Les rendez-vous de l’art contemporain

Lorsque les événements internationaux sont à la peine, l’impulsion vient des régions ou des collectionneurs privés

Par Roxana Azimi · Le Journal des Arts

Le 9 décembre 2009 - 1182 mots

Critiquer les biennales est le sport favori du monde de l’art.

En cela, 2009 a donné du grain à moudre avec une Biennale de Venise, où, malgré une fréquentation record, le thème « construire des mondes » tendait à se déliter. La Biennale de Lyon a, elle, prouvé que les bons sentiments ne faisaient pas les bonnes expositions. Dédiée à la scène hexagonale, la triennale parisienne « La force de l’art » fut un coup d’épée dans l’eau, faute d’une affluence conséquente, notamment étrangère. L’année a, en revanche, montré une dynamique en région avec le lancement du festival « Evento » à Bordeaux, venant s’ajouter à « Lille 3000 », le « Printemps de septembre » à Toulouse et la biennale de « L’estuaire » à Nantes. L’impulsion régionale se poursuivra avec « Utopies & innovations », ensemble d’expositions organisées sur toute l’année 2010 par seize villes transfrontalières entre la France, la Suisse et l’Allemagne. Jouant par trop sur l’inframince et l’immatériel, la programmation du Site de création contemporaine au Palais de Tokyo, à Paris, a moins défrayé la chronique que le bras de fer entre le Centre Pompidou et l’ancien délégué aux Arts plastiques, Olivier Kaeppelin. En jeu, l’aménagement des espaces en friches du Palais, destinés à valoriser les artistes vivant en France. Débouté, Beaubourg devra se contenter de ses propres locaux pour valoriser les créateurs hexagonaux. Après Soulages en 2009, sont prévus un hommage à Arman et des expositions de l’artiste Valérie Jouve et de l’architecte Patrick Jouin. L’année 2009 a aussi montré la force de frappe du privé, avec les trois expositions simultanées de la collection de François Pinault au Garage à Moscou, au Palazzo Grassi et à la Pointe de la Douane à Venise, et enfin à Dinard. Un tour de force et du monde qu’on peine à imaginer en 2010.

Des propositions expérimentales nouvelles
Saâdane Afif, artiste, lauréat du prix Marcel-Duchamp, exposition à l’Espace 315 au Centre Pompidou (15 septembre 2010-3 janvier 2011)
« En 2009, je n’ai pas vraiment vécu la récession. J’ai travaillé et voyagé, j’étais concentré. Je vis à Berlin, une ville pauvre déjà en crise avant la crise. J’ai toutefois constaté des prises de risque plus grandes de la part des galeries, des propositions expérimentales nouvelles. C’est le bon moment pour laisser du souvenir dans la tête des gens, des moments de laboratoires forts. J’ai obtenu le prix Duchamp, mais j’avais hésité à y participer en raison de son format. Demander aux artistes de montrer des œuvres sur quatre stands à la FIAC [Foire internationale d’art contemporain, à Paris], c’est exiger d’eux la même énergie que pour une exposition de grande ampleur. Il serait bon d’avoir une vraie exposition dans un lieu accessible à un public plus large. Je n’ai pas encore d’idée sur mon intervention à l’Espace 315. C’est un lieu complexe, sans lumière naturelle, mais je me suis confronté à des espaces plus difficiles. Je pourrais donner une suite à mon exposition d’octobre dernier à la galerie Michel Rein [à Paris], mais j’essaye d’aller vers autre chose. »
 
Remettre les pendules à l’heure
Christian Boltanski, artiste, expositions « Personnes » dans le cadre de « Monumenta » au Grand Palais (13 janvier-21 février 2010) et « Après » au Mac/Val (14 janvier-28 mars 2010)
« Je pensais que la crise aurait un effet favorable, qu’elle remettrait les pendules à l’heure. Ces dernières années, l’art était très tourné vers le marché et je croyais qu’il y aurait enfin une réflexion. Le retour de la pratique de la performance est sans doute lié à la crise, il y a peu de choses à monnayer. Mais je n’ai pas constaté beaucoup de changements en 2009 dans les galeries de Chelsea [New York]. Mes deux expositions simultanées au Grand Palais [à Paris] et au Mac/Val [à Vitry-sur-Seine] seront comme deux cercles de l’Enfer de Dante, ou deux actes d’un opéra, à la fois distincts et liés. En mai, dans le bâtiment de l’Armory à New York, il y aura un troisième acte. La mort a toujours été présente dans mon œuvre, mais c’était la mort des autres. Maintenant, c’est la mienne. « Monumenta » sera un lieu de mise à mort, froid. C’est le doigt de Dieu, le hasard. Quand on a mon âge, le chemin est miné, on s’attend à sauter du jour au lendemain. Au Mac/Val, on sera plus proche des limbes. En janvier commence aussi ma collaboration avec un collectionneur de Tasmanie. Quatre caméras filmeront mon atelier en continu jusqu’à ma mort. Le collectionneur a parié que je mourrai dans huit ans, mais j’espère encore vivre vingt-cinq ans ! »
 
 Repenser la polarité
Nataša Petrešin-Bachelez, commissaire consultante pour l’exposition « Les promesses du passé » au Centre Pompidou (14 avril-19 juillet 2010)
« 2009, c’est bien sûr l’anniversaire de la chute du mur de Berlin, même si celle du communisme avait déjà commencé en Pologne en 1980. J’ai apprécié le symposium « Former West » qui s’est tenu au BAK [Basis voor Actuele Kunst] à Utrecht [Pays-Bas] sur l’idée de repenser la polarité. Quand on parle de l’ancien Est, ça veut dire qu’il y a aussi eu un ancien Ouest. Où est-il maintenant ? J’ai aussi trouvé intéressante l’exposition « Gender Check » au Mumok [Museum Moderner Kunst] à Vienne, qui proposait une relecture du genre féminin-masculin. L’exposition « Les promesses du passé » a, quant à elle, été imaginée par Christine Macel [conservatrice au Centre Pompidou]. Dès 2005, elle avait eu l’idée de faire venir Joanna Mytkowska comme commissaire invitée. Elle avait entendu parler d’une jeune génération d’artistes conceptuels de l’Est, comme Anri Sala ou Mircea Cantor. Le but de l’exposition au Centre Pompidou sera de repenser l’histoire de l’art en intégrant cette partie de l’Europe qu’on a oubliée. Il est important de faire comprendre qu’il n’est pas pertinent de parler de la performance sans se référer à l’ex-Yougoslavie ou à la Pologne. »
 
La fin de la précarité pour le Palais de Tokyo
Marc Alizart, directeur adjoint du Palais de Tokyo, Site de création contemporaine
« 2009 a été une année charnière, car elle signe la fin de la précarité pour le Palais de Tokyo. Nous attendions d’être reconnus par le ministère de la Culture comme un opérateur essentiel, et nous sommes désormais affectataires de nos propres murs. 2010 peut ainsi être une belle année, l’épée de Damoclès ayant été éloignée de nos têtes. Nous réfléchissons déjà à comment fêter nos dix ans en 2012, anniversaire qui coïncidera avec l’ouverture des espaces au sous-sol. Il y a encore six mois, cela aurait été inimaginable de se projeter dans deux ans… En 2009, la programmation jouait sur l’invisible et reflétait quelque part l’état du monde. Beaucoup de gens étaient en prise avec une disparition des repères. En février, un nouveau cycle commencera avec l’exposition « Pergola » et une première monographie de Charlotte Posenenske. L’été prochain, l’exposition « Dynasty » regroupant une quarantaine de très jeunes artistes vivant en France, organisée simultanément au Palais de Tokyo et au Musée d’art moderne de la Ville de Paris, marquera la bonne entente entre les deux institutions. »

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°315 du 11 décembre 2009, avec le titre suivant : Les rendez-vous de l’art contemporain

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