L’indemnisation des commissaires-priseurs arbitrée

Un projet de loi sera présenté en avril au Conseil des ministres

Par Jean-Marie Schmitt · Le Journal des Arts

Le 1 février 1997 - 955 mots

Après un arbitrage du Premier ministre Alain Juppé sur l’indemnisation des commissaires-priseurs, les textes régissant la nouvelle organisation des ventes aux enchères à partir de janvier 1998 sont en discussion interministérielle. Leur présentation au Conseil des ministres est prévue pour avril.

PARIS - Dans une grande discrétion, la préparation du nouveau PVP (paysage des ventes publiques) chemine. Avant d’établir le projet de loi à partir des propositions Léonnet (lire le JdA n° 29, octobre 1996), il importait d’en connaître le coût pour les uns, le rapport pour les autres. La détermination des modalités de l’indemnisation des études  (en particulier du coefficient qui serait appliqué aux produits semi nets) est plus affaire politique que technique. En effet, il n’y a pas de précédent transposable à l’identique. Quoiqu’il ne s’agisse pas au sens strict d’engagements budgétaires, la technique de financement retenue – avances sur indemnités, sans doute de la Caisse des dépôts, progressivement apurées par une "taxe parafiscale" sur le produit des ventes aux enchères – impliquera l’État. Le Premier ministre aurait donc été appelé à arbitrer sur les demandes des commissaires-priseurs. La Chambre nationale aurait ouvert à 3 milliards de francs, les jeux se seraient faits à environ 1 milliard.

Évidemment, il ne s’agit que de prévisions puisque les chiffres ne pourront être arrêtés que dans des années, au terme des opérations d’indemnisation. Si cette évaluation est exacte et qu’est retenue une taxe parafiscale de 1 %, tablant sur une assiette de taxation de 5 milliards par an, les acheteurs en ventes publiques en "prendraient" tout de même pour vingt ans.

Même après l’adoption des textes, les discussions concernant l’indemnisation ne manqueront pas : comment évaluer les indemnités prévisionnelles pour permettre l’intervention rapide des financiers ; comment, à partir d’une règle unique, tenir compte de situations contrastées entre Paris et Province, entre ceux qui ont investi (dans des locaux importants et/ou dans un personnel qualifié, dont les loyers ou rémunérations amputent les produits semi nets) et les autres, entre les jeunes et leurs aînés... ? Il faudra rechercher un équilibre délicat qui rappellera les débats autour de la taxe professionnelle et dont dépendra largement la part de l’indemnisation qui se réinvestira dans les nouvelles sociétés de vente.

Le projet de loi et ses textes d’application seraient en cours d’examen interministériel. Il devrait ensuite passer au Conseil d’État. On évoque une présentation au Conseil des ministres dans deux mois. Même si le Gouvernement demande l’examen en urgence par le Parlement, il est difficile d’imaginer son adoption avant la fin du premier semestre. Il restera alors six mois aux commissaires-priseurs français pour s’organiser, un délai plutôt court.

Une nouvelle catégorie d’œuvres d’art dans la réglementation européenne
Un règlement communautaire du 16 décembre 1996, d’application immédiate, modifiant l’annexe du règlement européen de 1992 fixant les modalités d’exportation des biens culturels, a regroupé dans une nouvelle catégorie les aquarelles, gouaches et pastels avec un seuil de valeur de 30 000 écus. L’objectif est d’harmoniser les pratiques, certains États membres (dont la France) les classant dans la catégorie des dessins, d’autres dans celle des tableaux. Comme la France a choisi, en 1993, d’aligner les catégories applicables au certificat de libre circulation, on peut penser que le décret d’application de la loi du 31 décembre 1992 sera incessamment modifié en conséquence. Cela devrait alléger le contrôle de ces œuvres, assimilées en France à des dessins, avec un seuil de 15 000 écus.

Quel avenir pour le marché de l’art ?
Vaste question, qui avait été abordée en mars 1996 au cours d’un colloque à l’université de Paris Dauphine, dont les actes sont publiés à l’Harmattan sous les signatures de Hyacinthe Léna et François Duret-Robert. La retranscription des débats apporte d’intéressantes précisions sur la situation en France et dans l’Union européenne, ainsi que les positions des différents protagonistes du marché. Les thèmes débattus – droit de suite, droit de reproduction, TVA à l’importation, régime des exportations, convention Unidroit, réforme des ventes publiques, politiques des maisons anglo-saxonnes et régime des garanties – sont précédés de fiches faisant synthétiquement le point de la situation et des questions actuelles. À lire avant que les évolutions rapides qui sont en cours ne frappent l’ouvrage d’obsolescence. On pourra alors le conserver comme un témoignage des émois des professionnels français en 1996.
Quel avenir pour le marché de l’art ?, éditions de l’Harmattan, 176 p., 98 F.

Hong Kong plutôt qu’un forum pour les professionnels du marché de l’art
À Paris, au siège de la Chambre de commerce internationale (CCI), au cours d’un colloque consacré aux aspects culturels du commerce international des biens et services, sous la question :"Y a-t-il matière à exception ?", on a appris que c’était la dernière manifestation organisée par l’Institut du droit et des pratiques des affaires internationales, créé et animé depuis plus de 15 ans par Jean Lalive, qui défend dans le domaine juridique une francophonie pragmatique, fondée sur une remarquable connaissance des questions internationales. La CCI a en effet décidé la suppression de l’Institut pour des raisons d’économies budgétaires. La disparition de l’Institut interrompra les rencontres organisées régulièrement depuis 1985 sur les aspects juridiques du commerce international de l’art (à Genève, puis Amsterdam, Madrid et Vienne), occasions rares d’échanges relayés par des publications qui constituent désormais des références essentielles pour les professionnels du marché de l’art. Dans le même temps, on apprenait que la CCI implantait à Hong Kong une chambre d’arbitrage pour desservir la zone Pacifique. Signe des temps qui préjuge mal d’une volonté d’exception culturelle dont on sait qu’elle est d’abord défendue par les pays francophones. On s’est consolé en écoutant les différents intervenants et le plaidoyer émouvant et passionné de Brigitte Fossey qui a conclu les travaux. Au détour de son intervention, elle a appelé à ne pas démissionner...

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°33 du 1 février 1997, avec le titre suivant : L’indemnisation des commissaires-priseurs arbitrée

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