Maastricht : succès confirmé

Des œuvres hors pair et de bonnes affaires au Salon TEFAF

Le Journal des Arts

Le 1 avril 1996 - 980 mots

Des marchands d’art primitif de premier ordre, une section d’art moderne renforcée, une partie \" textiles \" réduite à sa plus simple expression : certains aspects du Salon d’art de Maastricht TEFAF (The European Art Fair) – qui s’est tenu du 9 au 17 mars – changent, mais la qualité des œuvres et l’importance du volume d’affaires restent constantes. Les organisateurs se sont récemment réunis pour envisager la création d’une TEFAF l’an prochain à New York, ou dans une autre grande ville américaine.

PARIS - "Je suis ravi d’avoir rencontré tant de conservateurs et de collectionneurs européens, ravi d’avoir si bien vendu," s’enthousiasme le marchand new-yorkais Anthony Blumka. "À New York, on n’a pas de concurrents. La présence d’autres marchands ici est très stimulante."
 
Forte d’une sélection d’œuvres haute époque de grande classe (un ciborium et une plaque d’évangile en émaux de Limoges du XIIIe siècle, une minuscule et ravissante broche française du XIIe siècle en argent doré), dont un nombre appréciable a été vendu dès le premier week-end, la galerie Blumka faisait sa première apparition à Maastricht cette année.

Autres nouvelles venues, les galeries Deletaille, de Bruxelles, et Mermoz, de Paris, ont offert un choix important d’art précolombien. Chez les premiers, un superbe chien en céramique, grandeur nature, de la culture Colima du Mexique (200 avant J.C. -200 de notre ère) s’est vendu le premier soir. À côté, le stand de Santo Micali, de la galerie Mermoz, était dominé par un féroce personnage Zapotèque à 240 000 dollars, et une statue, également en terre cuite, de Xipe Totec, le dieu de la végétation.

Déjà présent chez Grusenmeyer & Grusenmeyer de Bruxelles, l’art primitif africain s’est considérablement renforcé grâce à la participation, cette année, d’Art Premier, une autre galerie bruxelloise. Elle proposait un siège Hemba du Zaïre, provenant de la collection Jacques Kerchache, à 1 million de francs français, un reliquaire double face Kota du Gabon, à 300 000 francs, de la collection Arman, des bijoux fétiche Akan, en or, de la Côte-d’Ivoire, très élaborés, de 20 000 à 60 000 francs, ainsi qu’un choix de peignes, également de la Côte-d’Ivoire, de 5 000 à 10 000 francs.

Le spécialiste en livres anciens Sam Fogg, de Londres, est fier du somptueux Livre d’heures à l’usage de Salisbury, exécuté à Bruges vers 1440, qu’il a acheté 2 549 650 francs, avec son confrère de Hambourg, Jörn Günther, dans une vente de Me Jacques Tajan, à Paris, le 22 janvier. Le prix de revente à Maastricht était 600 000 livres, soit environ 4,6 millions de francs.

French & Company
Commentaire de Sam Fogg : "Les Français ne se sont pas rendus compte de la véritable valeur de cette œuvre, qui est, tout simplement, le meilleur livre d’heures anglais apparu sur le marché au cours de ce siècle. Fabuleux de qualité et de condition, il a dû être fait pour un membre de la famille royale ou un des premiers pairs du royaume."

Traditionnel point fort du Salon de Maastricht, la section des tableaux anciens accueillait pour la première fois, et avec des œuvres de premier choix, la grande galerie de New York French & Company. De Frans Post elle proposait une mélancolique et émouvante vue brésilienne, Brazilian landscape and Fort Hendrick, 1640, à 37,5 millions de francs environ. Quatre paysages semblables du même artiste, donnés en cadeau à Louis XIV, sont conservés au Louvre. Autre nouveau venu, Otto Naumann, de New York, a fait une entrée très remarquée avec Portrait of a Young Man, un tableau d’une technique remarquable, quoique dénué d’expression et de profondeur psychologique, exécuté par Rembrandt à l’âge de 23 ans, proposé à 24 millions de francs environ.

Longtemps le point faible de la grande foire néerlandaise, la section des tableaux modernes s’est encore renforcée cette année avec la participation, pour la première fois, de la galerie Gmurzynska de Cologne, de Jan Krugier, de Genève, et de Leonard Hutton Galleries, de New York.

Jan Krugier avait monté une véritable exposition, "De Poussin à Picasso", où l’on pouvait admirer Olympos et Marsyas, vers 1626, de Poussin, une demi-douzaine de très belles aquarelles de Turner, des dessins de Gauguin et de Cézanne, le Portrait de la Comtesse d’Haussonville, 1842, par Ingres, ou encore Au piano, Madame J. Pascal dans le salon du château de Malromé, un portrait à la peinture à l’essence sur carton de Toulouse-Lautrec.

Une foire aux États-Unis
La galerie Gmurzynska se réjouissait d’avoir rencontré de nouveaux clients et vendu, pendant le premier week-end, Nature morte, 1915, de Robert Delaunay, ainsi qu’une toile de Miró. Leonard Hutton Galleries affichait pour sa part des œuvres aux couleurs fauves : Portuguese woman, 1915-1916, de Sonia Delaunay, Nu orange au chapeau, 1909-1910, de Mikhail Larionov, Schokko, 1910, d’Alexej Jawlensky, et Wiesenrand bei Moritzburg, 1910, de Max Pechstein.

La galerie Bresset, de Paris, elle aussi nouvelle venue à Maastricht, s’est félicitée d’avoir vendu, dans les premiers jours, plusieurs sculptures et émaux sur un stand orné d’une magnifique sculpture en bois polychrome provenant du château comtois Fondremand, Départ pour la fuite en Égypte, vers 1530, et d’une Vierge en Majesté, vers 1200, sculptée dans un seul bloc de bois, toutes les deux à 900 000 francs.

Avec huit participants seulement (dont trois – la galerie de tapisseries Chevalier, la marchande de tissus anciens chinois Linda Wrigglesworth, et Mayorcas de Londres, spécialisée dans les textiles européens anciens – étaient éparpillés un peu partout dans le salon, loin des autres), la section "Textura" était cette année bien amoindrie. Les organisateurs de TEFAF, qui ont lancé à l’automne dernier une édition de leur salon à Bâle, projettent maintenant d’organiser une foire aux États-Unis, soit à New York, soit dans une autre grande ville du pays.

"Beaucoup de marchands américains nous encouragent à y aller, nous a confié Leo Lemmens, le secrétaire général de TEFAF. Depuis un an, nous étudions très sérieusement la possibilité d’organiser un salon aux États-Unis dès 1997"

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°24 du 1 avril 1996, avec le titre suivant : Maastricht : succès confirmé

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