Grand Tour à l’anglaise

La tentation de l’Italie à la Tate Gallery

Le Journal des Arts

Le 1 octobre 1996 - 737 mots

La Tate Gallery expose plus de deux cent cinquante pièces illustrant l’engouement pour l’Italie au siècle des Lumières. Le projet de départ se proposait d’examiner l’influence du Grand Tour dans l’Europe entière, mais si Winckelmann et Gœthe en font toujours partie, la majorité des pièces contenues dans l’exposition lui donnent à présent une forte coloration anglaise.

LONDRES. La grande exposition "Le Grand Tour : l’attrait de l’Italie au XVIIIe siècle" à la Tate Gallery s’appuie elle-même sur des expositions plus modestes qui ont de près ou de loin traité du Grand Tour dans le passé : celle de 1958 au Norwich Castle Museum ou, plus récemment au British Museum, "Vases et Volcans : Sir William Hamilton et sa collection", qui retraçait la vie et les amours du ministre plénipotentiaire britannique à Naples.

La première section s’attache aux "Voyageurs", à ceux qui ont effectué le Grand Tour et à ceux qui les ont peints. Le portrait n’était pas une spécialité italienne, mais étant donné l’aversion des protestants pour l’imagerie religieuse, ce genre est sans doute apparu comme le seul susceptible d’être rapporté en Angleterre. En outre, il y a fort à parier que les prix pratiqués par Batoni – 15 livres pour un portrait, à comparer aux 25 livres demandées par Reynolds… – ont dû décider plus d’un "grand touriste" à poser pour lui. Le portrait de Thomas Dundas est l’une de ses œuvres les plus remarquables. Autre touriste d’importance, Frederick Hervey, quatrième comte de Bristol et évêque de Derry, qui fit six voyages en Italie entre 1765 et 1803, peint ici par Hugh Douglas Hamilton dans le jardin anglais de la Villa Borghèse.

Rome, Florence, Naples…
À mesure que l’on avance dans le XVIIIe siècle, les itinéraires du Grand Tour se codifient davantage. Le but principal est Rome, capitale impériale, Ville éternelle, patrie de l’Antiquité et foyer européen de premier plan pour les artistes et les savants. Des vues comme celle de Richard Wilson, Rome : Saint Pierre et le Vatican depuis le Janicule, sont représentatives du genre d’œuvres commandées à Rome par des touristes souhaitant garder un souvenir de leur visite.

En route pour Rome, les visiteurs faisaient habituellement étape à Florence, dont l’importance est illustrée par la Tribuna degli Uffizi de Zoffany. Commandée par la reine Charlotte en 1772, il s’agit sans doute de l’une des plus célèbres évocations du Grand Tour et du goût des amateurs du XVIIIe siècle. Naples venait ensuite, inspirant des paysages comme l’Éruption du Vésuve au clair de lune à Volaire et la Baie de Naples à Thomas Jones. Venise exerçait un pouvoir d’attraction différent. En effet, les célèbres vues de la Sérénissime exécutées par Luca Carlevariis, Bernardo Bellotto, Marieschi, Guardi et Canaletto étaient vendues par l’intermédiaire de marchands plutôt que commandées directement aux artistes sur place.

En quête de "babioles"
La fascination du XVIIIe siècle pour les sites antiques nouvellement découverts et la soif de marbres antiques sont bien sûr à l’origine de cet "attrait pour l’Italie". L’expo­sition s’intéresse par conséquent aux objets achetés sur place et aux moyens mis en œuvre pour les acquérir, y compris aux sources d’approvisionnement de pourvoyeurs tels que le marchand Thomas Jenkins et les peintres et archéologues Gavin Halmilton et Robert Fagan. Cet engouement pour l’antique a été en partie à l’origine de l’avènement du Néoclassicisme, que traduisent les dessins de sites archéologiques et de ruines par les architectes Robert Adam et Charles-Louis Clérisseau.

Le comte de Chesterfield critiquait les visiteurs qui sillonnaient l’Italie en quête de "babioles". Rien de surprenant toutefois à ce qu’un grand nombre d’entre eux ait tenu à rapporter des souvenirs de leur visite et commandé des vues à Giovanni Paolo Panini, des copies de bronzes antiques à des sculpteurs comme Giacomo Zoffoli, ou des répliques en biscuit à Giovanni Volpato. On aimerait pouvoir conclure, ainsi que l’exposition cherche à le suggérer, que l’"engouement pour le Grand Tour" reflétait des aspirations élevées. Mais si l’étude de l’antiquité et des classiques constituait la raison officielle du voyage, dans certains cas, comme le montre la préface du catalogue, on lui préférait d’autres activités…

LE GRAND TOUR : L’ATTRAIT DE L’ITALIE AU XVIIIE SIÈCLE, 10 octobre-5 janvier 1997, Tate Gallery, Millbank, Londres, tlj sauf jours fériés 10h-17h50, dimanche 14h-17h50, tél. 171-887 80 00. Palazzo delle Esposizioni, Rome, 5 février-7 avril 1997. Catalogue sous la direction d’Andrew Wilton et Ilaria Bignamini, 204 p., 160 ill. coul., 100 ill. n & b, 25 £ (200 F).

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°29 du 1 octobre 1996, avec le titre suivant : Grand Tour à l’anglaise

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