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Cour des comptes

La gestion du château de Chambord épinglée par la Cour des Comptes

Faut-il créer un établissement public lorsqu’on n’a pas de stratégie ? La Cour des comptes s’interroge…

Par Sophie Flouquet · Le Journal des Arts

Le 16 février 2010 - 762 mots

Dans son rapport annuel, la Cour des comptes s’est penchée sur le cas du château de Chambord, fleuron du patrimoine et établissement public à caractère industriel et commercial depuis 2005. Malgré des comptes positifs, le texte pointe du doigt des insuffisances dans la gestion patrimoniale du site.

PARIS - Que s’est-il passé à Chambord depuis la transformation du domaine national en établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC) ? Dans son rapport annuel, la Cour des comptes s’est penchée sur le cas très particulier de ce fleuron du patrimoine national. Propriété de l’État depuis 1930, le château de chasse de François Ier et ses 5 315 ha de forêt ont longtemps été tiraillés entre plusieurs intervenants : ministères de la Culture, du Budget, de l’Environnement ou encore Office national des forêts… Tout en ayant le statut de chasse nationale réservée à quelques invités triés sur le volet par l’Élysée, dont l’un des conseillers – aujourd’hui Pierre Charon – est traditionnellement placé à la présidence du domaine.

La création, en 2005, d’un EPIC placé « sous la haute protection du chef de l’État » était censée clarifier la situation et initier un nouveau plan de développement du domaine. Sur le plan financier, la Cour ne peut que donner un satisfecit, les comptes étant positifs avec 1,4 million d’euros de bénéfices sur l’exercice 2008. Mais ce sont surtout des insuffisances dans la gestion patrimoniale du site qui ont été relevées. Malgré les contingences de la chasse, la forêt, très peu ouverte au public, n’a ainsi jamais fait l’objet d’un projet de valorisation touristique. Les écuries historiques sont, quant à elles, toujours dans un état de délabrement « indigne » selon les magistrats. Ceux-ci déplorent aussi l’hétérogénéité des collections du château « qui brouille son image Renaissance ». Et de citer la cohabitation d’un Musée du comte de Chambord, qui n’a pourtant « passé que trois jours au château », d’un Musée de la chasse et de la nature ou encore d’un ensemble d’objets hétéroclites, comme cette grande maquette de temple chinois contemporain de Chambord, cadeau souvenir de six mètres de diamètre de l’« Année de la France en Chine » en 2005.

Gestion discutable
Dans sa réponse écrite à la Cour, Philippe Martel, l’ancien directeur général nommé en 2004 pour lancer l’EPIC, soutient mordicus les vertus de cette chinoiserie : « Sur un plan économique, la maquette ne peut qu’attirer à Chambord un public chinois toujours avide de retrouver des éléments de sa propre culture à l’étranger, et en forte croissance, tandis que des actions de mécénat avec des partenaires chinois sont en cours de préparation ! » Ce dernier n’entend d’ailleurs pas endosser seul la responsabilité de cette gestion discutable. « C’est un fait que la Rue de Valois est moins à l’aise pour exercer sa tutelle sur un établissement fréquenté par un tourisme de masse que sur des musées et monuments dont la visite est culturellement plus complexe », poursuit Philippe Martel. Fraîchement nommé à sa place, le diplomate Jean d’Haussonville, exilé un temps au service culturel de l’ambassade de France à Berlin après avoir conseillé Renaud Donnedieu de Vabres pour le Louvre-Abou Dhabi, aura donc le loisir d’exercer ses talents pour redorer l’image du domaine auprès de sa tutelle.

Un généreux ministre

Certes, c’était en mai 2007, à une époque où la RGPP (Révision générale des politiques publiques) n’avait pas encore été inventée. Mais le ministre de la Culture de l’époque, Renaud Donnedieu de Vabres, a été bien généreux en signant un chèque de 300 000 euros aux trois petits-fils de l’un des architectes du bâtiment des Bons Enfants, réhabilité à grands frais pour abriter les services du ministère, à Paris. « L’état a contracté une dette qui n’existait pas », estime la Cour des comptes, qui demande aux ministères concernés d’étudier les moyens de recours pour annuler cette décision.

Motif du litige ? La résille apposée sur la façade par Francis Soler, auteur de la rénovation, sans autorisation des ayants droit. Saisi d’une demande de dépose de la résille, le tribunal administratif a rendu un premier jugement, en mars 2007, condamnant simplement l’État à verser un euro symbolique. L’affaire aurait pu en rester là. Mais par crainte d’une poursuite du contentieux, une transaction a été trouvée dès le mois de mai avec le versement de cette copieuse indemnité. « Appréciation précipitée du risque encouru », « Analyse lacunaire du ministère et de son conseil », tonne la Cour. Dans sa réponse, l’ancien ministre dit avoir donné « en conscience » ordre écrit de payer à son comptable qui, en fonctionnaire trop soucieux des deniers publics, s’y était opposé.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°319 du 19 février 2010, avec le titre suivant : La gestion du château de Chambord épinglée par la Cour des Comptes

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