Jacquemart-André toujours fermé

Fausse note pour le bicentenaire de l’Institut

Le Journal des Arts

Le 1 juillet 1995 - 614 mots

Alors que l’Institut de France prépare avec éclat la célébration de son bicentenaire, l’un de ses plus beaux musées, le Musée Jacque­mart-André à Paris, reste fermé au public depuis trois ans.

PARIS - "Je doute que nous puissions rouvrir le musée aux visiteurs individuels cet automne, à l’occasion du bicentenaire de l’Institut", reconnaît le conservateur Nicolas Sainte Fare Garnot, dépêché en urgence en 1992 pour assainir la gestion du musée, mise en cause par un rapport de la Cour des Comptes (lire JdA n° 1, mars 1994). "Tout le musée, à l’exception de l’étage italien, est accessible et présentable au public", assure-t-­il, après avoir obtenu début mai de la Préfecture de police l’autorisation de rouvrir le rez-de-chaussée. Mais seuls les groupes peuvent y pénétrer.

Car malgré ses efforts, le conservateur continue à rencontrer de graves difficultés financières. En louant les salons du musée pour des réceptions (aux sociétés Hewlett-Packard, Motorola ou Flammarion), en organisant des visites réservées aux groupes (10 000 entrées à 25 francs en 1994), et en vendant une plaquette consacrée au musée et à ses collections (60 et 120 francs), il est parvenu à dégager des recettes en propre.

Mais Nicolas Sainte Fare Garnot comptait avant tout sur les retombées d’un prêt de 80 œuvres pour trois expositions au Japon, l’hiver dernier. Il en espérait un gain d’1,5 million de francs. Cependant, il a préféré renoncer à cette "location", à la suite d’un désaccord avec l’intermédiaire menant l’opération, qui souhaitait ajouter à cette tournée de nouvelles étapes dans des grands magasins nippons, ce que le musée refusait.

Pour restaurer les appartements privés (trois pièces au rez-de-chaussée), le musée recevra un million de francs grâce au mécénat de la Banque Neuflize-Schlumberger-Mallet.

Une pièce pourrait être ainsi restaurée chaque année. En revanche, le financement de la réfection de l’étage italien – où se trouve un remarquable ensemble de peintures, Ucello, Mantegna, Guardi, Carpaccio, etc… – s’annonce plus difficile. Pour l’heure, le musée est parvenu à dégager quatre millions de francs sur ses fonds propres pour une restauration évaluée à 10 millions de francs.

Le groupe Fiat va participer à la restauration de certaines œuvres, pour un montant qu’il ne souhaite pas divulguer, alors que le musée espérait un engagement plus important, à hauteur de 2 millions de francs. Nicolas Sainte Fare Garnot tente toutefois de réunir un "club d’une dizaine d’entreprises italiennes", chacune engageant 200 000 francs ou l’équivalent. Ainsi, les travaux d’électricité seraient assurés par une firme italienne.

Ouvrir au public alourdirait les frais de fonctionnement
Accueillir le public en permanence imposerait d’étoffer l’équipe actuelle de dix personnes, ce qui alourdirait les frais de fonctionnement (6 millions de francs l’an à ce jour). Or ces derniers excèdent déjà les revenus annuels propres de la Fondation – 4 millions de francs – dont une partie est, en outre, affectée à l’abbaye royale de Chaalis léguée par les Jacquemart-André.

Pour rouvrir, le musée doit par conséquent achever ses investissements – au minimum cinq millions de francs –, régler sa dette à l’égard de l’Institut de France – cinq autres millions – et trouver plus de deux millions de francs sur chaque exercice annuel pour fonctionner a minima.
"Nous devrons immanquablement nous poser la question de la recapitalisation des fondations qui gèrent les musées de l’Institut", estime Nicolas Sainte Fare Garnot.

Comme il est impossible d’envisager la vente d’une œuvre, aucun élément de réponse durable n’est avancé du côté de l’Institut, à l’exception d’un espoir, de moins en moins secret, de voir le ministère de la Culture intervenir de façon croissante dans les investissements (au titre des monuments historiques, sur les bâtiments ou sur les collections bientôt classées), ou en participant au fonctionnement du musée.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°16 du 1 juillet 1995, avec le titre suivant : Jacquemart-André toujours fermé

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