Photographie

Un marché soutenu et sélectif

La semaine de ventes de photos à Paris a été rythmée par des prix forts et une polémique sur les ventes de photographies de presse

Par Armelle Malvoisin · Le Journal des Arts

Le 9 décembre 2009 - 750 mots

Le marché de la photo, toujours sélectif, est confronté à la question de la propriété des tirages

PARIS - Les ventes de photos à Paris ont démarré le 16 novembre, deux jours avant l’ouverture du salon Paris Photo, avec la dispersion de 286 lots de photographies d’Ilse Bing (1899-1998), à Drouot-Montaigne sous le marteau d’Alexandre Millon. Les trois quarts des lots ont trouvé preneur pour 555 000 euros. Pour une soixantaine de tirages, les prix ont décollé. Le premier lot de la vente, un ensemble d’écrits de Bing et de documents sur la photographie, évalué à 1 000 euros, a été préempté pour 8 800 euros par la Bibliothèque nationale de France. The elevated and me (1936), un autoportrait réalisé dans le métro aérien de New York, s’est envolé à 30 500 euros, contre une estimation de 2 000 euros, constituant un record mondial pour une photographie de l’artiste. Estimé 15 000 euros, un reportage photographique de douze épreuves sur le Moulin Rouge à Paris en 1931 a été adjugé 51 300 euros. Pour l’expert Christophe Gœury, « cette vente a permis la reconnaissance internationale d’une grande artiste rare sur le marché ».

Le 20 novembre, Sotheby’s organisait sa première vente parisienne de photographies provenant de divers amateurs. Les prix atteints par certaines images contrastaient avec l’absence d’intérêt sur une majorité de lots. Au final, 2 millions d’euros ont été enregistrés, avec seulement 44 % de lots vendus, signe d’un marché sélectif. Quatorze photos d’Eugène Atget ont fait l’objet de belles batailles d’enchères. Estimé 30 000 euros, Femme (1925), dont seuls deux tirages existent, est parti à 444 750 euros, triplant le précédent record d’Atget obtenu en 2007 à New York chez Sotheby’s. Estimé 80 000 euros, Mouth, New York (1992), chef-d’œuvre d’Irving Penn réalisé pour L’Oréal en 1986, s’est envolé à 138 750 euros. « C’était seulement la deuxième fois que cette photo tirée à 28 exemplaires passait sur le marché », souligne l’expert Simone Klein.

Vent de panique
Mais la vente de photographies qui a fait le plus grand bruit est celle qui n’a pas eu lieu. Le commissaire-priseur Rémy Le Fur qui dirige la maison Auction Art, devait disperser, le 23 novembre à Drouot, une sélection de 133 photographies de presse, issues du fonds du groupe Hachette Italie. Il en a été empêché par voie judiciaire, à la requête de l’agence Magnum Photos, représentant dix-sept photographes dont des clichés figuraient dans le catalogue de vente, mais aussi d’Annie Leibovitz, Marc Riboud, Sébastien Salgado et les ayants droit de Gilles Caron. Tous contestaient que Hachette fut propriétaire des tirages. Une ordonnance de référé du 20 novembre a stoppé la vente et désigné la société de ventes séquestre des photographies, en attendant que les photographes et leurs représentants engagent une action sur le fond afin d’obtenir la restitution de leurs tirages. Cette procédure a créé un vent de panique sur le marché parisien. « Nous ne voulons pas tuer les ventes de tirages de presse, soutient pourtant Me Jean-Louis Lagarde, avocat des photographes. D’ailleurs cette jurisprudence n’a pas la portée qu’on lui prête. » Le marché des ventes publiques n’aura, en effet, à souffrir d’aucune entrave de la sorte si le vendeur n’est pas un éditeur de presse ou s’il ne se nomme pas. Mais le débat est ouvert sur le droit des photographes à revendiquer la propriété de leurs tirages et à en réclamer la restitution, alors que ceux-ci sont conservés depuis longtemps dans des groupes de presse. « Des tirages de la vente étaient marqués du tampon Magnum au verso, souligne Me Daphné Juster, l’avocate de  Magnum. Ces tirages avaient été adressés à Hachette pour consultation et dans le but de les reproduire dans les magazines. Hachette était donc dépositaire des photographies, en aucun cas propriétaire, et devait les restituer à Magnum. » Du côté des éditeurs, on défend le fait d’avoir gardé en archives ces photos durant des années. Si éditeurs et photographes pouvaient s’entendre pour que les premiers restituent aux seconds leurs tirages, moyennant une participation pour frais de garde, tout le monde y trouverait son compte. Et le marché serait plus moral et plus serein.

MILLON-CORNETTE DE SAINT CYR (ILSE BING)
Estimation : 320 000 euros
Résultats : 555 000 euros
Nombre de lots vendus/invendus : 204/82
Lots vendus : 71 %
Nombre de préemption : 1

SOTHEBY’S
Estimation : 2 millions d’euros
Résultats : 2 millions d’euros
Nombre de lots vendus/invendus : 92/115
Lots vendus : 44 %
Pourcentage en valeur : 73 %

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°315 du 11 décembre 2009, avec le titre suivant : Un marché soutenu et sélectif

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