Cahors : vive la tradition !

Le dernier \"Printemps\" dirigé par Régis Durand

Par Emmanuel Fessy · Le Journal des Arts

Le 1 juillet 1996 - 592 mots

Dernier Printemps de Cahors pour son directeur artistique, Régis Durand, qui prend la direction du Centre national de la photographie à Paris. Centrée sur la photographie plasticienne, la VIe édition consacre, paradoxalement, des genres traditionnels.

CAHORS - Avec justesse, le Prin­temps de Cahors a voulu se démarquer des Rencontres d’Arles et de Visa pour l’image, à Perpignan, qui privilégient le reportage, en montrant "la création photographique contemporaine", autrement dit celle d’artistes qui voient la photographie surtout comme un instrument et non comme une finalité.

Paradoxalement, cette VIe édition consacre deux genres traditionnels de l’image : le documentaire et le portrait. Des dix-neuf expositions programmées se détachent celles des photographes Stéphane Couturier et Rineke Dijkstra.

Le premier est connu comme photographe d’architecture. Via l’agence Archipress, Stéphane Couturier a signé nombre d’images de bâtiments contemporains publiées dans la presse ou dans des livres. À Cahors, il présente un véritable travail "d’archéologie urbaine". D’imposants tirages cibachrome d’un mètre carré frappent par la puissance de leurs couleurs, par leur précision, par la rigueur de leur construction où rien n’est laissé au hasard. Travaillant à la chambre, Couturier dissèque le chantier Seine Rive Gauche, métamorphose les usines Renault en espace sculptural. Ses images sont fragmentées de plans, rectangulaires, carrés dont la juxtaposition stigmatise les bouleversements violents qui frappe la ville. Quant à Rineke Dijkstra, elle expose une série de portraits d’adolescents réalisés sur des plages. Photo­graphiant en plein jour mais au flash, elle concentre le regard sur le corps et la personnalité de ses sujets, en les isolant du ciel et de la mer qui deviennent un décor – un fond – sans importance.

Philippe Douste-Blazy annonce un "plan photo"
Avec Les névroses du dimanche, Jürgen Klauke théâtralise des comportements ; Thomas Joshua Cooper, lui, expose de grands paysages marins en noir et blanc ; Rhona Bitner joue avec le monde du cirque ; Laurie Simmons met en scène des poupées ventriloques qui font penser à celles d’une autre Laurie (Anderson), vues dans le CD-Rom Puppet Motel.

Pour le reste, le Printemps de Cahors montre un épuisement des pratiques basées sur la manipulation de l’image, sur l’esthétisation à outrance, sur le conceptuel. Le Chilien Alfredo Jaar s’indigne du flot d’images sur l’horreur. Il dit en avoir réalisé trois mille au Rwanda, mais refuse d’ajouter un reportage de plus aux clichés sur le génocide. Il préfère aligner des caissons lumineux affichant le nom des lieux de massacre et disposer des boîtes contenant des images du Rwanda, que le visiteur n’a pas le droit d’ouvrir. Le tout est très minimal et très chic, sied parfaitement à une galerie, mais n’apporte rien par rapport à des interrogations qui ont déjà préoccupé nombre de reporters, soucieux de l’utilisation de leurs images.

Ce VIe Printemps est le dernier pour Régis Durand, son directeur artistique, puisqu’il succède à Robert Delpire à la tête du Centre national de la photographie (CNP). "Je veux repositionner le CNP sur la création contemporaine, annonce-t-il. Les expositions historiques seront exceptionnelles". À côté d’expositions "lourdes", il souhaite en programmer d’autres "plus légères", permettant de montrer une dizaine de jeunes artistes. Ne sachant encore de quel budget il disposera – le CNP bénéficie, en principe, de 9 millions de francs de subvention cette année – et souhaitant un réaménagement des lieux, rue Berryer, voire un déménagement, il se garde d’annoncer un programme précis pour 1997, d’autant plus que le ministre Philippe Douste-Blazy, en visite à Cahors, a annoncé la présentation d’un "plan photo" pour cet été.

PRINTEMPS DE CAHORS, jusqu’au 7 juillet, tlj 15h30-19h30. Catalogue, 64 p., 80 F, éditions Marval.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°27 du 1 juillet 1996, avec le titre suivant : Cahors : vive la tradition !

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