Retour d’exil

Christian Deydier ouvre une succursale à Paris

Le Journal des Arts

Le 1 février 1997 - 617 mots

Exilé depuis 1983 outre-Manche, Christian Deydier, spécialiste de l’archéologie chinoise, change de stratégie : il ouvre ce mois-ci une succursale à Paris, tout en gardant à Londres le siège de sa société Oriental Bronzes Limited. L’évo­lution du marché justifie ce retour.

PARIS - "Il y a treize ans, explique Christian Deydier, Londres était la plaque tournante de la spécialité. Les ténors de la profession étaient tous là : les Eskenazi, Bluetts, Barling et autres Sparks… Ajoutez trois foires annuelles – Grosvenor, Burlington et Ceramics – et trois ventes majeures d’archéologie chez Sotheby’s et Christie’s en avril, juin et décembre, c’était incontournable".

Aujourd’hui, Londres est "en perte de vitesse : des grands marchands, il ne reste plus qu’Eskenazi ; la Burlington Fair a disparu, et les maisons de vente déplacent leurs dispersions de haut niveau vers New York, pour l’archéologie, et Hong Kong pour la céramique et le jade." "Dans ces conditions, dit-il, je m’en vais et, faute d’avoir le nerf de m’installer en Asie, je retrouve mes racines. Du reste, les collectionneurs, toutes nationalités confondues, viennent volontiers à Paris."

Qui sont ces collectionneurs ? En Europe, une poignée de Français ultra-connaisseurs, recherchant la marchandise de très grande qualité, des Suisses, des Italiens et quelques Belges, moins nombreux que naguère. Des États-Unis arrive une nouvelle génération qui s’introduit sur le marché avec des moyens colossaux. Les Japonais sont inexistants, sauf la famille Shumeï qui va ouvrir, près de Kyoto, un grand musée construit par l’architecte Pei. Quant aux Chinois de Hong Kong, ayant constitué de fabuleuses collections, ils sont devenus très exigeants et sont moins présents. En revanche, phénomène relativement nouveau, des Taiwanais, fortunés et boulimiques, achètent en grande quantité mais par à-coups. Pour faire état de leur ascension sociale, les plus riches d’entre eux ouvrent des musées privés. La qualité y est inégale et l’authenticité pas toujours au rendez-vous. Mais selon Christian Deydier, ils feront vite leur éducation. Reste la diaspora, celle établie à Singapour par exemple, très friande d’art chinois, sauf d’archéologie. Et pourtant, c’est à Singapour que viennent s’abriter les grandes collections protochinoises en cas d’instabilité politique. Dans les musées de la ville dormiraient de véritables trésors.

Société étrangère à Paris
Français, Christian Deydier sera à la tête d’une société étrangère installée dans son propre pays. "C’est paradoxal, dit-il, mais c’est ma seule chance." Le marchand met en cause la TVA et les formalités d’exportation : "Si ma société était française, les objets vendus seraient soumis à un taux de 5,5 %. En restant britannique, le taux sera réduit à 2,5 %". Pour Christian Deydier, c’est encore trop : avec un taux de 0 %, le marché serait plus dynamique et les finances publiques, selon lui, s’y retrouveraient. L’absence de recette sur la marchandise étant compensée par celle sur la marge bénéficiaire qui serait nécessairement en forte augmentation. Il observe également qu’en Grande-Bretagne, tout objet arrivé dans le pays depuis moins de cinquante ans reçoit sa licence d’exportation immédiatement. En France, les démarches administratives restent contraignantes dans tous les cas.
"Je reste confondu devant les problèmes de tous ordres qui se sont posés à mon arrivée à Paris, à commencer par l’installation d’une ligne téléphonique, déplore le marchand. J’ai dû au préalable m’inscrire au Registre du commerce, démarche qui n’a pu se faire sans l’étude des statuts de ma société par un traducteur assermenté qui a pris tout son temps. Il a fallu des mois ! Après une décennie et plus en Grande-Bretagne, j’avais oublié à quel point tout, en France, était long et compliqué !"

Christian Deydier, 21 rue du Bac, 75007 Paris, tél. 01 42 61 61 14. Exposition inaugurale, "Arts de la Chine et de l’Himalaya", du 21 février au 29 mars.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°33 du 1 février 1997, avec le titre suivant : Retour d’exil

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