Art moderne - Sculpture

Les corps de Germaine Richier

Cent vingt œuvres réunies à Saint-Paul-de-Vence

Par Le Journal des Arts · Le Journal des Arts

Le 1 mai 1996 - 424 mots

SAINT-PAUL-DE-VENCE

Germaine Richier occupe une place importante dans l’histoire de la sculpture française, à cheval entre tradition et modernité. Morte en 1959, elle a laissé une œuvre considérable que la Fondation Maeght permet de reconsidérer.

SAINT-PAUL-DE-VENCE - "À la charnière d’un nouveau mode de représentation, écrit Jean-Louis Prat en introduction au catalogue, l’énigmatique vigueur de la sculpture de Germaine Richier tient en grande partie au combat qu’elle a toujours mené dans la quête incessante de l’équilibre, la force de chacune de ses œuvres et la robustesse incroyable qu’elle impose au vide alentour." On ne saurait mieux décrire les raisons profondes pour lesquelles cette œuvre fascine durablement le public depuis la première exposition personnelle de l’artiste en 1934. Si ses débuts sont relativement classiques (les portraits des années trente sont marqués par l’influence de Bourdelle), elle ne tarde pas à donner à ses corps humains ou animaux des résonances cruelles.

Un art de l’effroi
Dès 1940, en effet, l’artiste prend conscience des horreurs tragiques de la guerre qui vont faire voler en éclats les égards qu’elle observait pour la forme traditionnelle. Que les armatures de construction soient laissées apparentes dès cette époque trahit une sensibilité exacerbée et donne bien la mesure de l’abandon dans lequel l’homme lui semble désormais tenu. Au poli des premières sculptures se substitue aussi une peau rugueuse, qui n’est pas sans évoquer l’écorce des arbres, burinée par les rigueurs du temps. "Dans cette tentative périlleuse, écrit encore Jean-Louis Prat, le sculpteur s’emploie, avec une saisissante intuition, à réunir notre monde à celui du règne végétal, souvent du règne animal." De là, l’effroi et la crainte millénaire que peuvent inspirer ces corps étrangers, toujours en danger, et auquel le spectateur s’identifie spontanément. C’est bien une conscience du monde qui s’exprime ici, sur un mode tragique, certes, mais aussi, comme le dit le commissaire de l’exposition, sur celui de la réconciliation. Car les amalgames auxquels elle se livre ne sont évidemment pas motivés par de simples considérations formelles, mais au contraire par cette perception aiguë des désastres du monde qu’elle allie objectivement à un message d’espoir. "La sculpture n’est jamais frivole", mais elle n’est pas pour autant dépourvue de tout humour. La rétrospective de la Fon­da­tion Maeght regroupe près de 120 œuvres (sculptures et dessins) provenant de musées et de collections privées. Un imposant catalogue, comportant notamment les textes essentiels de l’artiste, conservera trace de cet événement.

GERMAINE RICHIER, RÉTROSPECTIVE, Fondation Maeght, Saint-Paul-de-Vence, jusqu’au 25 juin. Ouvert tlj de 10h à 12h30, et de 14h30 à 18h. Catalogue sous la direction de Jean-Louis Prat.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°25 du 1 mai 1996, avec le titre suivant : Les corps de Germaine Richier

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