Rétrospective

Le langage de Dufrêne

Par Roxana Azimi · Le Journal des Arts

Le 20 janvier 2010 - 522 mots

Le 6e arrondissement de Paris oscille entre découverte, confirmation, et revival avec l’affichiste François Dufrêne

PARIS - La rentrée des galeries du 6e arrondissement se place d’abord sous le signe de la découverte, avec l’installation du Guatémaltèque Dario Escobar, entrevue à la Biennale de Venise et visible jusqu’au 25 janvier chez Kamel Mennour. Les expositions Philippe Mayaux (jusqu’au 6 mars) à la galerie Loevenbruck, et Joana Hadjithomas et Khalil Joreige (jusqu’au 13 mars) chez In Situ, sont plutôt de l’ordre de la confirmation. Le revival est enfin de mise avec la rétrospective d’une quarantaine de pièces de François Dufrêne (jusqu’au 25 février) chez Georges-Philippe et Nathalie Vallois.

Décédé en 1982, cet artiste est indéniablement le plus méconnu des grands affichistes. Dans les années 1960, les créateurs se partageaient les territoires. À Yves Klein le ciel et le vide, à Arman la terre et le plein. Jacques Villeglé invente, de son côté, le « lacéré anonyme » tandis que Dufrêne choisit de travailler, dès 1957, sur l’envers des affiches qu’il gratte pour exhumer lettres et images. Une soixantaine de cartes postales, dont certaines sont encadrées en double face, révèlent le processus. La différence entre l’envers, très pastel, et l’endroit, souvent très vif, est frappante. En se démarquant de la sorte, le poète est sans doute le plus pictural des affichistes, comme le montre la pièce baptisée Le Décor de l’envers de 1960. On y devine une étrange parenté avec les abstractions alors en vigueur en France. L’évolution de son travail est naturellement liée à celle de son support. Si une œuvre de 1961 fait penser aux rouleaux de la mer Morte, les couleurs deviennent plus criardes dans les années 1970.

Réhabilitation
Dufrêne déconstruit le signe graphique comme il démantelait la sémantique. « Peut-être s’est-il attaché aux affiches parce qu’il aimait retourner les mots », dira malicieusement son ami Raymond Hains. Les deux artistes avaient en commun le sens du calembour. Le goût de Dufrêne pour les titres alambiqués le rapproche aussi d’un Georges Mathieu. Ainsi, au dos d’une toile de 1971 exposée à la galerie peut-on lire ce titre fleuve : « D’un Moulin de la Galette d’une fête des rois à la crêpe d’un mardi gras de Mathieu en Charlemagne au théâtre de France ! » Indissociable de sa posture artistique, son jeu sur le langage est mis en avant dans une salle audio où le visiteur peut entendre ses poésies sonores. Une manière de donner corps et vie à une œuvre restée dans l’ombre de Villeglé et Hains.

« Lorsque les Nouveaux Réalistes ont été remontrés dans les années 1980, Dufrêne aurait pu vendre à nouveau. Mais il est mort trop tôt, avant l’exposition de 1986 au Musée national d’art moderne. Il n’a pas pu défendre son travail quand les choses sont reparties », observe Georges-Philippe Vallois. Et d’ajouter : « On veut montrer que Dufrêne n’est pas juste un Nouveau Réaliste de plus, mais un artiste singulier. » Une réhabilitation institutionnelle s’amorce aussi puisque la Fondation Serralves, à Porto, lui a consacré une exposition en 2007, tandis que le Musée Reina Sofia, à Madrid, a récemment acquis une de ses pièces.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°317 du 22 janvier 2010, avec le titre suivant : Le langage de Dufrêne

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