Reconstruire la Fenice à l’identique

Venise souhaite recréer ce lieu de mémoire

Le Journal des Arts

Le 1 mars 1996 - 543 mots

D’après les premiers résultats de l’enquête, l’incendie qui a ravagé la Fenice, le 29 janvier, est à mettre sur le compte d’une incroyable et coupable incurie dans la surveillance des travaux de restauration qui étaient alors en cours. Les premières estimations du coût de la reconstruction s’élèvent à 300 milliards de lires (960 millions de francs).

VENISE (de notre correspondante) - "La Fenice où elle était, comme elle était !". Le slogan lancé par Massimo Cacciari, maire de Venise, au lendemain de la catastrophe, a eu le mérite de mobiliser l’opinion publique internationale sur l’urgence de la reconstruction, et d’éviter les lenteurs d’un concours d’architecture qui aurait repoussé la solution du problème aux calendes grecques.

Mais l’idée de reconstruire la Fenice à l’identique paraît illusoire. Comme tout édifice séculaire, celui-ci avait subi de nombreuses transformations au fil du temps. Élevé en 1792 sur les plans de Gianantonio Selva, ce premier bâtiment avait déjà été ravagé par le feu en 1836, puis reconstruit en un an, avec quelques modifications, par Tommaso et Gian Battista Meduna. Les dernières interventions avaient été réalisées en 1936, sous la direction de l’architecte Eugenio Miozzi.

Un CD-Rom pour La Fenice
L’incendie du 29 janvier n’a épargné que la façade et les murs extérieurs, qui menacent aujourd’hui de s’effondrer. Comme l’a déclaré Giusepppe Pavanello, co-auteur de Il Teatro della Fenice, il s’agit surtout de faire revivre un lieu chargé d’une grande valeur symbolique : "La Fenice n’était pas un chef-d’œuvre : les fresques des plafonds étaient de facture médiocre et les stucs dorés dataient de 1854, mais ce décor conférait au théâtre une atmosphère unique."

Avec la destruction de la Fenice, il n’existe plus aujourd’hui de structure adaptée pour écouter de la musique dans la cité de Vivaldi, qui accueille pourtant un festival international de musique contemporaine : le Malibran a fermé voici plus de dix ans, et la salle du conservatoire municipal est inutilisable. Tous les experts déclarent que la Fenice avait une acoustique exceptionnelle. Faudra-t-il alors conserver les mêmes volumes pour la retrouver ? Certains ont déjà proposé d’aller au-delà, d’agrandir la scène et la fosse d’orchestre, inadaptées pour les grands opéras de Verdi ou de Wagner. La reconstruction nécessitera en outre de faire appel à de nombreux artisans de haut niveau, capables de récréer le décor, alors que les ateliers de restauration, de petites entreprises familiales, se comptent sur les doigts de la main.

Les premières estimations du coût de la reconstruction s’élèvent à 300 milliards de lires (960 millions de francs), 80 pour la reconstruction de l’édifice et 220 pour le décor. Le gouvernement, par un décret du 15 février, a affecté un fonds de 20 milliards de lires (64 millions de francs) pour les interventions les plus urgentes, et le préfet de Venise a été nommé commissaire extraordinaire afin d’accélérer les procédures. De nombreuses associations culturelles et des comités privés pour la sauvegarde de Venise ont ouvert des comptes courants ; les chefs d’orchestre et les chanteurs les plus prestigieux, de Riccardo Muti à Luciano Pavarotti, donneront des récitals dont les bénéfices seront affectés à la reconstruction. L’Opéra Bastille a immédiatement proposé une assistance technique, et Philippe Douste-Blazy a annoncé la réalisation d’un CD-Rom sur La Fenice, dont les bénéfices iront eux aussi à la reconstruction.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°23 du 1 mars 1996, avec le titre suivant : Reconstruire la Fenice à l’identique

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