Un déficit royal

Fraudes, erreurs comptables et impéritie à la RA

Par Martin Bailey · Le Journal des Arts

Le 1 janvier 1997 - 447 mots

La Royal Academy traverse une grave crise financière. Elle a accumulé ces trois dernières années un déficit de 3 millions de livres sterling (26 millions de francs), en partie imputable à des fraudes, à des erreurs comptables et à l’incompétence de sa direction. Dans un rapport accablant, le président Sir Philip Dowson et le secrétaire général David Gordon reconnaissent que la situation actuelle est \"une source de profonde inquiétude\".

LONDRES (de notre corres­pon­dant) - La Royal Academy of Arts a été "victime de fraudes graves", restées en partie ignorées du fait "de sa mauvaise administration et d’un manque généralisé de vigilance", peut-on lire dans un récent rapport confidentiel sur l’institution londonienne. Début 1994, la Royal Academy estimait que son déficit serait "approximativement de 647 000 livres" pour l’année en cours et prédisait que "1995 marquerait une amélioration substantielle"… En réalité, selon les chiffres récemment communiqués à notre partenaire éditorial The Art Newspaper, le déficit pour 1994 aurait été de 900 000 livres. Quant aux prévisions optimistes pour 1995, elles s’avèrent totalement injustifiées : loin de marquer une "substantielle amélioration", elles se traduiraient par un déficit record de 1,7 million de livres. L’examen détaillé des comptes de 1996 fait apparaître un nouveau déficit de l’ordre de 1,5 million de livres : la Royal Academy a en effet dépensé 14,7 millions de livres, alors que ses recettes n’ont été que de 13,2 millions. Même en prenant en compte le modeste excédent de 1993 – 150 000 livres –, le déficit cumulé sur trois ans devrait donc s’établir à environ 3 millions de livres.

Détournement de fonds
Pour couronner ces mauvais résultats, un responsable haut placé a dû quitter la Royal Academy début 1996, accusé de détournement de fonds. L’étendue de la fraude a d’abord été minimisée, mais il apparaît aujourd’hui que le "trou" est de 400 000 livres, auxquelles viennent s’ajouter les 237 000 livres dépensées pour l’enquête !

Toutes ces révélations risquent de compromettre les efforts entrepris depuis le début de l’année dernière pour encourager les mécènes à soutenir davantage les expositions (lire le JdA, n° 22, février 1996). Il est désormais indispensable de les convaincre que leur argent sera utilisé à bon escient… Par ailleurs, la Royal Academy est jalouse de son indépendance et n’a jamais souhaité recevoir de subventions publiques de l’Arts Council.

La situation actuelle rappelle le fâcheux précédent de 1962 : à l’époque, un découvert bancaire et l’échec de l’exposition "Pri­mitives to Picasso" avait contraint l’institution à se séparer d’un dessin de Léonard de Vinci, Vierge à l’Enfant, dans ses collections depuis le XVIIIe siècle, vendu 800 000 livres à la National Gallery. Toutefois, l’Academy ne semble pas résolue cette fois à de telles extrémités.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°32 du 1 janvier 1997, avec le titre suivant : Un déficit royal

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