USA : les censeurs perdent une bataille

Les \"critères de décence\" du NEA hors-la-loi

Le Journal des Arts

Le 1 février 1997 - 428 mots

Une décision de justice américaine abolit les \"critères de décence\" pour l’attribution des subventions artistiques fédérales. Mais le budget 1997 du NEA (National Endowment for the Arts) n’augmente pas par rapport à 1996.

SAN FRANCISCO (de notre correspondant) - Dans les années quatre-vingt, alors que la "guerre de la culture" faisait rage, des représentants du Congrès américain se sont plaints que des œuvres ouvertement sexuelles, homosexuelles, blasphématoires ou antipatriotiques puissent bénéficier de subventions du gouvernement fédéral ou des États fédérés. Pour eux, l’argent des contribuables ne devait financer que des activités pouvant être appréciées par tous les Américains.

Sous la pression de la droite chrétienne, ils ont également cherché à amputer le programme culturel fédéral dans son ensemble. En 1990, après l’échec de leurs efforts pour abolir le Fonds national pour les arts (NEA), un sénateur républicain a réussi à faire voter une loi qui interdisait au NEA de subventionner des œuvres non conformes aux "critères généraux de décence et de respect pour les diverses croyances et valeurs du public américain".

Plusieurs artistes à qui l’on avait refusé des subventions en se fondant sur cette législation ont assigné le gouvernement fédéral en justice, pour non-conformité avec le Premier amendement sur la liberté de parole. Ils soutenaient que le droit constitutionnel leur garantissait la liberté d’expression. En 1992, un tribunal d’instance californien a statué en faveur des artistes, mais le gouvernement fédéral a immédiatement interjeté appel.

Une cour d’appel fédérale vient de confirmer le premier jugement, au motif que "même lorsque le gouvernement subventionne une œuvre, il n’est pas fondé à distinguer entre les créateurs en fonction du point de vue qu’ils expriment ou avec l’intention de supprimer des idées jugées dangereuses". Cette décision aura toutefois peu d’effets sur le NEA qui, l’année dernière, a cessé de subventionner les artistes individuellement après avoir subi une amputation budgétaire de 40 %. Pour l’année fiscale 1997, le NEA recevra des crédits fédéraux à hauteur de 99,5 millions de dollars (525 millions de francs), soit le même montant qu’en 1996.

Un récent sondage Louis Harris montre que 57 % des Américains approuvent les subventions fédérales pour les arts et 63 % les subventions des États fédérés. Ces chiffres sont en légère baisse par rapport aux enquêtes précédentes mais expriment toujours une majorité significative. Néanmoins, aux élections du mois de novembre, les Républicains ont conservé leur majorité dans les deux chambres du Congrès. Les opposants aux subventions fédérales pourraient ainsi atteindre leur objectif en 1998 : supprimer définitivement le NEA. Cette question sera discutée lors du débat sur la loi de finances 1998.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°33 du 1 février 1997, avec le titre suivant : USA : les censeurs perdent une bataille

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