, du studio deValence. Ils ont clairement bousculé le paysage et ouvert des portes. » Et, par la même occasion, redonné une visibilité au graphisme tricolore.

Leur exposition « Translation », présentée en 2005 au Palais de Tokyo, à Paris, a en outre fait boule de neige. En témoigne, l’an passé encore, la vaste présentation au Musée de la publicité, à Paris, du travail d’un autre duo détonnant : Antoine Manuel.

Signe des temps : le graphisme s’nsinue partout, à l’instar de ce petit journal gratuit baptisé Delicious Paper, singulier objet éditorial. De nouvelles maisons d’édition spécialisées – Ypsilon, B42… – ont vu le jour. Dans un autre registre, la Communauté urbaine de Bordeaux a nommé un graphiste, Franck Tallon, directeur artistique à la direction de la communication. Depuis septembre 2009, ce dernier est ainsi à la tête d’un « Bureau des interventions graphiques », chargé de toute l’image externe de la collectivité locale.

Le graphisme aurait-il (enfin) acquis ses lettres de noblesse en France ? Rien n’est moins sûr. Pour l’heure, il est par exemple quasi invisible au sein des collections du Fonds national d’art contemporain (FNAC), et pour cause : il n’existe aucune commission d’acquisition ad hoc. Hormis des pièces issues de la commande publique (lignes graphiques institutionnelles, affiches pour la Fête de la musique…), les quelques œuvres entrées dans les collections – elles se comptent sur les doigts de la main – l’ont été à travers la commission d’acquisition arts plastiques.

Ainsi celles des M/M, en 2004, ou, l’an passé, ce travail du duo deValence en collaboration avec l’artiste Saâdane Afif. « Le graphisme n’est pas encore un axe très repéré au FNAC, convient Chantal Creste, inspectrice de la création artistique, en charge du graphisme, à la direction générale de la Création artistique. Mais cette question de l’acquisition des pièces liées au graphisme est actuellement en cours de réflexion ».

Bref, il faut savoir raison garder. D’autant que la reconnaissance ne prémunit pas contre d’éventuels revers, tel celui, cinglant, que vient de subir Pierre di Sciullo avec le Stedelijk Museum d’Amsterdam. Désigné le 15 janvier 2009 lauréat du concours international pour la redéfinition de l’identité visuelle dudit musée, et après avoir depuis œuvré à cette tâche, le graphiste français vient de voir son engagement rompu par la nouvelle direction, en fonction depuis le 1er janvier 2010. « Le Stedelijk Museum annonce par la présente qu’il ne donnera pas suite aux études en cours pour son identité graphique, annonce le communiqué officiel.

Ann Goldstein, en tant que nouvelle directrice du Stedelijk Museum, a un point de vue différent sur la façon d’aborder l’identité graphique du musée et son image de marque. Le Stedelijk Museum étudie attentivement de nouvelles perspectives pour son identité graphique… » Une pétition de soutien à Pierre di Sciullo circule actuellement sur Internet, le graphiste réfléchissant de son côté aux suites à donner.

Comme un pied de nez, les M/M, quant à eux, après l’abandon par le Palais de Tokyo de l’identité visuelle qu’ils avaient imaginée pour le lieu, l’ont mise à disposition gratuitement sur leur site Web. Celle-ci, rebaptisée avec humour Tokyo Palace In Memoriam, a néanmoins été utilisée entre 2000 et 2006. Qu’adviendra-t-il de la Stedelijk Museum conçue par Pierre di Sciullo ?

L’actualité du graphisme

Conférences

Les 15 et 16 avril, « Printemps de la typo 2010 » sur le thème de « Transmettre l’écrit », Institut national du patrimoine, 2, rue Vivienne, 75002 Paris. Rens. Gérard Becker, chef de travaux à l’École Estienne (Paris), gerard.becker@ecole-estienne.fr ou www.ecole-estienne.fr

Du 19 au 21 avril, « Typographies du XXIe siècle », rencontres et conférences sur la typographie contemporaine avec des créateurs français et étrangers, à l’École supérieure d’art et de design d’Amiens, www.esad-amiens.fr

L’association F7 invite : le 21 avril, le Suisse Jost Hochuli, auteur de la bible des graphistes, Le Détail en typographie (B42 Ed.) ; le 16 juin, l’Anglais Matthew Carter, inventeur de nombre de systèmes de polices de Microsoft, dont le fameux Verdana. À 19 h 30 au Palais de Tokyo, 13, av. du Président-Wilson, 75116 Paris. Réservation indispensable sur reservation@fsept.net

Manifestations

Saison graphique, Le Havre, avec : Anette Lenz, Vincent Perrottet, Lieuxcommuns, Flag, Jack Usine…, du 3 mai au 2 juillet, rens. 02 35 53 30 31

Mois du graphisme d’Échirolles (Isère), du 26 novembre 2010 au 30 janvier 2011, www.graphisme-echirolles.com

Sites Web

Le Typographe, « informations intéressantes liées à la scène typographiques française et francophone par extension » : www.typographe.com.

Étapes, « design et culture visuelle » : www.etapes.com

Publication

Éditée par le Centre national des arts plastiques, la 16e édition de Graphisme en France 2009/2010 est téléchargeable en ligne sur www.cnap.fr

Thématiques

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°322 du 2 avril 2010, avec le titre suivant : Des Français très demandés

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