Un nouveau Liceo

L'opéra de Barcelone rouvrira en 1998

Le Journal des Arts

Le 1 septembre 1996 - 663 mots

Ravagé par un incendie le 31 janvier 1994, le Liceo devrait rouvrir au mois d’octobre 1998. Ignasi de Solá-Morales – l’architecte responsable du projet de reconstruction, avec Lluis Dilmé et Xavier Fabré – fait le point sur l’avancement des travaux de l’opéra de Barcelone.

Quelles interventions aviez-vous proposées avant l’incendie du Liceo ?
Ignasi de Solá-Morales : Dès 1986, le Consortium du grand théâtre du Liceo, l’organisme public propriétaire de l’opéra de Barcelone, m’avait chargé d’étudier l’édifice et les défauts qu’il présentait. Mes conclusions avaient mis en évidence de graves carences techniques sur le plan de la sécurité, du confort et de l’espace scénique, qui avaient conduit à l’élaboration d’un projet de réforme et d’agrandissement du théâtre.

Qui a décidé de rouvrir le théâtre du Liceo au même endroit et pour quelles raisons ?
C’est le Consortium du Liceo qui a décidé, le jour même de l’incendie, de reconstruire le théâtre sur le même emplacement, et qui m’a confié l’élaboration d’un nouveau projet. La volonté de conserver une institution culturelle de cette importance dans le centre historique de Barcelone – en pleine restauration lui aussi –, le fait que l’incendie n’ait détruit que la salle et la scène, la possibilité d’accroître de 200 % la superficie utile, sans parler de la mémoire attachée à ce lieu où se sont déroulées toutes les saisons d’opéra depuis 150 ans : toutes ces considérations ont pesé sur la décision de reconstruire le théâtre au même endroit.

Comment s’articule le projet de reconstruction ?
La partie qui n’est pas endommagée – à savoir les façades historiques, le portique d’entrée, le vestibule, l’escalier et les salons – sera essentiellement traitée selon des critères de conservation classique. Il est prévu par ailleurs une partie tout à fait nouvelle (voir photo), qui double la superficie et sera traitée dans un langage actuel, sans autre limitation que la fonctionnalité, l’intégration à l’édifice existant et le respect du contexte historique. La salle, par sa situation, son style et ses dimensions, avait une forme adéquate qui sera conservée. L’expérience européenne, après les destructions de la Seconde Guerre mondiale, est riche d’enseignements, que ce soit dans le respect exagéré du passé pour le Semper Oper de Dresde ou la pseudo-modernisation de l’opéra de Vienne et du Carlo Felice, à Gênes. Réin­terpréter la salle à partir de l’expérience passée, sans crainte d’introduire des changements, mais sans avoir besoin de réinventer l’organisation et le décor, tels sont les critères que nous nous sommes fixés.

Quelles modifications seront apportées par rapport à l’état antérieur ?
Nous construisons un opéra pour le XXIe siècle, avec les moyens techniques indispensables à la programmation de productions en alternance et aux enregistrements télévisés, avec des systèmes sophistiqués de projection et d’aide à la scénographie. Le projet acoustique a été confié au professeur Higini Arau et sera supervisé par Rob Harris, de la société Ove Arup. Tous les aménagements sont compatibles avec la restauration des parties détruites, le maintien du style et la conservation d’une partie du décor.

Quel est le calendrier ?
Les travaux ont débuté au mois d’août 1995. Les fondations et la structure, notamment dans la partie nouvelle, devraient être achevées en janvier 1997. Avant la fin de l’année, toutes les autres phases du projet seront mises en adjudication, qu’il s’agisse des travaux publics ou des installations techniques. L’ouverture de la première saison d’opéra est prévue pour octobre 1998.

Quel sera le coût total de cette reconstruction ?
Le coût total s’élèvera à l’équivalent de 410 millions de francs environ. La machinerie scénique coûtera quelque 100 millions de francs. L’installation électrique, celle de l’air conditionné et des dispositifs de sécurité, environ 120 millions de francs.

Quels conseils donneriez-vous pour la reconstruction de la Fenice ?
En architecture, il n’existe pas de solutions, d’hommes ou de critères infaillibles. La bonne solution esthétique dépend inévitablement d’un consensus. Sans la confiance et la crédibilité, nul ne peut mener à bien la reconstruction d’un édifice public aussi symbolique qu’un opéra, que ce soit à Venise ou à Barcelone.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°28 du 1 septembre 1996, avec le titre suivant : Un nouveau Liceo

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