Financement de la culture : les communes en tête

Par Jean-Marie Schmitt · Le Journal des Arts

Le 1 décembre 1996 - 759 mots

Le rapport Rigaud a été notamment motivé par la profonde modification des dépenses culturelles publiques depuis la décentralisation. Ainsi, comme le relève une étude du Département des études et de la prospective du ministère de la Culture, sur un financement public de 73,3 milliards de francs en 1993, l’État en assurait 36,4 milliards, les collectivités territoriales 36,9 milliards. Après une forte croissance, une tendance à la stagnation des dépenses se manifeste.

PARIS - Le ministère de la Culture, avec 14,5 milliards de francs en 1993, représentait 19,8 % du financement total de l’État, les autres ministères engageant 20,1 milliards, soit 27,4 %, en particulier au travers de l’Éducation nationale (8,7 milliards) et des Affaires étrangères (3,8 milliards). Montants auxquels il faut ajouter 1,8 milliard de comptes spéciaux (cinéma, audiovisuel, livre).

L’étude relève que les dépenses culturelles représentent 3 % des charges des collectivités locales, mais ne donne pas de pourcentage pour l’État. Toutefois, d’après ces chiffres, le montant des dépenses culturelles de l’État représenterait environ 2 % de son budget, ce qui pose au passage la pertinence "du 1 % ministère de la Culture" comme critère de mesure de l’engagement culturel.
Avec 30 milliards, 40,9 % du financement total, les communes sont les premiers bailleurs, les départements en assurant 7,4 % et les régions 2 %. L’étude relève que ‘"la loi contraint très peu l’action culturelle des communes", qui interviennent donc en gestion directe, en particulier pour "les équipements culturels : bibliothèques, écoles de musique, équipements de quartiers et centres culturels, musées, salles de spectacles, monuments". Au contraire, les départements – dont l’intervention culturelle a été organisée par les lois de décentralisation des années 1980 – interviennent plutôt indirectement en redistribution, particulièrement vers les communes rurales, sauf pour les services dont la gestion leur a été transférée par les textes (archives et bibliothèques départementales). Les régions n’ont pas "d’obligation culturelle". Leur position les oriente plus vers des actions d’aménagement, d’aide à la création et à la diffusion, de coopération internationale.

Développement de partenariats
L’étude souligne que les communes ont "la politique culturelle la plus diversifiée", que les départements donnent "la primauté à la conservation-diffusion", et que "la production artistique est l’axe majeur" des régions.

Outre les postes importants (patrimoine, animation, spectacle vivant, formation), l’étude mentionne les dépenses d’administration qui seraient l’indice d’une professionnalisation des actions. S’il faut noter leur niveau encore faible (4 % des dépenses des communes, 8 % des départements, 3 % – communication inclue – des régions), la tendance est cependant nettement croissante (de 2 % en 1981 à 5 % en 1993). En outre, le processus de déconcentration, qui a transféré aux Drac (Di­rections régionales des Affaires culturelles) la gestion d’une part croissante des dépenses culturelles de l’État, s’est accompagné du développement de partenariats, en particulier avec les conventions de développement culturel (1 500 environ entre 1982 et 1993), contrats de plan État-Régions, contrats de ville. On peut penser que la dépense culturelle y gagnera en efficacité.

Pénurie financière croissante
L’étude montre la dispersion des moyens de l’action de l’État. On a suffisamment reproché au système culturel français un excès de jacobinisme pour regretter cette situation. Cela dit, elle impose une action interministérielle qui n’a pas toujours été le fort de l’administration française. N’est-ce pas aux difficultés de cette coopération que l’on doit par exemple l’échec de la loi de 1988 sur les enseignements artistiques ?

Pour les collectivités locales, la liberté dont elles jouissent est évidemment nécessaire à un développement culturel harmonieux. Cela dit, liberté ne signifie pas ne pas agir ou se tromper. Or le poids de la gestion des équipements culturels exprime peut-être un excès d’investissement matériel – et un désintérêt de l’État à couvrir les coûts de gestion – qui n’a pas toujours été accompagné d’une préparation efficace des contenus et de leur mise en œuvre. Ainsi, les contraintes budgétaires, accentuées par l’endettement résultant de la réalisation des équipements, ne risquent-elles pas de conduire les communes à une déflation culturelle ? L’étude constate que la part de la culture dans les dépenses des communes, après une progression très forte de 6,9 % en 1978 à 10 % en 1984, stagne depuis. Elle fait la même constatation pour les départements depuis le début des années 1990. En ce qui concerne les régions, il y a eu baisse dans les dernières années. Mais la constatation d’une plus grande professionnalisation des actions et celle d’une meilleure coopération entre l’État et les collectivités territoriales peut laisser espérer une plus grande efficacité de la dépense culturelle. Dans ce sens, ce serait plutôt de maturité dont il faudrait parler.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°31 du 1 décembre 1996, avec le titre suivant : Financement de la culture : les communes en tête

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