Abou Dhabi sur le devant de la scène

Les exposants de la foire Abu Dhabi Art, présentée du 19 au 22 novembre, sont restés sur leur faim

Par Roxana Azimi · Le Journal des Arts

Le 25 novembre 2009 - 759 mots

Malgré l’optimisme affiché par les autorités de l’émirat, la foire Abu Dhabi Art a laissé ses exposants sur leur faim. Organisée en marge de la foire, l’exposition « Disorientation II » s’est déployée dans un nouvel espace dédié aux manifestations temporaires sur l’île de Saadiyat. Deux autres équipements devraient voir le jour pour accueillir les expositions du Louvre et du Guggenheim avant l’ouverture de leurs antennes prévue en 2013.

ABOU DHABI - Il y a un monde entre l’optimisme martelé par les autorités d’Abou Dhabi (Émirats arabes unis) et les désillusions qu’expriment les artistes de l’exposition « Disorientation II », qui s’est tenue parallèlement à la foire Abu Dhabi Art. Il y a aussi un monde entre les attentes des exposants de ce salon et leurs résultats. Pourtant, en prenant en main la direction de sa foire, après avoir rompu les ponts avec les organisateurs d’Art Paris, l’émirat a démontré son savoir-faire. Le salon a effectué un saut quantique. Les poids lourds du marché ont sorti l’artillerie lourde, comme la remarquable exposition des sculptures de Calder chez PaceWildenstein (New York).
 
D’autres ont opté pour le bling-bling, pensant caresser les Émiratis dans le sens du poil avec un gros diamant rouge de Jeff Koons à 12 millions de dollars chez Gagosian (New York) ou la tête de Marc Quinn en or massif chez White Cube (Londres). De fait, la présence de Kamel Mennour (Paris), avec un stand très tendu autour de Buren, François Morellet et Latifa Echakhch, ou celle de Patrick Seguin (Paris), avec la « Maison de sinistrés » de Nancy par Jean Prouvé, offraient de saines respirations. Ceux qui venaient chercher les nouveaux talents du Moyen-Orient risquaient en revanche de repartir déçus, car, les galeries de la région n’ont pas offert de pièces substantielles de leurs artistes. Seuls les créateurs iraniens se distinguaient, notamment la fratrie Rokni et Ramin Haerizadeh. Devenus ambassadeurs d’Abu Dhabi Art, le Français François Pinault et le collectionneur indien Anupam Poddar ont acquis chacun chez B21 (Dubaï) deux ensembles de dessins de Rokni Haerizadeh, réalisés à la suite des élections présidentielles frauduleuses du 12 juin.

Au garde-à-vous
Si la qualité a fait un bond spectaculaire, l’audience n’a pas vraiment évolué. Contrairement à sa concurrente Art Dubaï, la foire n’a pas encore rallié curateurs internationaux ni collectionneurs indiens. De fait, seules les galeries locales ont pu faire quelques ventes dès le vernissage, grâce à une clientèle en provenance de Dubaï. Venue avec ses artistes du Moyen-Orient et aguerrie depuis trois ans au contexte, Caprice Horn (Berlin) fut l’une des rares exposantes étrangères à céder des pièces à des Émiratis. Balbutiant, le marché se limite pour l’instant à un seul acheteur institutionnel, la famille royale. Et celle-ci a ménagé le suspense, laissant les marchands perplexes ou irrités. Traités en fournisseurs, ces derniers n’ont pas apprécié d’être au garde-à-vous, certains jusqu’à deux heures et demie du matin pour le passage de la Cheikha Salama bint Hamdan al-Nahyan. La plupart des exposants avouaient pourtant avoir été conviés avec l’assurance qu’ils ne repartiraient pas bredouilles s’ils apportaient une marchandise « adaptée ». « Je ne doute pas qu’il y aura du business, même temporisé », affirmait Tim Marlow, de la galerie White Cube (Londres). A défaut d’une vente à la parentèle royale, tous espéraient céder aux musées en construction. Or le Guggenheim Abou Dhabi n’a pas encore formé son comité d’acquisitions et, de fait, ne peut pas effectuer d’achats. En théorie du moins. Bien que l’équipe du Louvre-Abou Dhabi ait été présente au grand complet, l’agence France-Muséums n’a rien laissé filtrer quant à ses éventuelles emplettes. Pour prendre leur mal en patience et rentrer dans leurs frais, certains ont activé leur propre carnet d’adresses. Hauser & Wirth (Zurich, Londres, New York) a vendu une sculpture de Roni Horn pour 1,2 million de dollars à un Asiatique. Et, après avoir demandé moult dossiers et prix, les autorités ont acheté un polyptyque de Gilles Barbier chez Georges-Philippe et Nathalie Vallois (Paris). Le Tourism Development & Investment Company (Société d’investissement et de développement touristique) a de son côté acquis une toile de Philip Taaffe et une sculpture de Tony Cragg chez Thaddaeus Ropac (Paris, Salzbourg).

La rencontre entre l’Est et l’Ouest reste délicate et les Occidentaux ne sont pas exempts de maladresses. Comme ouvrir une table ronde sur la collection organisée par la New York University en citant pendant une demi-heure la Bible et l’arche de Noé dans un pays qui tente de préserver une laïcité. Une entrée en matière qui a choqué Suha Shoman, présidente de la Fondation jordanienne Darat al-Funun.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°314 du 27 novembre 2009, avec le titre suivant : Abou Dhabi sur le devant de la scène

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