Histoire

Les artistes engagés

Par Le Journal des Arts · Le Journal des Arts

Le 1 janvier 1997 - 450 mots

Dès 1933, un comité consultatif, où siègent Rexford Tugwell, Harry Hunt, Harry Hopkins et Edward Bruce, reconnaît la fonction de l’artiste dans la société, ne serait-ce que pour préserver la capacité de jouir de la beauté.

Le Public Works of Art Project (PWAP), qui lie les Beaux-arts aux choix de l’administration du Trésor, place à sa tête Edward Bruce. Plusieurs instances régionales regroupent notables et experts dans les deux premières années. La mission du PWAP n’est pas de débusquer des génies méconnus, mais d’offrir une rémunération modeste à des créateurs que la Dépression condamne à l’oisiveté. Si l’existence du PWAP s’achève en juin 1934, son instauration a créé une dynamique qui permet de conserver une section gouvernementale : le Treasury Relief Art Project, dirigé par George Biddle, demande aux artistes de représenter le visage le plus énergique et le plus gai de la scène américaine, comme en témoigne l’évocation truculente par Paul Cadmus de marins en goguette, qui soulève l’ire des autorités navales. Au sein du Works Progress Administration (WPA) est créé le Four Arts Project, incluant des programmes pour la musique, les lettres, le théâtre et les arts sous l’égide du Federal Art Project (FAP). Cette mesure révolutionnaire marque une étape historique. Pourquoi encourager les artistes en les inscrivant au budget de l’État ? La réponse de Harry Hopkins est claire : ils ont le droit de manger comme les autres. Le Federal Theatre Project monte des représentations dramatiques dans les écoles ou les églises. Une trentaine d’orchestres symphoniques municipaux sont fondés sous l’égide du Federal Music Project. Directeur du Federal Art Project, Holger Cahill monte une exposition au MoMA qu’il intitule "New Horizons in American Art". Les œuvres évoquent la vie, en idéalisant les figures de fermiers, de mères et d’ouvriers. Si les diverses initiatives du WPA ne transforment pas le paysage culturel, elles insufflent de nouvelles énergies à une population désabusée. La production artistique pénètre dans des milieux qui ignorent tout de la peinture et de la sculpture. On a longtemps reproché au FAP sa lourdeur bureaucratique et sa parcimonie. Il a cependant légué de vivants témoignages de son action en donnant au "citoyen artiste" une fonction civique. Mauvy Maverick, démocrate du Texas, calcule que le richissime Andrew Mellon dépense 100 000 dollars pour un tableau acheté en Europe, tandis que le WPA, avec la même somme, peut employer des milliers de peintres américains au chômage... Sous l’égide du Federal Art Project, l’artiste n’est plus ce Van Gogh miséreux, solitaire et souffrant auquel une tradition misérabiliste l’a fréquemment assimilé. Il fait désormais partie d’une équipe attachée à l’effort collectif. L’artiste s’ancre dans un terroir et traduit par son œuvre son intimité avec les forces vives du pays.

Thématiques

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°32 du 1 janvier 1997, avec le titre suivant : Les artistes engagés

Tous les articles dans Expositions

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque