Olivier aDebré plein champ

Plus de soixante-dix peintures réparent un oubli à Paris

Par Le Journal des Arts · Le Journal des Arts

Le 1 juillet 1995 - 498 mots

Né en 1920, Olivier Debré n’avait curieusement jamais vu son œuvre faire l’objet d’une rétrospective à Paris. Avec plus de soixante-dix peintures, sculptures et dessins sur les deux étages du musée, le Jeu de Paume répare l’oubli dont \"le plus américain des peintres français\" avait été victime.

PARIS - Olivier Debré est, à sa façon toute classique, un peintre à part dans le paysage artistique hexagonal. S’il expose pour la première fois au lendemain de la guerre des œuvres qui ont indéniablement un rapport oblique avec le matiérisme, elles n’y sont pas pour autant assimilables. Si ses peintures du milieu des années soixante se font plus lisses et plus vastes, la référence au color-field américain manque encore de pertinence. Pourtant, cette œuvre appartient pleinement à son époque, à la croisée des chemins d’une tradition européenne longuement méditée et d’une "révolution" américaine qui allait, avec l’Expressionnisme abstrait, rendre toute sa puissance à l’espace pictural.

"Faire du Courbet abstrait"
Un artiste a souvent besoin d’un slogan qui ne prétend pas avoir de valeur universelle, mais qui, aussi énigmatique dans ses conséquences et aussi hérétique dans la perspective historique puisse-t-il paraître, tient lieu pour lui de programme. Cézanne, moine-soldat du Post-impressionnisme, souhaitait "refaire Poussin d’après nature". Élégiaque, Debré a souhaité très tôt "faire du Courbet abstrait". Les maîtres changent, les références trouvent ailleurs leurs racines, et, caractéristique d’une modernité qui ne semblait pas alors faire l’objet du moindre doute, il ne s’agit plus de refaire, avec un souci critique et analytique, mais de faire.

La peinture de Debré a ainsi gagné en simplicité et en immédiateté ce qu’elle a perdu en complexité et en profondeur. C’est sans doute ce qui fait que le "plus américain de nos peintres" est sans doute aussi, comme le souligne Ann Hindry dans le catalogue, le "plus français". "Celui, poursuit-elle, qui porte avec le plus d’évidence naturelle l’héritage d’une culture spécifique, et dont la principale source d’énergie créatrice est ce qui entoure la maison de famille, au cœur de ce qu’il est convenu d’appeler le Jardin de la France."

Douce France
C’est en effet la douce Touraine, si différente de l’âpre Franche-Comté de Courbet, qui est le cadre privilégié de Debré et qui exerce sur son art une influence profonde. Évoquant la Loire dans sa préface, Georges Duby exprime bien le lyrisme dont est empreinte cette œuvre volontiers monumentale.

"Ces peintures, écrit l’académicien, ont l’ampleur, l’indécision de toute limite, les copieuses fluences de ces eaux généreuses. Largesse. Majesté. Lumière aussi." Quand il expliquait pourquoi il avait abandonné toute trace de signe, Debré disait que "le personnage est dans celui qui peint", façon d’indiquer combien la réceptivité du peintre lui-même doit se transmettre sans obstacle ni équivoque à la surface de la toile, qui devient alors un champ coloré d’impressions premières.

RÉTROSPECTIVE OLIVIER DEBRÉ, Galerie nationale du Jeu de Paume, jusqu’au 24 septembre. Ouvert tous les jours, sauf le lundi, de 12 à 19 h. Catalogue avec des textes de Georges Duby, Andreas Franzke, Ann Hindry, Achille Bonito-Oliva.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°16 du 1 juillet 1995, avec le titre suivant : Olivier aDebré plein champ

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