Tajan : feux d’artifice de fin d’année

Un pétard mouillé, mais un beau bouquet final

Le Journal des Arts

Le 1 janvier 1997 - 777 mots

Organisées en six vacations, les 9 et 10 décembre, les ventes de fin d’an­née de Me Jacques Tajan ont eu beau totaliser plus de 78 millions de francs sans les frais, le grand public n’a eu d’yeux que pour les deux pièces vedettes : le coffret à bijoux de Marie-Antoinette estampillé Martin Carlin, qui s’est mal vendu, et Jardin à Auvers de Van Gogh, resté lui invendu.

PARIS - "C’est affligeant ! Il a déjà été payé 145 millions de francs par les contribuables, il doit revenir à la collectivité. Je vais me promener avec ce tableau sous le bras jusqu’à la rue de Valois !" Ayant espéré jusqu’à la dernière minute voir l’État se porter acquéreur de Jardin à Auvers de Van Gogh, Me Jacques Tajan se consolait mal d’avoir dû ravaler le tableau, après quelques molles enchères, à 32 millions de francs seulement, lors de la vente du 10 décembre.

Classé monument historique en 1989 et inexportable, Jardin à Auvers avait été acheté 55 millions de francs en 1992 par le banquier Jean-Marc Vernes, avant de faire l’objet d’une retentissante procédure en indemnisation, gagnée en 1995 par son ancien propriétaire Jacques Walter, auquel  l’État avait dû verser 145 millions de francs.

Tout, pourtant, était réuni pour cette dramatisation dans laquelle excelle Me Tajan. La foule des grandes soirées était là, applaudissant, comme au feu d’artifice, les enchères qui montaient haut. Jusqu’au perturbateur du deuxiè­me acte, le collectionneur Richard Rodriguez, brandissant les tables de la loi du dernier catalogue raisonné. Mais la fusée Van Gogh était mouillée et n’a pas décollé.
Au-delà de l’anecdote, on peut s’interroger sur les raisons et les conditions de cet échec. Il n’est pas bon que la politique se fasse à la corbeille. Il n’est pas davantage souhaitable que le marché se fasse à travers les médias. On lira à cet égard le commentaire de Jean-Marie Schmitt, page 44. Également interdit de sortie du territoire national, le coffret à bijoux de Marie-An­toinette, acheté 23 millions de francs par Jean-Marc Vernes en 1991, a été adjugé le 9 décembre 14,4 millions de francs, bien en dessous de son estimation. L’acheteur, assure Me Tajan, attend son heure pour le revendre au château de Versailles. La vente de tableaux modernes où figurait le Van Gogh a enregistré en contrepartie quelques très bonnes enchères malgré des invendus.

Ainsi Lailla Ella Aicha de Van Dongen (1908) a été adjugé 4,3 millions de francs, au-dessus de son estimation, à l’écrivain Paul-Loup Sulitzer, sous-enchérisseur de Trois femmes, également de Van Dongen, chez Me Briest le 28 novembre. Deux Foujita tardifs, La petite cuisinière et La fille du pêcheur, ont eux aussi largement dépassé leurs estimations. Très attendue, la vente des 90 pièces de la collection de céramiques du XVIIe au XIXe siècle de Gilbert Lévy (dont 82 se sont vendues) a totalisé près de 11 millions de francs, contre une estimation de 7 à 8 millions. Elle comportait des pièces fort rares et très belles, comme cette statuette de coq, vers 1735, en porcelaine tendre de Chantilly, estimée entre 400 000 et 500 000 francs et vendue 760 000 francs, ou encore une soucoupe et sa tasse, l’anse en forme de papillon, vers 1752, en porcelaine de Vincennes, rarissimes, adjugées 500 000 francs, le double de l’estimation haute.

Une autre collection particulière de 120 objets d’orfèvrerie française des XVIIe et XVIIIe siècles a attiré de nombreux amateurs le 9 décembre. On y trouvait des pièces de charme et de caractère, tels un saupoudroir en métal argenté, estimé entre 4 000 et 5 000 francs, parti à 17 000 francs, ou plus solennels mais très élégants, une aiguière et son bassin en argent, Montpellier 1733, adjugés 280 000 francs contre une estimation de 200 000 à 250 000 francs. Avec 104 lots vendus sur 106, elle a totalisé 3,3 millions de francs.

En revanche, seuls 30 des 50 tableaux anciens mis aux enchè­res le même jour ont été vendus, pour 10,5 millions de francs, soit les deux tiers de l’estimation globale. Le Portrait de la famille Chabanel par Antoine Vestier (1786), adjugé 1,3 million de francs, a dépassé son estimation, et L’Adoration des mages de Pierre Bruegel d’Enfer, estimé entre 1,6 et 2 millions de francs, a fait 1,8 million de francs. La malchance poursuivait les quatre meubles et les quelques pièces de porcelaine de Jean-Marc Vernes consignés parmi les 187 lots de la vacation d’objets et de mobilier du 9 décembre : seuls une commode Louis XV, estampillée Mewesen (1,5 million de francs), et le célèbre coffret à bijoux ont trouvé preneur. Le produit de la vente se monte à 30 946 800 francs, avec 144 lots vendus.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°32 du 1 janvier 1997, avec le titre suivant : Tajan : feux d’artifice de fin d’année

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