Chacun cherche son chat

Prime à la signature pour les ventes d’art ancien

Le Journal des Arts

Le 1 juin 1996 - 734 mots

À New York, en dépit d’un magnifique tableau de Goltzius, au chat si séduisant, la vente de tableaux de maîtres anciens proposée par Christie’s le 15 mai a manqué de panache : seule une poignée de lots a réussi à se détacher d’un ensemble assez morne. Le produit total de la vente a atteint 6 699 870 dollars (34,8 millions de francs), avec 59 % de lots vendus et 86 % en valeur. Avec une meilleure sélection, la vente organisée par Sotheby’s, le lendemain, a produit 10 969 900 dollars (57 millions de francs), avec 64 % de lots vendus et 77,7 % en valeur.

NEW YORK (de notre correspondant) - Christie’s attendait beaucoup du remarquable tableau de Hendrick Goltzius, Adam et Ève, dont l’excellent état de conservation, le sujet séduisant et l’irrésistible chat au premier plan semblaient garantir un prix d’adjudication supérieur à l’estimation (entre 700 000 et 1 million de dollars). Il a pourtant laissé la salle étrangement tiède, les enchères n’opposant bientôt plus que Johnny van Haeften et Bob Haboldt, qui a finalement emporté le chat pour 1,4 million de dollars (7,3 millions de francs). Le tableau pourrait être destiné à la National Gallery de Washington.
Un Pont du Rialto par Canaletto, triste et prosaïque (estimé entre 2 et 3 millions de dollars), a été acquis sur enchère téléphonique à un prix à peine supérieur au prix de réserve, soit 1,8 million de dollars (9,4 millions de francs). En revanche, un Boucher des débuts  dépassait largement son estimation (250 000 à 350 000 dollars) en partant à 520 000 dollars (2,7 millions de francs).

Encore plus surprenant
Un curieux profil de dame, attribué au peintre milanais du XVe siècle Bernadino dei Conti, bien que flanqué de rideaux brodés fleurant le XIXe siècle, a fait le bonheur du marchand milanais Bob Smeets pour 200 000 dollars (1,04 million de francs), contre une estimation de 120 000 à 180 000 dollars.
Une scène de genre anonyme du XVIIIe siècle, dans un état de conservation inégal, obtenait un résultat encore plus surprenant. Catalogué, pour des raisons évidentes, "cercle de Jean-Étienne Liotard", il se prêtait aux attributions les plus variées, de Zoffany à Andrea Soldi. Son exotisme l’a pourtant propulsé bien au-delà de son estimation de 10 000 à 15 000 dollars, un acheteur au téléphone l’emportant sur Guy Sainty grâce à une enchère de 340 000 dollars (1,8 million de francs) !

Des amateurs chevronnés
Le lendemain, la vente de Sotheby’s offrait des pièces nettement plus alléchantes, dont plusieurs natures mortes et peintures de fleurs des écoles du Nord, toujours très prisées. Estimé entre 80 000 et 120 000 dollars, le tableau d’un dessus de table par Osias Beert l’Ancien, a été prestement adjugé 410 000 dollars (2,1 millions de francs). Un luxueux arrangement floral de Pierre-Joseph Redouté attirait tous les regards. Affligé d’une estimation ridicule de 80 000 à 120 000 dollars, il a été acquis sur enchère téléphonique – les soupçons se sont inévitablement portés sur Richard Green – pour 1,3 million de dollars (6,8 millions de francs).

Intérieur de palais avec personnages assis près d’un cabinet de porcelaines, un superbe tableau anonyme du XVIIIe siècle, a excité la curiosité des amateurs chevronnés. Estimé entre 60 000 et 80 000 dollars, un acquéreur au téléphone l’a obtenu pour 145 000 dollars (754 000 francs).

Une affaire en or
L’attraction puissante de grands noms attachés à des peintures médiocres a été confirmée par l’étonnante réussite du Dépouil­lement du Christ attribué à "Greco et son atelier", plus probablement du second que du premier, adjugé 460 000 dollars (2,4 millions de francs), contre une estimation de 250 000 à 300 000 dollars. Le même acquéreur a également déboursé 60 000 dollars (312 000 francs) pour un Portrait de Rembrandt, de l’atelier de Rembrandt, estimé entre 40 000 et 60 000 dollars.

On ne peut qu’apprécier l’œil du collectionneur qui a jeté son dévolu sur une belle et précieuse Madone avec le Christ sur un coussin, "attribué à Joos van Cleve" alors qu’il s’agissait manifestement d’un panneau autographe de Bernaert van Orley, attesté par les repentirs et l’épaisse application du lapis-lazuli sur la robe de la Madone. De plus, le panneau de Sotheby’s est bien dans l’esprit des Madones de l’artiste conservées à Polesden Lacey. Estimée entre 30 000 et 40 000 dollars, elle est partie sur enchère téléphonique à 210 000 dollars (1,09 millions de francs), une affaire !

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°26 du 1 juin 1996, avec le titre suivant : Chacun cherche son chat

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