New York et Londres : des succès de librairie

Les ventes de livres à Londres et New York

Par Le Journal des Arts · Le Journal des Arts

Le 1 juillet 1995 - 873 mots

La fin du mois de juin est traditionnellement l’époque des ventes de livres les plus importantes, à Londres. Les salles des ventes saisissent l’occasion de la foire de Grosvenor House et des foires parallèles pour proposer aux professionnels et aux amateurs leurs pièces de choix. Cette année, les deux principales maisons de vente ont même avancé leurs vacations au début du mois de mai. Les livres illustrés français ont remporté un vif succès des deux côtés de l’Atlantique.

LONDRES - Le 18 mai, un manuscrit de Haydn a atteint 600 000 livres (4,7 millions de francs) lors d’une vente chez Sotheby’s, qui devait proposer le lendemain la bibliothèque du philosophe Karl Popper. Mais le gouvernement autrichien ayant offert de racheter l’ensemble pour créer un centre de recherches Karl Popper à Klagenfurt, Sotheby’s a proposé en compensation la bibliothèque du cinquième comte de Rosebery, envoyée en Écosse avant les ventes Mentmore de 1977, et adjugée cette fois 1,56 million de livres (12,3 millions de francs).

Le 2 mai, chez Christie’s, la vente des ouvrages français illustrés du Dr Sali Guggenheim, de Zurich, a rapporté 1,5 million de livres (11,8 millions de francs). En outre, provenant de l’atelier d’Aldo Manuce (imprimeur vénitien de la Renaissance), la plus belle collection d’ouvrages que l’on ait vue au cours des vingt dernières années a atteint 1,75 million de livres (13,8 millions de francs). Des gravures en couleurs ayant trait à l’histoire naturelle et aux voyages ont totalisé, elles, 1 million de livres (7,9 millions de francs).

Les ventes de Christie’s et Sotheby’s, entre les 2 mai et 2 juin, s’élèvent à 10,14 millions de livres (80,1 millions de francs). Addi­tionnées aux ventes new-yorkaises (5,34 millions de dollars, soit 26,7 millions de francs) et à celles de Phillips, de Bonhams et de South Kensington, elles atteignent au total 15 millions de livres (118,5 millions de francs), un chiffre modeste en termes de marché, mais qui souligne la vitalité des ventes de livres rares.

Relié par Padeloup pour Louis XV
Le fonds Rosebery contenait de beaux ouvrages français, mais c’est la collection Guggenheim qui proposait les plus riches exemples de trois siècles d’illustration française. Elle comportait en particulier, pour le XVIIIe siècle, l’un des dix exemplaires reliés par Padeloup pour Louis XV du catalogue raisonné de L’œuvre d’Antoine Watteau (1735), adjugé 44 000 li­vres (347 600 francs). Une luxueuse édition en quatre volumes des Fables de La Fontaine (1755-1759), avec des gravures d’après Jean-Baptiste Oudry, est partie à 20 000 livres (158 000 francs).

Des ouvrages de Daumier et de Grandville ont fait monter les enchères pour le XIXe siècle ; mais les ventes les plus importantes ont concerné le XXe siècle, notamment l’édition de 1900 du Parallèlement de Vollard, où des lithographies de Bonnard illustrent avec sensualité le texte de Verlaine et marquent une étape importante dans l’évolution du livre moderne.

Des aquatintes en couleur de Rouault, pour le Cirque de l’étoile filante et le Miserere (éditions Vollard de 1938 et 1948), ont été achetées par Sims Reed pour respectivement 63 700 livres (503 230 francs) et 40 000 livres (316 000 francs). Deux éditions Tériade, des pochoirs de Matisse pour Jazz (1947) et des lithographies en couleur également de Chagall pour Daphnis et Chloé (1961) se sont vendues à 108 000 livres (859 200 francs) et 120 000 livres (948 000 francs).

Reliure Art déco par Cretté, Schmied et Dunand
À New York, le 2 juin, les illustrations modernes françaises et les reliures d’art ont dominé la vente (sans doute des collections Fred Koch) intitulée "The Book as Art" (Le livre objet d’art). Un tiers des ouvrages sont restés invendus, mais une fois encore, les pièces de choix ont trouvé acquéreur. Les reliures ont là aussi joué leur rôle, comme le démontre la vente d’un autre exemplaire du Parallèlement, illustré par Bonnard et relié par Bonet, pour 110 000 dollars (550 000 francs).

Les illustrations de Schmied pour Les climats de la comtesse de Noailles (1924) – un exemplaire unique de reliure Art déco par Cretté, comportant un panneau de laque dessiné par Schmied mais exécuté par Dunand – s’est vendu 70 000 dollars (350 000 francs). Un autre exemplaire du Miserere de Rouault, dans le portfolio d’origine, a atteint le même prix. Toujours de Rouault, des gravures dans une édition de Passion d’André Suarès, chez Vollard (1939), ont bénéficié d’une reliure de Bonet qui a fait en monter le prix à 65 000 dollars (325 000 francs).

1. Trois exemplaires de l’édition 1900, chez Vollard, du Parallèlement de Verlaine, ont été vendus cette année. L’exemplaire Guggenheim, sur papier Van Gelder avec la couverture d’origine, s’est vendu 16 000 livres (soit 126 000 francs) le 2 mai. Pour le deuxième, un des dix exemplaires sur Chine avec 22 épreuves des lithographies de Bonnard, des gravures et une reliure en maroquin rouge de Marius-Michel, Christie’s-New York a obtenu 40 000 dollars (200 000 francs) le 19 mai. Le troisième a été vendu le 2 juin, chez Sotheby’s New York, pour 110 000 dollars (550 000 francs). Également sur papier Van Gelder, il a conservé la reliure de maroquin rose foncé, or et ivoire illustrée ci-contre, commandée par le collectionneur argentin Carlos R. Scherrer à Paul Bonet au début des années trente.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°16 du 1 juillet 1995, avec le titre suivant : New York et Londres : des succès de librairie

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