Notes de lecture

Par Le Journal des Arts · Le Journal des Arts

Le 1 octobre 1996 - 611 mots

Avant le Rouge et le Noir
Conçue en 1811 et publiée six ans plus tard, l’Histoire de la peinture en Italie a été le plus souvent négligée par les stendhaliens, et plus encore par les historiens de l’art. Cette nouvelle édition du texte intégral, établie par Vittorio del Litto, remet en lumière un essai profondément singulier où les digressions l’emportent sur une conception générale de l’ouvrage. Mais elles donnent précisément tout son prix à ce traité fondé, pour partie sur un travail de compilation. Au détour d’une page, Stendhal élabore sa propre esthétique, esquisse les perspectives dans lesquelles le "Beylisme" s’épanouira. "On peut être grand général, grand législateur, sans aucune sensibilité. Mais dans les beaux-arts, il faut une âme, même pour imiter les objets les plus froids." Le monde de Stendhal, qui est profondément romanesque, n’est déjà plus divisé selon les plis de l’académisme.
Stendhal, Histoire de la peinture en Italie, éditions Gallimard, 722 p., 56 F.

Après le Prix Fondation CCF pour la photographie
Les deux premiers lauréats de la Fondation CCF pour la photographie sont gâtés : Actes Sud a réa­li­sé deux monographies élégantes, remarquablement imprimées. Éric Prinvault a photographié les en­fants de la Goutte d’Or, les tziganes à Nanterre ; Henry Ray son pays de prédilection, le Brésil.
Éric Prinvault, C’est où la maison ?, introduction de Dominique Simonnot. Henry Ray, Saudade, textes de Christian Caujolle. Les deux ouvrages : éditions Actes Sud, 112 p., 140 F.   
   
Michel Vovelle avait consacré, il y a quelques années, une ample étude sur les représentations de la mort en Occident. Ce nouvel ouvrage s’intéresse à un aspect particulier du même thème : le purgatoire, dont l’invention date de la fin du XIIe siècle. Le mot lui-même, forgé par Pierre le Mangeur, recevra la bénédiction papale d’Innocent III et désignera ce troisième lieu que les théologiens, mais aussi les poètes et les peintres, vont peu à peu élaborer. Des Très riches heures du Duc de Berry aux représentations cinématographiques contemporaines, l’auteur se livre à un examen magistral, soutenu par une érudition aussi discrète qu’efficace.
Michel Vovelle, Les âmes du purgatoire ou le travail du deuil, éditions Gallimard, 320 p., 170 F.

Avant la mort
Michel Foucault a interprété dans des pages restées célèbres certains aspects de l’architecture clinique. Médecin, responsable du centre d’hématologie de La Pitié-Salpêtrière, amateur d’art éclairé et professeur à l’École du Louvre, Jacques-Louis Binet retrace l’histoire architecturale des "machines à guérir" depuis le temple d’Esculape jusqu’aux hôpitaux modernes. Il montre comment les conceptions médicales informent directement, mais parfois tardivement, l’approche de l’espace. Les problèmes politiques et urbanistiques (la place des hôpitaux dans les villes, au centre ou à la périphérie, reste un problème récurrent), les aménagements successifs, l’invention du mobilier (les premiers lits à roulettes datent de 1779), sont autant de questions qui recoupent les idées que se font les sociétés de la santé et de la mort.
Jacques-Louis Binet, Les architectes de la médecine, illustrations de Pierre Buraglio, éditions de l’Imprimeur, 178 p., 174 F.

Avant-garde
Inventeur du happening, Allan Kaprow est sans conteste une figure centrale de l’avant-garde américaine par sa pratique artistique, et plus encore par une réflexion qu’il a développée avec rigueur depuis les années cinquante. Les textes réunis dans ce volume, intelligemment présentés par Jeff Keley (malheureusement dans une traduction parfois incertaine), constituent un précieux témoignage sur les désillusions, les convictions et les doutes des artistes américains après Jackson Pollock. On y trouvera moins une vision esthétique triomphante et des revendications dogmatiques qu’un continuel exercice de scepticisme portant sur les conditions dans lesquelles l’art trouve sa place dans une culture sans cesse plus dévorante.
Allan Kaprow, L’art et la vie confondus, collection "Supplémentaires", éditions du Centre Pompidou, 288 p., 100 F. 

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°29 du 1 octobre 1996, avec le titre suivant : Notes de lecture

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