Art moderne

Aix-en-Provence et Cézanne

La ville pallie l’absence de toiles par un circuit culturel

Par Pierre-Alain Four · Le Journal des Arts

Le 1 octobre 1995 - 546 mots

AIX-EN-PROVENCE

Pour n’avoir pas su soutenir Cézanne de son vivant, Aix-en-Provence, qui souhaite aujourd’hui rendre hommage à l’illustre enfant du pays et profiter de "retombées" touristiques, doit mettre en valeur les lieux qui l’ont inspiré, à défaut de montrer ses œuvres.

AIX-EN-PROVENCE - Quand une ville aux maisons ventrues comme des sacs d’or a vu naître un artiste tel que Cézanne sans jamais esquisser le moindre geste de reconnaissance, il ne lui reste plus, faute de toiles, qu’à préserver les lieux de son passage.

De la maison où il naquit en 1839, dont il ne reste que la façade, à celle où il mourut en 1906, et qui n’a d’ailleurs pas d’autre "mérite", en passant par ses divers ateliers et ses paysages de prédilection, la ville a sauvé l’essentiel des lieux d’inspiration du peintre.

Acquis en 1953, l’atelier dit "des Lauves", que Cézanne fit construire, donne directement sur la montagne Sainte-Victoire, représentée à maintes reprises. Mais aujourd’hui, on ne voit plus guère le paysage, totalement masqué par un jardin foisonnant. L’atelier devrait rapidement être rattaché au Musée Granet, afin d’y faire respecter les plus élémentaires règles muséographiques.

Le regain d’intérêt de la Ville pour Cézanne repose sur un événement fortuit : elle a hérité, en 1992, des carrières de Bibémus. Vaste terrain ayant servi à l’extraction des pierres dorées utilisées pour la construction de la ville, elles offrent un paysage d’arêtes et d’angles dus au découpage à la scie des blocs de pierre. Ce curieux environnement, presque géométrique, a peut-être suggéré au peintre ses à-plats révolutionnaires.

Habile investissement
À la suite de cet héritage, la Ville a négocié l’achat en usufruit du Jas de Bouffan, une vaste maison bourgeoise dotée d’un parc de 8 ha. Située aux abords de la ville, elle appartint à la famille Cézanne jusqu’au début du siècle. Du passage de Cézanne, il ne reste que peu de choses, et le vrombissement de l’autoroute a depuis longtemps remplacé le chant des cigales. Son actuel propriétaire, le docteur Cor­sy, l’a vendue 25 millions de francs "contre la promesse d’en faire une fondation à caractère culturel autour de Cézanne".

Une "bonne affaire", selon le maire Jean-François Piche­ral, car "le Jas de Bouffan vaut quatre fois plus cher. Ce sera le point de départ d’un circuit autour de Cézanne à Aix", annonce Nerte Dau­tier, adjointe aux Affaires culturelles.

Ce parcours sur les lieux où travailla le peintre sera complété par un Musée Granet bientôt réhabilité. Plus de 6 000 m2 devraient être remis à neuf, pour un coût oscillant entre 80 et 100 millions de francs, financé sur cinq ans. La participation de l’État devrait atteindre 40 % de ce budget. "Nous n’attendons plus que la décision du maire", explique Françoise Cachin, directeur des Musées de France.

L’opération est d’envergure puisque le Musée Granet ne dispose pour l’instant que d’un petit ensemble de six Cézanne. Mais Denis Coutagne, son conservateur, espère que "les travaux du musée susciteront des dépôts de la part de la DMF", ce que ne dément pas Françoise Cachin.

Ainsi confrontée au même problème qu’Arles avec Van Gogh, Aix s’est lancée, en l’absence d’œuvres majeures, dans une "politique de rattrapage" reposant sur le patrimoine, l’option sans doute la plus astucieuse et la moins onéreuse pour ramener Cézanne – et les touristes – au pays.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°18 du 1 octobre 1995, avec le titre suivant : Aix-en-Provence et Cézanne

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