Au pavillon français : César en un seul bloc

520 tonnes sans direction, sans horizon, enchâssées comme un bijou

Par Le Journal des Arts · Le Journal des Arts

Le 1 juillet 1995 - 373 mots

Le choix de César pour représenter la France avait surpris. Les commentaires et les justifications de la commissaire, Catherine Millet, s’étaient multipliés en conséquence. Le pavillon français ne cause pas la surprise annoncée.

VENISE - Pourquoi vider à Venise, s’était-on demandé, une querelle franco-française concernant la reconnaissance, par les institutions, de César ? Pourquoi, surtout, le faire sous une forme ne satisfaisant pas à une stratégie de divulgation en direction du public international qui ne connaît pas ou connaît mal son parcours ? On aurait pu envisager une rétrospective en bonne et due forme qui eût rempli avec efficacité cette mission. Les 520 tonnes enchâssées comme un bijou dans l’espace exigu du pavillon pèsent évidemment de tout leur poids.

Mais ce poids est sans direction, sans horizon, feignant de contrarier les lois de la gravité par une composition très méditée, par une vision de la surface qui se substitue à une pensée de la masse. Sculpteur classique à ses débuts, César le redevient ici en redonnant au geste tout son rôle, en magnifiant la matière au lieu de la soupçonner. Mais le classicisme, sur la lagune, était cette année de rigueur.

Pour en contrebalancer peut-être les effets trop voyants, le rédacteur en chef-adjoint de Catherine Millet à la revue Art Press propose une "Histoire de l’infamie" au Circolo artistico. L’idée en est simple : il s’agit de privilégier les artistes qui ont pris en compte l’illusion du chef-d’œuvre pour y substituer le "champ miné du fiasco, du ridicule, de l’ignominie, du grotesque".

Compensant ce qu’une telle idée peut avoir d’insuffisant, Jean-Yves Jouannais explique que ratage et mauvais goût sont conduits selon "différentes stratégies". Nous savions déjà que tout est réversible, que tout est dans tout : ce qui n’est pas nécessairement inacceptable si certaines conditions sont réunies. Au Circolo artistico, l’argument se délite dans un accrochage approximatif, guidé seulement par l’autosuffisance espérée des œuvres.

CÉSAR, pavillon français, Giardini jusqu’au 15 octobre. Catalogue préfacé par Philippe Sollers et édité par les Éditions du Regard.
HISTOIRE DE L’INFAMIE, Circolo artistico de l’Arsenal, jusqu’au 31 juillet. Catalogue publié par les Éditions Hazan. Sous le titre "Autres victoires", cette exposition élargie trouvera un écho au château de la Louvière, à Montluçon, du 7 juillet au 1er octobre.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°16 du 1 juillet 1995, avec le titre suivant : Au pavillon français : César en un seul bloc

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