Asie

C’est Kannon

Par Maureen Marozeau · Le Journal des Arts

Le 30 mars 2010 - 455 mots

Le Musée d’ethnographie de Genève lève le voile sur la divinité bouddhique Kannon, incarnation de la compassion universelle.

GENÈVE - Saviez-vous que la société japonaise Canon doit son nom à l’une des divinités bouddhiques les plus vénérées d’Extrême-Orient ? Œuvrant à la gauche de Bouddha, le bodhisattva Kannon incarne la compassion ultime, car il a fait vœu de ne devenir bouddha qu’une fois que tous les autres êtres le seront devenus. En Asie, le « regard suppose que les yeux projettent de la lumière sur l’objet observé ». Aussi Kannon scrute-t-il les voix du monde, y entend les souffrances et apporte son réconfort aux plus démunis. Sa popularité est telle que son nom a pris autant de formes que la multitude de pays et de cultures dans lesquels il est célébré (Chine, Japon, Vietnam, Corée, Tibet, Cambodge, Indonésie…).

L’étude iconographique du culte de Kannon que propose le Musée d’ethnographie de Genève se fonde sur quelques pièces exceptionnelles issues de ses collections. Face à l’imposante statue en bois peint de Guanyin (nom chinois de « Kannon ») du XIIIe-XIVe siècle, frôlant les deux mètres de haut, est déployé un éventail de représentations couvrant toutes les périodes et géographies. Tous les domaines et techniques aussi – citons à ce titre une exquise tête khmère en grès (XIIe-XIIIe siècle), identifiable au minuscule bouddha qui surplombe son front.

Guidé dans un parcours didactique, le visiteur pourra également admirer une sélection de l’importante collection d’André Leroi-Gourhan. L’anthropologue a collecté des ofuda, images pieuses japonaises portatives figurant les statues des temples auxquels doivent se rendre les pèlerins.

Car, comme en témoignent les différents éléments (tenue blanche de pèlerin, cachets de monastères, sistres, chapelles portatives, moulins à prières) recueillis sur le terrain par Jean Eracle, ancien conservateur du département Asie du musée, Kannon fait, aujourd’hui encore, l’objet de pèlerinages au long cours. Notons que cette étude bénéficie du très beau travail scénographique de Sven Tugwell : sous un éclairage étudié, ces quelques salles, somme toute banales, parviennent à plonger le visiteur dans un état d’esprit propice à la réflexion et la méditation.

À signaler sur le même site, l’exposition « L’air du temps », qui interroge à travers la musique la question – décidément très en vogue – de l’identité et de la mémoire à l’ère de la mondialisation.

Construite à partir du travail de l’ethnomusicologue Constantin Brailoiu (1893-1958), fondateur des Archives internationales de musique populaire (AIMP) constituées au musée genevois juste après la Seconde Guerre mondiale, cette exposition vaut surtout par sa scénographie inventive, à l’acoustique et à l’esthétique soignées (par Catherine Nussbaumer). Les responsables de la Cité de la Musique, à Paris, pourraient s’en inspirer.

KANNON

Commissaires : Jérôme Ducor, commissaire scientifique ; Philippe Mathez, commissaire muséologique

Scénographie : Sven Tugwell

LE REGARD DE KANNON, jusqu’au 20 juin, Musée d’ethnographie de Genève, 65, bd Carl-Vogt, Genève, tél. 41 22 418 4850, www.ville-ge.ch/meg, tlj sauf lundi 10h-17h. Catalogue, coédité avec Infolio Éditions (Gollion, Suisse), 104 p., 20 euros, ISBN 978-2-88474-187-3.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°322 du 2 avril 2010, avec le titre suivant : C’est Kannon

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