TEFAF : un salon tentaculaire

Par Roxana Azimi · Le Journal des Arts

Le 2 mars 2010 - 647 mots

The European Fine Art Fair, à Maastricht, continue d'élargir le champ de ses spécialités avec, cette année, le secteur « On Paper » notamment réservé au dessin. La foire poursuit sa stratégie d'expansion.

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Le visiteur de la Tefaf, à Maastricht (Pays-Bas) a intérêt à afficher un excellent bilan de santé. Car il lui faudra du souffle et de bons mollets pour arpenter cette foire gigantesque composée de deux cent soixante-trois exposants. « Ils veulent en faire trop et, à force, ils risquent de créer un monstre, regrette un exposant. Les gros collectionneurs vont sur dix stands mais, pour les clients moyens, Maastricht a atteint une taille terrorisante. » Et d’ajouter : « La foire est en train de devenir comme Attila : elle ne laisse rien sur son passage. » Comprenez : dans sa stratégie d’encerclement et d’absorption de toutes les disciplines, elle laisse peu de champs aux autres salons. La collégialité, autrefois caractéristique de l’événement, pourrait aussi faire les frais de ce grossissement.

La machine de guerre a d’abord commencé à intégrer, depuis quelque temps, des marchands spécialisés en art russe ou chinois. L’objectif ? Attirer la clientèle fortunée des pays émergents. Une tactique payante, puisque trois groupes d’acheteurs de Chine continentale devraient faire le voyage cette année, contre un seul contingent l’an dernier. Surtout, depuis trois ans, le salon multiplie les nouveaux secteurs. Une stratégie inspirée des foires d’art contemporain. Première étape, la création, en 2008, de la section « Showcase » dédiée aux jeunes marchands.

« Beaucoup d’antiquaires sont pessimistes quant à l’avenir de leur profession. C’est important de montrer qu’il y a une relève », explique Ben Janssens, président du comité exécutif de la Tefaf. Hormis Otto Jakob (Karlsruhe), présent la première année sur Showcase et depuis admis dans le programme général, les jeunes marchands ne font qu’une apparition furtive. Or, une clientèle ne se construit pas en une seule édition. « Je ne prends pas ça comme un contrat définitif, mais comme une opportunité, indique le nouvel impétrant Pierre Marie Giraud (Bruxelles). J’aimerais les convaincre de m’intégrer dans la section “Design”. » Cette dernière a été créée en 2009, suite aux demandes répétées des marchands d’arts décoratifs du XXe siècle. Le lancement, cette année, de la section « On Paper » empiète sur les plates-bandes du Salon du dessin, organisé à Paris le surlendemain de la fermeture à Maastricht. « On observe cela avec attention », déclare Hervé Aaron, président du Salon du dessin. « La section n’est pas exclusivement dédiée au dessin, défend Ben Janssens. Nous ne cherchons pas à entrer en concurrence avec les initiatives réussies en la matière. » Pourtant, le risque n’est pas négligeable, d’autant plus que la clientèle de Maastricht est plus dense et internationale que celle du Salon du dessin.

Ces nouvelles sections assoient la domination de la Tefaf tout en palliant, par petites touches, certains manques. Avec l’arrivée de Tanakaya (Paris) sur On Paper, l’estampe japonaise fait pour la première fois son entrée sur le salon. « Y aura-t-il un public à Maastricht pour cela ? Les amateurs d’objets d’art asiatique ne s’intéressent pas aux estampes. Mais les Hollandais possèdent 400 ans de relations avec le Japon », indique Michel Balluteau, de la galerie Tanakaya. Cette nouvelle section restitue l’esprit du cabinet d’amateurs avec le goût très particulier des galeries 1900-2000 (Paris), Patrick Derom (Bruxelles) et Antoine Laurentin (Paris). Il ne faut toutefois pas se leurrer : malgré le battage médiatique, les trois sections réunies ne représentent que 9 % des exposants d’un salon où les objets d’art et les tableaux anciens restent le nerf de la guerre.

TEFAF

Président : The European Fine Art Foundation
Nombre d’exposants : 263
Nombre de visiteurs en 2009 : 68 000

TEFAF, du 12 au 21 mars, Maastricht Exhibition and Congress Centre (MECC), Forum 100, Maastricht (Pays-Bas), tél. 31 43 383 83 83, www.tefaf.com, tlj 11h-19h, le 21 mars 11h-18h. Catalogue, 20 euros.

De nouvelles évolutions ?

Malgré sa taille impressionnante, la Tefaf conserve quelques lacunes en matière d’art japonais, d’instruments de musique ou encore de verre. « J’aimerais explorer d’autres domaines, mais nous avons atteint les limites du bâtiment. Si nous voulions balayer tous les champs, il faudrait une foire deux fois plus importante », observe Ben Janssens, président du comité exécutif de Tefaf. Mais ne serait-il pas souhaitable d’élargir la section des arts primitifs, à partir des trois exposants actuels, les Parisiens Anthony Meyer et Entwistle et le Bruxellois Bernard de Grunne ? « Nous ne voulons pas être sectorisés, déclare Anthony Meyer. Tout l’intérêt de Tefaf vient du brassage. On ne peut pas être plus de trois ou quatre marchands dans cette spécialité. En revanche, il serait bon d’intégrer des spécialistes de l’Amérique du Nord et de l’art précolombien. » Le marchand estime aussi nécessaire l’intégration de l’art islamique, parent pauvre de la foire. Même un marchand spécialisé comme Sam Fogg (Londres) tend le plus souvent à présenter des manuscrits médiévaux chrétiens plutôt que des pages islamiques. « Le monde arabe est très cultivé, fortuné, et prêt à s’intéresser aux cultures voisines », ajoute Anthony Meyer.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°320 du 5 mars 2010, avec le titre suivant : TEFAF : un salon tentaculaire

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