Quand le Musée de Phnom Penh déploiera ses ailes…

Après l’Australie, la France propose son aide

Par Emmanuel Fessy · Le Journal des Arts

Le 1 juillet 1995 - 783 mots

Un programme de restauration du Musée national de Phnom Penh, mené par la National Gallery of Australia de Canberra et portant essentiellement sur la toiture du bâtiment, vient de s’achever. La France, elle, étudie la construction de deux nouvelles ailes pour doubler la surface d’un musée qui conserve la plus importante collection au monde de sculptures angkoriennes et pré-angkoriennes.

PHNOM PENH - En 1992, le directeur du Musée national de Phnom Penh, Pich Keo, avait signé un accord de coopération avec l’Australie, autorisant le prêt de trente-trois œuvres pour l’exposition "The Age of Angkor" à la National Gallery of Australia de Canberra. En contrepartie, l’Australian International Development Assistance Bureau s’était engagé à financer un programme de rénovation du musée à hauteur de 900 000 dollars (4,5 millions de francs).

Les travaux, qui ont duré trois ans, ont porté essentiellement sur la toiture de tuiles en style khmer traditionnel. Celle-ci a été rénovée afin d’empêcher les infiltrations de pluie. Les bâtiments, conçus par Georges Groslier à l’époque du protectorat français, ont été également repeints. L’éclairage et la sécurité ont été améliorés, les réserves en sous-sol partiellement réaménagées. L’achè­vement du chantier, le 28 avril, en présence du roi Norodom Sihanouk, a coïncidé avec le 75e anniversaire du musée, inauguré en avril 1920 par le roi Sisowath.

De son côté, la France étudie une opération reposant sur le même schéma, mais de plus grande envergure. En "remerciement" du prêt d’œuvres pour une exposition prévue en 1997 à Paris, elle pourrait participer au financement de la construction de deux nouvelles ailes, de part et d’autre de l’actuel bâtiment, qui doubleraient la surface du musée. Celles-ci seraient réalisées dans le style khmer adopté par Georges Groslier.

L’étude de la Direction des Musées de France
"Ces deux ailes s’intégreraient parfaitement au bâtiment", assure Christian Dupavillon, chargé de coordonner l’aide française sur le site d’Angkor, pour qui "le musée est le premier pas vers la visite d’Angkor". Elles offriraient une meilleure présentation des sculptures et des bronzes et permettraient de montrer de nombreuses pièces entreposées à la conservation d’Angkor. Un espace pour les expositions temporaires, des bureaux, un service éducatif et des ateliers de restauration pourraient également être aménagés.

La Direction des Musées de France (DMF) a achevé une étude préalable, et le financement du chantier est actuellement en discussion. La DMF propose en outre de revenir aux "bases" définies par Groslier, qui avait conçu une sorte de palais ouvert à l’air libre. Mais l’insécurité a conduit à boucher peu à peu les fenêtres et les ouvertures. Selon la DMF, sécurité, lumière et ventilation naturelles pourraient faire bon ménage en bâtissant un mur d’enceinte.

Quatre cents nouvelles acquisitions répertoriées
En 1975, la majorité des quatre-vingt-dix personnes travaillant au musée, dont le directeur, Ly Vouong, et nombre de conservateurs formés par l’École française d’Extrême-Orient, ont été assassinés par les Khmers rouges.

M. Pich Keo a pu revenir en 1979 avec une poignée de survivants. Au­jour­d’hui, la documentation (en khmer, en français et en anglais) sur les collections de sculptures, céramiques, barques royales, palanquins, costumes de danse… est à nouveau accessible. Quatre cents nouvelles acquisitions ont également été répertoriées, comme ces têtes géantes d’Angkor Thom, récupérées chez des trafiquants d’art ou données par des particuliers.

Au total, le musée conserve plus de 5 000 objets datés du VIe au XIIIe siècle, dont un Krishna en grès du VIe siècle, l’un des plus anciens dans le style de Phnom Da, ou encore un Vishnou reposant le serpent Ananta, dans le style du Baphuon. Quelques sculptures, entourées de fleurs et d’encens, sont toujours vénérées par les visiteurs comme si elles se trouvaient encore dans un temple : telle cette tête en grès du roi Jayavarman VII, du XIIIe siècle, retrouvée en 1958 à une centaine de kilomètres à l’est d’Angkor, à Prasat Prah Khan.

Il y a vingt ans, des œuvres des collections de province, en particulier de Battambang, avaient été transférées au musée pour être mises à l’abri des exactions. Aujourd’hui, la documentation sur ces objets a été réunie et intégrée dans les fichiers de la bibliothèque. Une chambre noire pour le développement des films a été aménagée pour favoriser l’enrichissement de la documentation photographique, encore très lacunaire, et on a formé du personnel pour tenir la boutique du musée.

"Cambodge, mémoire vive" présente jusqu’au 1er octobre au Musée Albert Kahn, quatre-vingt-seize photographies récentes, prises sur le terrain, par les volontaires de l’Association humanitaire franco-khmère "Nouvelle famille". Elles sont confrontées à douze autochromes, premier procédé de photographie directe des couleurs, de Léon Busy, témoignant de la vie quotidienne au Cambodge en 1921. Plusieurs audiovisuels permettent également de mieux comprendre le peuple khmer et son histoire. (Musée Albert Kahn, 14, rue du Port, Boulogne-Billancourt).

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°16 du 1 juillet 1995, avec le titre suivant : Quand le Musée de Phnom Penh déploiera ses ailes…

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