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Dessinateur de presse

Artiste ou journaliste ? Ces professionnels de l’humour aiguisent leurs crayons pour la liberté d’expression

Par Sophie Flouquet · Le Journal des Arts

Le 16 mars 2010 - 792 mots

Le 27 mars, la Bibliothèque nationale de France (BNF) organise la première édition de la « Biennale du dessin de presse ». Si plusieurs manifestations existaient déjà en régions, à Carquefou (Loire-Atlantique), Castelnaudary (Aude), Orléans-Saint-Marceau (Loiret) ou Saint-Just-le-Martel (Haute-Vienne), aucune ne lui avait été jusque-là consacrée dans la capitale, où est pourtant concentré le plus grand nombre de rédactions de journaux de l’Hexagone.

L’événement, qui est accompagné de deux expositions, pourrait aussi être interprété comme une volonté d’éclairer d’un jour particulier un métier qui a fait les beaux jours de la presse d’opinion, et qui, comme celle-ci, est aujourd’hui loin d’être florissant. Il suffit en effet d’ouvrir les pages des quotidiens nationaux pour constater à quel point certains malmènent leurs dessinateurs.

Ces derniers voient leur espace se réduire progressivement à la portion congrue, quitte à nuire à la lisibilité même du dessin. « Les seuls qui ne savent pas qu’on existe ce sont nos commanditaires », déplore Michel Cambon, qui travaille, depuis Grenoble (Isère), pour de nombreuses publications et s’estime privilégié, lui qui vit de son travail et est titulaire de la carte de presse.

Dessin à valeur éditoriale
Pour de nombreux autres dessinateurs, la réalité est plus difficile. « Les éditeurs, y compris les grands journaux, ne voulaient plus nous payer en carte de presse et nous ont incités à nous organiser en société », explique Maurice Smadja, fondateur et cogérant d’Iconovox, à Paris, une plateforme et une source d’iconographie de dessin de presse qui regroupe aujourd’hui cinquante-deux professionnels.

« Sans cela, beaucoup de dessinateurs ne dessineraient plus. » Depuis une base accessible sur Internet, le collectif Iconovox permet en effet de diffuser à un ensemble de clients, de la presse aux éditeurs de manuels scolaires, en passant par des associations ou des collectivités locales, des dessins sur des thèmes précis.

« Notre objectif est de faire vivre le dessin de presse, qui se standardise et devient de plus en plus un travail d’informaticien », poursuit Maurice Smadja. L’informatique, Michel Cambon ne l’utilise quant à lui que pour scanner et expédier ses dessins – tous exécutés à la plume sur papier – vers les rédactions auxquelles il collabore.

Diplômé de l’école des beaux-arts d’Avignon en section peinture, celui-ci a commencé le dessin de presse alors qu’il était encore étudiant, pour « payer [s]es pinceaux et [s]es tubes ». Puis il a continué dans cette voie, répondant aux deux facettes du métier : les commandes précises d’articles à illustrer d’une part, le dessin à valeur éditoriale sur un sujet d’actualité d’autre part, offrant une plus grande liberté au dessinateur.

Quitte à risquer les coupes des ciseaux d’Anastasie, synonymes de censure, quand les journaux acceptent du moins de laisser encore une place au dessin dans leurs colonnes.

Humour et provocation
« La presse est souvent réservée par rapport au dessin car il dit quelque chose et n’est pas toujours assez consensuel, regrette Michel Cambon. Or il fidélise le lecteur. » À condition toutefois d’avoir du talent. « Un bon dessin est d’une lecture très immédiate sur un sujet qui interpelle facilement le lecteur. » Il doit aussi faire preuve d’humour ou véhiculer un message provocateur, susceptible de faire réfléchir ou d’indigner le lecteur.

Alors, artiste ou journaliste, le dessinateur de presse ? « C’est la question qui nous taraude tous », souligne Michel Cambon. Et à laquelle il est difficile de répondre, tant les parcours sont divers, de la voie des arts plastiques au journalisme pur. Le dessin de presse, promu par quelques rares galeries parisiennes, semble pourtant ne pas avoir encore trouvé sa juste place sur le marché de l’art français, contrairement à l’Angleterre ou l’Allemagne.

Faute de références, de nombreux dessinateurs demeurent réticents à se séparer de leurs originaux. « C’est difficile, avoue Michel Cambon, car ce type de dessin est fait pour être consommé de suite. » Les feuilles et gravures de l’un des pionniers du genre, Honoré Daumier, condamné en 1832 à six mois de prison pour avoir caricaturé Louis-Philippe, sont pourtant toujours très prisées. La censure serait-elle le gage d’une bonne cote ?

DESSINS DE PRESSE DE LOUIS-PHILIPPE À NOS JOURS, dans le cadre du Salon du dessin contemporain, 23 mars-25 avril, BNF/site François-Mitterrand, quai François-Mauriac, 75013 Paris, allée Julien-Cain, du lundi au samedi 9h-20h, dimanche 13-19h, fermé lundi matin et jours fériés. Une exposition qui retrace l’histoire jalonnée de controverses de ce genre à part.
TIM, jusqu’au 18 avril, BNF/site François-Mitterrand, Galerie des donateurs, du mardi au samedi 10h-19h, dimanche 13h-19h, lundi 14h-19h. Exposition dédiée aux 63 ans de carrière de Louis Mitelberg, dit « Tim », disparu en 2008, qui fut notamment collaborateur du Monde ou du New York Times.
BIENNALE DU DESSIN DE PRESSE, samedi 27 mars, 14h-20h, BNF/site François-Mitterrand, hall Est et petit auditorium.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°321 du 19 mars 2010, avec le titre suivant : Dessinateur de presse

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