L’État perd 145 millions de francs, le gouvernement réfléchit…

Philippe Douste-Blazy s’exprime sur les conséquences de \"l’affaire Walter\"

Par Emmanuel Fessy · Le Journal des Arts

Le 1 avril 1996 - 386 mots

Pour la première fois, l’État a été condamné à verser une lourde indemnité à un collectionneur privé. Après avoir profité de l’ambiguïté des textes, il en est désormais victime et pourrait ainsi devoir consacrer davantage de moyens à indemniser des propriétaires qu’à acquérir des œuvres entrant dans les collections publiques. Le seul moyen d’éviter ce paradoxe est de clarifier la législation. Des appels en ce sens avaient déjà été lancés il y a plus d’un an. En vain. Aujourd’hui, Philippe Douste-Blazy, dans un entretien au Journal des Arts, affirme qu’il \"réfléchit\" à une modification des textes. La réflexion est importante, l’action devient plus qu’urgente !

PARIS - L’arrêt de la Cour de cassation confirmant la condamnation de l’État à verser 145 millions de francs à M. Jacques Walter en contrepartie du classement du Jardin à Auvers, innove à double titre. D’une part, il inverse une jurisprudence jusqu’alors favorable à la puissance publique. D’autre part, il consacre l’interprétation selon laquelle la différence de prix d’une œuvre d’art entre le marché français et le marché international est la "servitude" indemnisable au sens de la loi de 1913, lorsqu’il y a classement d’office d’un objet et donc interdiction de son exportation.

Face à cette nouvelle donne, "le classement d’office est presque devenu une hypothèse d’école", reconnaît Philippe Douste-Blazy. Le gouvernement doit donc modifier la loi de 1913 dans une double perspective : respecter la volonté d’ouverture et de développement du marché de l’art français, manifestée en particulier par la prochaine abrogation du monopole des commissaires-priseurs, tout en continuant à protéger les "trésors nationaux".

La marge de manœuvre est étroite. Dans une période d’austérité budgétaire, le difficile équilibre ne peut être atteint que par un cocktail de mesures fiscales et réglementaires ainsi que par la recherche de nouvelles ressources.

Rappelons que dès juillet 1994, Françoise Cachin et Pierre Rosenberg – devenus depuis respectivement directeur des Musées de France et président-directeur du Louvre – tiraient la sonnette d’alarme. "L’Angleterre, dans sa sagesse pragmatique, a trouvé depuis longtemps des solutions libérales qui, à la fois protègent les collectionneurs et permettent aux musées, mieux dotés de fonds publics et privés, d’acquérir le cas échéant des œuvres très importantes", écrivaient-ils dans Le Journal des Arts.
 
Selon eux, "l’établissement d’un tel système devrait être une mission d’urgence du gouvernement". Depuis, vingt mois se sont écoulés…

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°24 du 1 avril 1996, avec le titre suivant : L’État perd 145 millions de francs, le gouvernement réfléchit…

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