Art déco : une année florissante

1996 vu par l’expert Jean-Marcel Camard

Le Journal des Arts

Le 1 février 1997 - 578 mots

Au moment où le Musée des Monuments français et celui d’art moderne de la Ville de Paris consacrent des expositions aux annés trente (lire le le dossier de ce numéro), le JdA a demandé à l’expert parisien Jean-Marcel Camard de commenter les ventes Art déco de 1996. Selon lui, ce marché a connu une année florissante, particulièrement à Paris. Pour appuyer ses dires, il cite en particulier les ventes du 15 oc­tobre (Mes de Quay-Lom­brail) et du 3 décembre (Mes Millon-Robert), où les prix ont flambé.

PARIS - Sur certaines pièces dont on connaissait les prix d’achat, les plus-values ont été importantes. Ainsi, un exceptionnel lampadaire de Jean-Michel Frank en laiton doré formant un maillage rayonnant, mis en vente à New York chez Christie’s (12 décembre 1992), est tombé dans l’escarcelle de la galerie Vallois pour 41 800 dollars, frais inclus. Exposé au Salon de mars 1993, il est acheté 450 000 francs par un collectionneur, qui le revend le 15 octobre 1996 (Mes de Quay-Lombrail), et le marteau tombe à 720 000 francs.

De même une chaise africaniste de Legrain, vendue 742 722 francs le 3 décembre dernier (Mes Millon-Robert), acquise dans une vente Sotheby’s à Monaco en 1977 pour 25 000 francs (environ 70 000 de nos francs actuels). "J’avais fixé la barre très haut, entre 650 000 et 700 000 francs, explique l’expert, parce que c’était rare et beau." Chez Sotheby’s à New York (le 23 avril 1988), deux sièges identiques de la collection Andy Warhol s’étaient négociés respectivement 126 500 et 155 000 dollars (en 1988, le dollar est à 5,68 F, ce qui donne 718 000 et 653 000 francs). "On nous attendait au tournant. C’est New York, disait-on, et c’est Warhol, un nom mythique, jamais vous n’obtiendrez cela à Paris. Eh bien, on a fait mieux : 742 722 francs !"

La crise de 1990 ? Bien sûr, elle a pesé sur les prix, plus par manque de disponibilités financières chez les acheteurs que par désaffection. À cela, explique Jean-Marcel Camard, une raison bien simple : l’Art déco représente vingt ans de création seulement (grosso modo de 1919 à 1939), une dizaine de grands maîtres et un nombre restreint d’objets. D’autant plus restreint, fait-il remarquer, que jusqu’à la vente Doucet en 1972, date du retour en grâce des années vingt et trente, on a jeté, cassé, détruit sans mesure. Si spéculation il y a eu, elle n’a jamais pu vraiment se développer comme dans le domaine du tableau.

Depuis 1993, le marché est nettement haussier avec la venue de nouveaux collectionneurs. La clientèle se renouvelle mais la marchandise de qualité reste rare et, malgré la fermeté des prix à Paris, les étrangers choisissent rarement Drouot. Pour une raison très simple, selon l’expert : la TVA à 20,6 % qui frappe toute création de moins de cent ans à son entrée en France, sauf si la pièce est unique ; en ce cas la TVA est réduite à 5,5 %. Mais il est difficile de le prouver.

Pour Jean-Marcel Camard, l’avenir n’est pas sans risques. "En 1998, Sotheby’s et Christie’s vont tenter de nous tailler des croupières. Ils continueront à vendre à New York les Tiffany et autres productions typiquement américaines, et organiseront à Paris des dispersions d’Art déco français. Pour autant, nous ne sommes pas démunis. La réputation des experts nationaux n’est plus à faire. Il va falloir se battre, c’est sûr, conclut Jean-Marcel Camard. J’attends le choc et j’accepte le challenge."

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°33 du 1 février 1997, avec le titre suivant : Art déco : une année florissante

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