Entreprise

L’art du vitrail de père en fille

Un savoir-faire que Dominique Duchemin exporte aujourd’hui à l’étranger

Par Jérôme Bernard · Le Journal des Arts

Le 1 avril 1996 - 732 mots

PARIS

Les Ateliers Duchemin, à Paris, perpétuent la tradition du vitrail depuis cinq générations. De la restauration à la création, ils travaillent aussi bien pour des églises que pour des maisons particulières. Et depuis quelques années, ils font une percée aux États-Unis.

PARIS - Un tablier gris autour de la taille, Dominique Duchemin inspecte un vitrail de l’église de Nangis, en Seine-et-Marne, posé sur l’établi : "Les soudures ont lâché. Nous allons devoir refaire l’ensemble de l’armature en plomb. Avec le temps, ce métal devient poreux, constate-t-elle. Il faudra d’abord enlever les verres après les avoir numérotés". La famille de cette femme de 44 ans perpétue depuis cinq générations la tradition du vitrail dans l’atelier familial, créé en 1914. "Mes arrière-grands-parents se déplaçaient d’atelier en atelier dans toute la France. Ils étaient peintres sur verre et ne réalisaient que des personnages. À cette époque, chaque artisan du vitrail était très spécialisé", explique-t-elle.

Élargir les activités
Diplômée de l’École des arts appliqués et des Beaux-arts de Paris, section art monumental, Dominique Duchemin a choisi de poursuivre le métier exercé par son père. Avec son mari, professeur de vitrail aux Beaux-arts à Paris, elle dirige un atelier qui emploie neuf personnes. Une exception dans la profession, où les spécialistes du vitrail travaillent souvent seuls. Installés aujourd’hui dans le XIVe arrondissement de Paris, dans des locaux appartenant aux HLM de la Ville de Paris, les Ateliers Duchemin ont dû quitter en 1976 le Xe arrondissement, au centre de la capitale, en raison des difficultés pour y travailler et notamment pour s’y faire livrer du verre.

"Nous avons étendu la palette de nos activités. Il n’est plus possible de se cantonner à la restauration de vitraux d’église comme mon grand-père. Mon père avait déjà développé la restauration des vitraux dans les maisons particulières. Et j’ai complété par des réalisations d’artistes", explique Dominique Duchemin. À côté de son atelier, elle a réservé un local aux artistes, qui y trouvent le calme nécessaire pour travailler. Les Ateliers Duchemin participent ainsi à la réalisation de vitraux destinés à remplacer ceux de la cathédrale Saint-Cyr de Nevers, victime des bombardements de 1944. Pour ce projet, ils travaillent avec Jean-Michel Alberola, l’un des artistes retenus par le ministère de la Culture. Ils ont également été chargés de la restitution complète des vitraux du XIXe siècle racontant la vie de sainte Bernadette dans une chapelle de la cathédrale. "Nous avons pu travailler grâce à des documents photographiques. Ils nous ont été prêtés après que nous eûmes lancé un appel dans la presse locale", précise Dominique Duchemin.

Percée à l’exportation
Penchée sur sa table de travail, une jeune femme reproduit des motifs floraux au pinceau sur une plaque de verre. Pour obtenir une couleur dorée, elle utilise une poudre de verre mélangée à des oxydes, appelée jaune d’argent. "La peinture est cuite au four à une température de 650 degrés. Le jaune d’argent, pâte mate et grise, imprime une couleur dorée sur le verre. Il suffit de gratter cette pâte après cuisson pour révéler ce jaune d’or", explique Dominique Duchemin. Un peu plus loin, un ouvrier injecte du mastic liquide pour assurer l’étanchéité des plombs d’un vitrail.

Pour travailler le verre, certaines contraintes techniques doivent être respectées. Au soleil, le verre de couleur chauffe plus vite que le verre blanc. Le choc thermique entre les deux risque d’entraîner la casse. Aussi des verres techniquement résistants sont-ils utilisés pour les vitraux. Dans une pièce de son atelier, Dominique Duchemin conserve encore en stock des verres du XIXe siècle qui appartenaient à son arrière-grand-père. "Nous les utilisons pour certaines colorations qu’on ne fait plus aujourd’hui. Mais ce stock n’étant pas inépuisable, nous ne les employons que pour les chantiers importants", dit-elle.

Depuis six ans, les Ateliers Duchemin ont fait une percée à l’exportation. "Le savoir-faire de la peinture sur verre est très peu développé aux États-Unis, alors que c’est notre spécialité, déclare Dominique Duchemin. Notre première commande a été la restitution d’un salon gothique dans une villa d’été, Marble House, construite à la fin du XIXe siècle à Newport". Grâce à des documents photographiques en noir et blanc et à une recherche historique, son équipe a pu redonner vie à ces vitraux. Depuis, les commandes se sont multipliées à Newport, mais aussi en Virginie et en Floride. Une réussite récompensée l’an dernier par le Prix du patrimoine, décerné lors du premier Salon du Patrimoine à Paris.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°24 du 1 avril 1996, avec le titre suivant : L’art du vitrail de père en fille

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