Classement d’office : l’État une nouvelle fois condamné

Les conséquences des affaires Schlumpf et Walter

Par Jean-Marie Schmitt · Le Journal des Arts

Le 1 septembre 1996 - 450 mots

En condamnant l’administration française à compenser la dévalorisation de la collection d’automobiles Schlumpf du fait de son classement d’office, les juges de Metz banalisent le droit à indemnisation et oblige l’État a rechercher rapidement des solutions.

METZ. Le 22 mai, la cour d’appel de Metz, dans le droit fil de la jurisprudence inaugurée par l’affaire du Jardin à Auvers de Van Gogh, a condamné l’État à verser 25 millions de francs aux syndics des entreprises Schlumpf.

Les circonstances et les argumentations sont connues. La résurgence de l’affaire montre simplement que la boucle est bouclée. Les syndics de la faillite Schlumpf avaient été les premiers, en 1983, à revendiquer l’indemnisation prévue par la loi de 1913, prévoyant le classement au titre des monuments historiques. Leur action, aidée par une administration mal inspirée, a fait que la notion incertaine de "servitude" inscrite dans la loi est devenue un préjudice certain, résultant presque mathématiquement d’une comparaison entre les prix des marchés français et internationaux. Il était quelque part légitime qu’ils obtiennent satisfaction.

On peut au moins se réconforter en pensant que l’argent du contribuable aura aidé à la constitution du Musée de l’automobile et que le Trésor et les URSSAF doivent figurer en bonne place parmi les créanciers qui se répartiront l’indemnité.

Juridiquement, l’affaire n’est pas close puisque l’État aurait formé un pourvoi devant la Cour de cassation. Ses chances semblent cependant très minces.

L’incertitude profite au libéralisme
En attendant, l’administration cherche à sortir de l’impasse, mais les marges sont étroites. Les aménagements envisagés pourraient concerner les lois de 1913 et de 1992. Il semble toutefois que l’idée de substituer des avantages fiscaux à l’indemnisation ait été écartée par crainte d’une réaction du Conseil constitutionnel et du ministère des Finances. Il est également évoqué le déplacement de la compétence du tribunal d’instance aux juges administratifs, censés mieux à même d’apprécier des procédures mises en œuvre pour cause d’utilité collective. Mais rien n’assure que la pensée libérale dominante et le souci d’éviter des disparités de jurisprudence ne conduiraient pas les juges administratifs dans la même voie. La réflexion porte aussi sur la manière de mieux éclairer les juges à propos de l’indemnisation. Et l’on reparle d’une procédure de désignation des experts.

In fine, on en revient aux propositions du rapport Aicardi, qui suggérait la création d’un fonds spécial d’acquisition, éventuellement financé par un prélèvement sur les produits de la Française des jeux.

Reste posée la question récurrente de l’arbitrage entre la logique du maintien sur le territoire national – défendue par la Direction du Patrimoine – et celle de l’enrichissement des collections publiques, prônée par la Direction des Musées de France. Pour l’instant, c’est la troisième voie, celle du libéralisme, qui tire parti des incertitudes.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°28 du 1 septembre 1996, avec le titre suivant : Classement d’office : l’État une nouvelle fois condamné

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