Le Royaume-Uni de la sculpture

De Jacob Epstein à Damien Hirst

Par Le Journal des Arts · Le Journal des Arts

Le 1 juin 1996 - 678 mots

Avant que ne s’ouvre, le 26 juin au Centre Georges Pompidou, la rétrospective Bacon, l’art anglais est déjà à l’honneur au Jeu de Paume. D’Epstein et Moore à Whiteread et Hirst, un siècle de sculpture y est décliné dans la galerie et le jardin des Tuileries.

PARIS - Le XXe siècle britannique est dominé par un essor d’autant plus spectaculaire de la sculpture que l’éclat singulier de la peinture, de Reynolds à Turner, l’avait reléguée dans les marges officielles de l’académisme. Avec Jacob Epstein, Américain de Londres, la rupture est aussi soudaine que brutale, et le scandale d’une commande publique réalisée pour la British Medical Association devait suffire à mettre le feu aux poudres. Epstein suggérait non seulement un nouveau rapport à l’architecture, mais il bouleversait aussi les conventions iconographiques et, par là, la fonction et la finalité de la sculpture. Une seule de ses œuvres (le Torse du Rock Drill, 1915) figurera dans l’exposition, mais elle est, à bien des égards, emblématique de la sculpture anglaise, partagée entre l’impulsion avant-gardiste et certain respect pour la tradition.

Continuité britannique
Henri Moore, qui domine de la tête et des épaules l’art de son temps en Grande-Bretagne, est lui aussi partagé entre différentes options qui pouvaient a priori sembler antagoniques. Pourtant, il sut concilier avec une indépendance d’esprit remarquable les données de l’Abstraction et celles du Surréalisme. L’exposition actuellement présentée au Musée des beaux-arts de Nantes montre bien comment Moore a approché les contraintes de l’histoire, avec un sens à proprement parler phénoménal de la matière, qui lui a permis de réinventer des formes organiques. Et plus encore, cette appréhension poétique et première de la sculpture, nourrie par un dialogue prolongé avec Barbara Hepworth et Ben Nicholson, a ouvert une nouvelle tradition insulaire qui ne s’est jamais pliée aux dogmes modernistes américains ou européens. Il est représenté ici par près de vingt œuvres.

Il n’est évidemment pas sans importance, dans cette perpective, de rappeler qu’Anthony Caro et Phillip King furent les assistants de Moore. Ces collaborations témoignent au mieux de la singulière continuité de la sculpture anglaise, qui n’est pas conditionnée par le style ou une certaine idée du progrès, mais plutôt par un souci d’expérimentation qui reste toujours indépendant des questions formalistes. Les liens de Caro avec Clément Greenberg ne l’ont jamais fait adhérer à la vision contraignante que certains artistes américains pouvaient se faire de l’histoire. L’emploi de la couleur, en particulier, suffit à marquer sa distance avec le puritanisme latent de l’art minimal.

Comment oublier que l’Angleterre est une île ? L’excentrique Barry Flanagan a puisé, au beau milieu des années soixante, dans les ressources de l’imagination et élaboré un art caustique et faussement désinvolte. Les artistes des années quatre-vingt, comme Tony Cragg, Richard Deacon ou Bill Woodrow, sauront combiner certains aspects de cet état d’esprit avec l’héritage tout aussi déterminant de Richard Long qui, avec Hamish Fulton (absent de la sélection), donnait une version intimiste du Land Art. La toute dernière génération est ici représentée par Rachel Whiteread et Damien Hirst.

L’œuvre de ce dernier, qui avait fait sensation à la Biennale de Venise en 1993, figure dans l’exposition du Jeu de Paume : Mother and Child divided est composée de quatre aquariums contenant une vache et un veau coupés dans leur longueur et conservés dans du formol. La violence du propos et son caractère spectaculaire marquent peut-être un tournant dans la tradition britannique.

L’exposition ne sera pas confinée dans les murs du Jeu de Paume : un certain nombre d’œuvres seront installées dans le jardin des Tuileries, prolongation naturelle et indispensable à ce panaorama. Curieusement, Richard Long ne présentera pas d’œuvre à l’extérieur. Un volumineux catalogue rassemblera les contributions de spécialistes anglais et français, assorties d’une documentaion sur les écoles d’art et d’un dictionnaire des sculpteurs, à partir duquel le visiteur pourra noter les absents de cet aperçu de la sculpture insulaire.

UN SIÈCLE DE SCULPTURE ANGLAISE, du 6 juin au 15 septembre, Galerie nationale du Jeu de Paume,tlj sauf lundi, 12h-19h, mardi jusqu’à 21h30, samedi et dimanche 10h-19 h. Catalogue, éditions du Jeu de Paume-RMN.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°26 du 1 juin 1996, avec le titre suivant : Le Royaume-Uni de la sculpture

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