Notes de lecture

Par Le Journal des Arts · Le Journal des Arts

Le 1 juillet 1996 - 920 mots

Delacroix reconstitué
Le volumineux Journal de Delacroix contient pêle-mêle considérations quotidiennes et arguments esthétiques. Il contient surtout l’esquisse d’un dictionnaire que, de 1857 à sa mort, Delacroix n’a cessé d’enrichir et de corriger, sans toutefois parvenir à une forme définitive. Professeur à l’université de Reims, Anne Larue s’est livrée à une patiente reconstitution de ce Dictionnaire des Beaux-Arts, complétant par d’autres sources, et en particulier la Correspondance, les nombreuses lacunes de l’auteur. Un système de renvois et un appareil de notes impressionnant permettent de retrouver une cohérence dans la pensée de Delacroix, mais c’est au prix d’une lecture parfois difficile, dont il faut retrouver soi-même la continuité.
Eugène Delacroix, Dictionnaire des Beaux-Arts, éditions Hermann, 218 p., 90 F.

Enquête sur un musée
La création ou non d’un musée d’art moderne fut, dès les années vingt, un sujet de controverses, en raison notamment de la politique menée au Musée du Luxembourg. Georges Charensol, alors chroniqueur à L’Art Vivant, adresse en 1925 deux questions à différentes personnalités : "Que pensez-vous de la création d’un musée français d’art moderne" et "Quels sont les dix artistes qui doivent y entrer les premiers ?". Les réponses reflètent, comme elles le feraient aujourd’hui, l’ambiguïté d’une promotion de l’art actuel par l’État, avec les risques de sclérose que cela comporte. Pierre Andry-Farcy, alors directeur du Musée de Grenoble, Othon Friesz, Paul Guillaume, Daniel-Henry Kahnweiller, Francis Picabia, Georges Rouault, Paul Signac, parmi d’autres, témoignent de la difficulté à envisager une modernité institutionnelle.
Pour un musée français d’art moderne, édition établie par Jean-Paul Morel, préface d’Yves Michaud, éditions Séguier-RMN, 184 p., 95 F.

L’utopie de Palissy
Céramiste, géologue, écrivain, huguenot, Bernard Palissy publia en 1563 un ouvrage intitulé Recette véritable par laquelle tous les hommes de la France pourront apprendre à multiplier et augmenter leurs trésors. Ce texte étrange n’a rien du matérialisme que laisse supposer son titre. C’est un exposé mêlant considérations agricoles, digressions bibliques et philosophiques, qui convergent dans le projet d’un jardin utopique, étrangement déshabité, comme le souligne en introduction Frank Lestrangant, qui a établi une version modernisée de la riche prose de Palissy.
Bernard Palissy, Recette véritable, éditions Macula, 320 p., 200 F.

Retour à Venise
Avec La peinture de la Renaissance à Venise, Peter Humfrey signe un ouvrage d’initiation aussi clair que complet, qui ne néglige pas les acquis récents de l’érudition. Son texte est toutefois austère et ne reflète pas par son style la prodigieuse richesse et les contrastes de l’art vénitien. De Bellini à Palma Le Jeune, cet ouvrage offre un panorama synthétique dont le lecteur peut aussi se servir comme d’un guide.
Peter Humfrey, La peinture de la Renaissance à Venise, éditions Adam Biro, 320 p., 198 F.

L’Égypte des Mille et une Nuits
Plus de sept cents monuments sont construits au Caire sous le règne des Mamelouks. Du XIIIe siècle à l’aube du XVIe, l’Égypte a ainsi donné naissance à l’une des grandes formes d’expression artistique du Proche-Orient. Ce livre rend hommage à un héritage fascinant, aujourd’hui menacé.
Henri et Anne Stierlin, L’Égypte des Mille et une Nuits, Imprimerie Nationale, 224 p., 550 F.

Interpréter les portraits hollandais
Le Nederlands Kunsthistorisch Jaarboek vient de publier un ouvrage regroupant de nombreux articles sur le thème du portrait en Hollande. Il couvre une vaste période, depuis l’étude de Matt Kavaler à propos du Monument dédié à Englebert II de Nassau (1526) dans la Grote Kerk de Breda jusqu’à l’exploration fascinante par Herman Roodenburg de l’influence de l’esthétique française sur le répertoire hollandais au début du XVIIIe siècle. Deux essais importants sont consacrés au costume hollandais au XVIIe siècle, l’un par Marieke de Winkel, l’autre par Irene Groeneweg, qui réfute l’idée conventionnelle que le vêtement noir et blanc des régents était l’expression de leur foi calviniste. Elle souligne qu’à la même époque, en France, les vêtements de cérémonie étaient également noirs, et qu’il pourrait s’agir d’un phénomène de mode plus que de conviction. Plusieurs autres études portent sur les portraits de groupe.
Éditeur R. Falkenburg et al., Beeld en Zelfbeeld in de Nederlandse Kunst, 1550-1750, Nederlands Kunsthistorisch Jaarboek, vol. 46 (Waanders, Zwolle, 1995), 352 p., 150 ill. n&b. DFl. 225 (675 FF)

Le Paris des architectes
Hervé Martin livre une sixième édition de son Guide de l’architecture moderne et contemporaine à Paris, mise à jour comme il se doit et cette fois toute en couleur. À travers les vingt arrondissements de la capitale et La Défense, un millier de constructions sont recensées, offrant dix huit promenades commentées par les architectes eux-mêmes. Des volutes de Guimard aux quatre tours de la Bibliothèque nationale de France, en passant par l’énigmatique bâtiment tout en métal de la rue Réaumur ou le cinéma Rex, l’auteur relate de manière précise et vivante l’histoire d’une ville.
Hervé Martin, Guide de l’architecture moderne à Paris, éditions Alternatives, 320 p., 180 F.

Introuvable ?
Plus de mille lieux sont répertoriés par ce guide réalisé par Joël Girard : musées, monuments, galeries, jardins, boutiques de souvenirs… Mais l’auteur nous informe également sur les conférences, les visites guidées, et propose des itinéraires thématiques sur l’architecture, les beaux-arts, la littérature…
 Joël Girard, Le Paris de l’Introuvable, Delétraz éditions, 1000 adresses, 89 F.

Obsessions et perversions
Si l’idée de bonheur s’identifiait chez Baudelaire par luxe, calme et volupté, à la fin du XIXe siècle, des poètes autour de Verlaine se proclament décadents. Des esthètes imaginent des composantes décoratives, véritables débauches d’artifices en rupture avec la ligne défendue par le baron Haussmann. Le détail s’impose au détriment de l’ensemble.
Séverine Jouve, Obsessions et perversions dans la littérature et les demeures à la fin du dix-neuvième siècle, éditions Hermann, 284 p., 90 F. 

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°27 du 1 juillet 1996, avec le titre suivant : Notes de lecture

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