Un regard nouveau sur l’histoire normande

À Caen, l’aventure des hommes du Nord, de la Normandie à la Sicile

Le Journal des Arts

Le 1 juillet 1995 - 619 mots

L’exposition “Les Normands peuple d’Europe”? – qui, en 1994, a été un grand succès, et a accueilli 400 000 visiteurs à Rome et à Venise – est reprise en France. À Caen, les commissaires ont recherché une approche nouvelle et souhaité présenter, pour la première fois hors d’Italie, l’art de l’Italie du Sud.

CAEN -  “L’exposition a l’ambition de créer quelque chose de neuf à partir de ce que l’on avait fait à Rome, dans la continuité des choix précédents, car le public français avait été frustré de ne pouvoir voir l’exposition”, déclare Jean-Yves Marin, commissaire de l’exposition.

Celle-ci privilégie l’époque de l’expansion normande, aux XIe et XIIe siècles, cet “âge d’or” où les conquérants ont fait de la Normandie d’alors l’État le plus puissant d’Europe. Il a été convenu par les commissaires français, italiens et anglais, qu’elle montrerait prioritairement l’art de l’Italie du Sud.

Trésors romans d’Italie du Sud et de Sicile
L’histoire, avec les Normands, franchit les frontières. Le sud de l’Italie et la Sicile, coupés de l’Europe depuis la fin de l’Antiquité, semblent ouverts à la conquête. En l’an mil, l’Italie n’est pas l’Europe ; les influences byzantines, puis arabes, et l’héritage classique de Rome s’y conjuguent : la Sicile est musulmane depuis plusieurs siècles. La Pouille (Bari et Brindisi) est contrôlée par Byzance. La Basilicate et la Calabre sont encore habitées par une population que l’on pourrait qualifier de romaine, et la région de Naples reflète l’implantation gréco-romaine.

L’exposition de Caen, dans la salle de l’Échiquier, reprend les objets italiens présentés à Rome. Conquérants, les Normands n’apportent pas avec eux une civilisation, mais ils savent s’adapter. Le règne de Roger II (1130-1154), roi normand lisant le grec et l’arabe, est un moment unique dans l’histoire artistique et culturelle de l’Europe médiévale, qu’illustre ici une pierre épigraphique provenant du palais normand de la Zisa à Palerme, aux textes latin, grec, hébreu et arabe.

Une sélection d’objets normands du sud de l’Italie, de très haute qualité – chapiteau roman de Bari à décor d’animaux fantastiques, dalle figurant saint Georges terrassant le dragon – a été regroupée.

La Normandie des Plantagenêts
Henri II Plantagenêt se rend maître, en 1150, d’un empire s’étendant de l’Écosse à Bordeaux, et s’emploie à l’organiser dans le respect des institutions propres à chacune des entités qui le composent. L’exposition se poursuit dans l’église du château, où l’on trouve les œuvres – gisants, orfèvrerie, sculpture – les plus prestigieuses de la Normandie de l’époque Plantagenêt.

Elles illustrent l’importance de l’Église et de l’aristocratie. “De très nombreux ecclésiastiques présents en Angleterre et en Italie étaient d’origine normande”, écrit Mario d’Onofrio, commissaire italien de l’exposition.

Sont présentés ici quelques rares objets de cette époque : l’unique cuve baptismale romane connue, décorée d’un calendrier des douze mois de l’année et des signes du zodiaque ; un reliquaire en argent et un reliquaire en cristal de roche ; le peigne liturgique de Thomas Beckett, et quelques objets remarquables de l’abbaye de Saint-Evroult-en-Ouche.

C’est dans cette abbaye, l’un des centres culturels du royaume de France et d’Angleterre, que Beckett revêt la bure de moine et que naît son amitié avec Henry II Plantagenêt. Des abbés de Saint-Evroult sont partis vers 1250 s’installer en Calabre, où ils ont reconstruit une abbaye à l’identique. Les résultats des fouilles de la demeure fortifiée de Rubercy montreront le cadre de vie d’un seigneur de la région de Bayeux dans les années 1160.

Pour représenter l’Angleterre, Portsmouth – port d’arrivée des conquérants à l’époque des Plantagenêts – qui a fêté cette année les 800 ans de sa charte de fondation signée par Richard Cœur de Lion – et présente ici quelques documents d’archives ainsi que des éléments scénographiques de l’exposition réalisée pour cette commémoration.

ITALIE DES NORMANDS, NORMANDIE DES PLANTAGENÊTS, Musée de Normandie, Caen, jusqu’au 25 septembre.
Le très important catalogue, LES NORMANDS, PEUPLE D’EUROPE 1030-1200, regroupe des textes de spécialistes travaillant en Grande-Bretagne, en Italie, en France. Flammarion, édition brochée, 320 F., reliée, 595 F.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°16 du 1 juillet 1995, avec le titre suivant : Un regard nouveau sur l’histoire normande

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