Musée

Walter-Guillaume rêve de voyage

La rénovation du Musée de l’Orangerie retardée

Par Joël Girard · Le Journal des Arts

Le 1 septembre 1996 - 775 mots

Restriction budgétaire oblige, le projet de rénovation de l’Orangerie est retardé d’un à deux ans. Le concours d’architecture ne sera lancé qu’à la fin de cette année. La Direction des Musées de France souhaite financer une partie du coût du chantier, estimé à 90 millions de francs, par une tournée internationale de la collection Walter-Guillaume, comme l’a fait la Fondation Barnes.

PARIS - Alors que la rénovation du Louvre et de ses jardins s’achève et que débute la restructuration du Musée des arts décoratifs, le Musée de l’Orangerie demeure le seul élément du Domaine national du Louvre et des Tuileries à attendre une modernisation méritée. En toute logique, la Direction des Musées de France (DMF) avait, en 1993, confié la programmation et la gestion de ce projet à l’Établissement Public du Grand Louvre (EPGL). Une fois l’étude historique réalisée et la programmation architecturale établie, l’EPGL a organisé la première phase du concours. En août 1995, un jury présidé par Françoise Cachin a sélectionné huit candidats. Quel­ques mois plus tard, toutefois, l’EPGL se voyait contraint de stopper le projet. La DMF assurait alors qu’il s’agissait "d’un simple retard dû aux restrictions budgétaires".

Posé sur une zone de remblais, comme le Grand Palais, le bâtiment édifié sous le Second Empire nécessite des travaux de consolidation et d’étanchéité. Il devrait, en outre, être davantage ouvert sur son environnement – terrasse, jardins et Seine –, comme l’avait voulu Monet. Pour la muséographie, il conviendrait, selon le conservateur Pierre Georgel, "d’adapter le lieu et ses collections au flux de visiteurs..., d’offrir un contenu didactique et documentaire aux collections Walter-Guil­laume et des Nymphéas, et de développer une politique d’animation culturelle selon des orientations arrêtées avec Orsay et Beaubourg".

Deux fois plus de visiteurs que prévu
"Muséifié" en 1922 pour y accueillir les Nymphéas de Monet, puis, à partir de 1960, la collection Walter-Guillaume, l’Orangerie reçoit désormais plus de 500 000 visiteurs l’an, soit plus du double de sa capacité théorique. La courbe de sa fréquentation a ainsi croisé il y a peu celle du Musée Picasso, en baisse constante. Un succès que le conservateur, satisfait, attribue à "l’environnement favorable des grands musées... des musées, dont l’opulence a justement pu réveiller le désir de collections plus humaines".

Or, "dès l’ouverture", stigmatise Pierre Georgel1, il s’agissait d’"un petit musée, isolé sur sa terrasse... étriqué..., et l’administration prévoyant une maigre fréquentation", ses aménagements ont été succincts ou "désastreux", comme la mise en cul-de-sac des salles des Nymphéas que le visiteur découvre au terme "d’un véritable parcours du combattant". Le programme entend restituer aux Nymphéas leur vestibule elliptique – remplacé par un escalier lors des travaux pour l’installation de la collection Walter-Guillaume –, baigné de lumière de façon à noyer le regard du visiteur. "Nous souhaitons leur redonner un accès direct, comme Monet l’avait prévu, à partir d’un hall d’accueil du public avec vestiaires, billetterie, toilettes et point de vente..., un hall plus vaste et qui pourrait être ramené au centre du bâtiment", explique une architecte de l’EPGL.

L’accrochage de la collection Walter-Guillaume sera révisé, mais dans le respect du goût des donateurs. La fidélité aux origines se veut parfaite puisque l’Orangerie va rapatrier les meubles et les objets d’art de l’appartement de la rue du Cirque où vécut Paul Guillaume – objets qui croupissent dans les réserves du château de Compiègne –, afin de les utiliser à titre documentaire dans une évocation (peut-être même la restitution d’une pièce complète) dudit appartement. Madame Walter avait exprimé sa volonté de voir les œuvres exposées dans leur environnement d’origine. Enfin, sous le flan nord de l’édifice, sera creusée une galerie destinée aux expositions temporaires. Un clin d’œil au glorieux passé de l’Orangerie qui a offert au public plus de 150 expositions, dont certaines historiques, avant que le Grand Palais ne lui ait ravi la vedette. Les manifestations temporaires sont "indispensables pour éviter la sclérose", souligne Pierre Georgel.

Une exposition itinérante
"Selon l’échéancier d’origine, un projet architectural aurait dû être retenu fin 1995 et les travaux, démarrer en 1996", reconnaît Laurence Descuves, de l’EPGL. Le sort de l’Orangerie sera-t-il tributaire des prochains arbitrages budgétaires ? La rue de Valois assure que ce projet, ficelé techniquement, demeure prioritaire. Avant la fin de l’année, le concours d’architecture sera enfin lancé pour un chantier qui doit durer quatre ans. Selon Pierre Georgel, "une exposition itinérante de la collection Walter-Guillaume, pendant la durée des travaux, financera en partie l’opération". La Fondation Barnes avait ouvert la voie. Dans un an, on saura si l’intiative française est vouée au même succès commercial et financier. Reste à lui souhaiter moins de turpitudes judiciaires !

(1) conférence donnée à l’auditorium du Louvre le 29 mai 1996

Les Nymphéas n’aiment pas l’eau
La restauration de l’œuvre mythique de Monet s’avère délicate. Les toiles sont collées directement sur les murs de brique et de plâtre. Ces murs fragiles, ébranlés par des obus en 1944, s’enfonçent dans le sol et se fissurent sans cesse davantage, laissant l’humidité s’infiltrer. De plus, aucun solvant n’est opérant sur l’enduit. Il conviendra d’abord de renforcer les murs et de reprendre leur étanchéité. Ensuite, les restaurateurs procéderont à un nettoyage général de l’œuvre et devront régénérer la couche picturale. Le système de climatisation doit être changé et renforcé, en raison de la quantité de poussière apportée des jardins par les visiteurs, d’autant que l’acte de donation interdit de vernir ces peintures monumentales, dépourvues de toute autre protection. Les murs des salles des Nymphéas retrouveront leur ton initial ; les baies symétriques seront rouvertes ; le vestibule ovale qui fait corps avec les salles sera restitué avec sa double percée sur l’environnement de l’Orangerie ; la moquette au dessin psychédélique sera remplacée par un matériau plus noble (Monet aurait voulu du marbre). Et, surtout, les salles des Nymphéas retrouveront un accès direct depuis le hall d’entrée. J. G.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°28 du 1 septembre 1996, avec le titre suivant : Walter-Guillaume rêve de voyage

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