Marché

Redémarrage des pays émergents

La Chine est le pays le moins touché par la crise, malgré une baisse de volume

Par Roxana Azimi · Le Journal des Arts

Le 3 février 2010 - 759 mots

PARIS - Lorsque la crise a déferlé sur les économies occidentales, personne ne donnait cher des pays émergents. Or, après une année 2008 redoutable pour elles, ces nouvelles économies devraient atteindre en 2010 une croissance moyenne de 4,7 %, contre 0,6 % escompté par le Fonds monétaire international dans les pays développés.

Certes, cette vigueur ne s’est pas d’emblée répercutée sur le marché de l’art. Touchée par la chute des prix des hydrocarbures, sa principale source de devises, la Russie semble entrer en convalescence après une crise ravageuse. « Ce fut très difficile, tout s’est bloqué d’un coup. Mon volume des ventes avec les Russes a baissé de 80 %. Maintenant que la situation semble s’être stabilisée, ils pointent à nouveau le bout de leur nez », confie Benoît Sapiro, de la galerie parisienne Le Minotaure. Ce retour des Russes s’est surtout fait sentir lors du second semestre 2009. Comme partout, un optimisme prudent succède à la paralysie.

En témoignent les résultats encourageants des ventes d’art russe orchestrées du 30 novembre au 3 décembre 2009 à Londres. Les volumes des ventes sont certes inférieurs d’environ 30 % par rapport aux années fastes. Mais avec un total de 8,8 millions de livres sterling (environ 10 millions d’euros) décroché le 1er décembre, Christie’s a presque doublé le maigre produit établi en juin 2009. « Ceux qui étaient entrés sur le marché pour s’amuser ou embellir leurs intérieurs, et qui représentaient environ 30 % à 40 % des acheteurs avant la crise, ont ralenti leurs achats, ou disparu. Mais les Russes riches et super riches sont toujours présents », indique le spécialiste de Christie’s, Alexis de Tiesenhausen, qui constate ainsi l’apparition de quatre ou cinq nouveaux acheteurs à gros budget. Les Russes furent néanmoins moins actifs que voilà deux ans sur les tableaux anciens et l’art moderne.

La situation est contrastée en Inde, où les fonds d’investissements en art indien avaient pullulé à partir de 2006. Montée en plein boom par un homme d’affaires, la galerie Bodhi Art a fermé ses portes à Mumbai dès les premières secousses. « L’Inde est moins affectée que d’autres pays, mais elle réagit comme si elle était touchée davantage », regrette Shireen Gandhi, de la galerie Chemould Prescott Road à Mumbai. Lesté d’une dette titanesque, placé sous perfusion par sa riche voisine Abou Dhabi, l’émirat de Dubaï fait profil bas, malgré l’inauguration en grande pompe de la tour la plus haute du monde en décembre. Le socle des collectionneurs de la région n’a toutefois pas cessé de s’élargir. D’après la spécialiste Isabelle de Bruyère, la vente du 28 octobre 2009 de Christie’s à Dubaï comptait 45,5 % de nouveaux acheteurs du Moyen-Orient. « Après trois ans passés dans la région, au lieu de n’avoir que quinze acheteurs dans nos ventes, on en a 200 % de plus », relève Isabelle de La Bruyère.

Le réservoir de Shanghaï
Avec une croissance proche de 10 % et un immobilier en hausse de 50 %, la Chine a montré plus de résilience que d’autres pays émergents « La maison de ventes Guardian a réalisé en 2009 sa meilleure année avec des prix, toutes catégories confondues, supérieurs à 2008 », constate Jean-Marc Decrop, spécialiste en art contemporain chinois. Le chiffre d’affaires global des deux principales maisons de ventes chinoises, Poly et Guardian, serait de 340 millions de dollars (environ 240 millions d’euros) en 2009, soit une progression de 30 % par rapport à 2008.
 
En novembre 2009 chez Poly, un rouleau de la dynastie Ming, provenant de la collection Ullens, a été acheté pour 24,7 millions de dollars par le collectionneur de Shanghaï Liu Yiqian. « Le domaine de l’art classique chinois est chanceux, avec un réservoir régulier de nouveaux acheteurs dotés d’une réelle capacité à payer au-delà de 100 000 euros », observe Christian Bouvet, spécialiste de Sotheby’s. On comprend mieux le départ de François Curiel pour la direction de Christie’s Asia à Hongkong. Une ville qui représente 12,4 % des ventes du groupe. « Mon job est de faciliter l’accès des acheteurs chinois à nos autres ventes », confie-t-il. Car depuis un an, ces derniers sont apparus comme une force de frappe non négligeable sur d’autres segments, notamment les bijoux.

Cécile Verdier, spécialiste de Sotheby’s, constate que les Chinois représentaient 10 % à 15 % des acheteurs des ventes parisiennes d’Art déco en 2009. C’est enfin un privé de Hongkong qui a acquis pour 10,7 millions de dollars Les Danseuses de Degas chez Christie’s en novembre. Quand la Chine s’éveille, le marché international ne s’en porte que mieux…

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°318 du 5 février 2010, avec le titre suivant : Redémarrage des pays émergents

Tous les articles dans Marché

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque