Bauhaus version Greenpeace

L’école de Dessau se sensibilise à l’écologie

Le Journal des Arts

Le 1 juillet 1996 - 548 mots

Depuis la chute du rideau de fer, la ville de Dessau accueille à nouveau des visiteurs étrangers, qui y découvrent avec un sentiment d’incrédulité les bâtiments construits pour le Bauhaus par Walter Gropius en 1925. À première vue, les cubes étincelants d’acier et de verre semblent tout droit sortis d’un manuel d’histoire de l’architecture. Tou­tefois, les apparences sont un peu trompeuses : la légendaire école d’architecture et d’arts appliqués se passionne aujourd’hui pour l’écologie.

DESSAU (de notre correspondante). Le Bauhaus d’aujourd’hui résulte en grande partie des travaux de restauration effectués entre 1970 et 1973. Le rideau de verre de la façade originale, un temps masqué par des briques, a été rétabli, mais la structure d’acier conçue par Gropius a été remplacée par de l’aluminium noirci. L’entreprise remonte à l’époque où l’Allemagne de l’Est redécouvrait ce qui constituait, selon l’idéologie du pouvoir, le "patrimoine socialiste", et où l’on considérait le Bauhaus comme un centre de conception d’idées "progressistes". Il a alors été autorisé à reprendre, dans une certaine mesure, son rôle d’académie des beaux-arts et des arts décoratifs, où fut produit un nombre respectable d’objets de qualité. À partir de 1973, le Bauhaus a retrouvé une certaine autonomie, abritant un centre de formation complémentaire pour les architectes et les urbanistes.

Nommé directeur à la fin de 1987, Rolf Kuhn était auparavant professeur de sociologie urbaine à Weimar. Depuis, l’indépendance du Bauhaus s’est encore accrue ; les cours d’application ont été complétés par des séminaires consacrés aux questions théoriques, telles que l’amélioration des conditions de vie dans les villes nouvelles. Rolf Kuhn a également pris la tête de la Fondation Bauhaus, créée en 1995.

Réforme du paysage
Au temps des derniers soubresauts du régime communiste, Kuhn avait organisé un séminaire sur le concept, alors plutôt obscur, de la "domination du jardin industriel". Ce type de préoccupation résume bien la démarche du nouveau Bauhaus, qui cherche aujourd’hui des réponses à la crise de l’âge post-industriel. Cela conduit à un plus grand détachement à l’égard de la construction d’édifices et de la conception de mobilier ou d’objets décoratifs. En revanche, l’école prend maintenant pleinement en compte l’écologie et les mutations qui s’opèrent dans la société.

Il suffit de parcourir le bulletin de la fondation pour voir à quel point le Bauhaus est en passe de devenir une variante académique du mouvement Greenpeace. Les prises de position s’effectuent dans les ateliers, les colloques et les expositions, mais l’attention se porte en premier lieu sur les projets locaux.

Pour l’heure, le Bauhaus s’intéresse, entre autres, à la transformation des mines à ciel ouvert abandonnées, à la réintégration sociale d’une ville-satellite, à la promotion de l’agriculture biologique et à la conception d’un plan d’ensemble pour assurer l’évolution de la ville de Bitterfeld dans ses limites existantes. Le maître-mot est celui de "développement acceptable", l’approche des problèmes est interdisciplinaire, et la recherche des solutions internationale.

Le Bauhaus passionné d’écologie de Kuhn va recevoir au moins un soutien extérieur. La foire-exposition de Hanovre, prévue pour l’an 2000, se prépare en collaboration avec la région de Dessau. Les projets de "jardins industriels" du Bauhaus et le désir qu’ont les organisateurs de montrer au monde la portée de la conscience écologique allemande pourraient aboutir à la création de ce que l’on appelle ici, de façon optimiste, la "réforme du paysage".

 

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°27 du 1 juillet 1996, avec le titre suivant : Bauhaus version Greenpeace

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