Entretien avec Georges Lefebvre, antiquaire

« La porcelaine française, un marché vivant »

Par Armelle Malvoisin · Le Journal des Arts

Le 28 octobre 2009 - 758 mots

Georges Lefebvre est expert en céramique ancienne européenne

Quel est l’intérêt de la vente de céramiques organisée le 6 novembre par la SVV Mathias à Drouot ?
C’est une vente exceptionnelle formée de trois collections particulières complémentaires, mettant en avant les fleurons de la porcelaine française tendre du XVIIIe siècle des manufactures de Saint-Cloud et de Chantilly.

Comment se porte le marché de la porcelaine française ?
La porcelaine française a la chance d’avoir toujours été collectionnée par des amateurs anglais et américains, comme par les grandes institutions anglo-saxonnes. On peut citer, aux États-Unis, le Metropolitan Museum of Art de New York ;  l’Art Institute de Chicago ; le Museum of Fine Art de Boston ou encore le County Museum de Los Angeles ; le Wadsworth Atheneum Museum of Art de Hartford, et, à Londres, le Victoria & Albert Museum ainsi que la Wallace Collection. Le fait que la porcelaine française ait toujours été considérée comme un must tient au fait que les Français se soient appliqués à produire une porcelaine de qualité pour concurrencer celle venue de Chine et la porcelaine allemande de Meissen. Les manufacturiers ont obtenu des protections royales et aristocratiques qui ont aussi donné son aura à cette noble matière. La récente publication d’un ouvrage sur les porcelaines françaises dans la collection de la reine d’Angleterre (1) a de nouveau fait une folle publicité à la porcelaine française.

Est-ce un marché qui se renouvelle ?
Ce marché est toujours aussi vivant pour les grandes pièces.

Quelles sont les grandes pièces de votre vente ?
La porcelaine tendre de Saint-Cloud est représentée par des modèles d’une grande rareté. Je voudrais citer en exemple un pot de toilette couvert monté de bronze doré mouluré et gravé de rinceaux, à beau décor en camaïeu bleu de lambrequins (est. 10 000 euros). Ce pot porte la marque qui a été conçue en l’honneur de Louis XIV, laquelle permet une datation de la pièce antérieure à 1715. Je présente également une exceptionnelle paire de statuettes représentant un couple de chinois drapés et torse nu, émaillées blanc à l’imitation du « blanc de Chine », datée vers 1720-1725 (est. 25 000 euros), ainsi qu’un étonnant pichet couvert, vers 1715-1720, à fond « bleu turquoise » à l’imitation des biscuits émaillés de Chine « Kangxi », avec une belle monture en argent ciselé de l’orfèvre parisien Paul Leriche (est. 6 000 euros). Cette pièce, qui est une découverte, est la seule connue de Saint-Cloud à fond uni bleu imitant la porcelaine chinoise. De Chantilly, la vente offre quelques objets d’exception, véritables pièces de musée que j’ai réunies dans un chapitre en fin de catalogue. Cette sélection comprend une belle « pagode », vers 1735-1740, à fin décor polychrome dans le style « coréen » représentant un sage assis sur un rocher au pied d’un arbre (est. 40 000 euros). Il est amusant de remarquer que le sage qui est chinois porte une robe à décor japonais ! J’attire également l’attention sur une inhabituelle statuette représentant un chien épagneul couché sur un tertre rocailleux, marbré polychrome (est. 25 000 euros), qui est un véritable portrait de chien peint « au naturel ». Il s’agit très probablement du chien favori de la meute du prince de Condé. Et c’est le seul exemplaire connu à ce jour. Notons encore un très raffiné pot-pourri figurant un oiseau posé sur un branchage, sur un socle rocaille en bronze ciselé et doré (est. 20 000 euros), vers 1735-1740, ainsi qu’un léopard assis à décor polychrome « au naturel » dans le style de l’Extrême-Orient (est. 30 000 euros), vers 1735-1740. Jusqu’à présent, la seule version répertoriée de ce modèle de léopard était conservée au Met à New York.

Pourquoi avoir également ajouté une pièce de la manufacture de Mennecy à cette exceptionnelle sélection de Chantilly ?
C’est la seule pièce marquante de Mennecy de la vente, mais quelle pièce ! Il s’agit d’une extraordinaire fontaine à parfum, vers 1755, dont une tige fleurie en relief s’enroule autour du pot recouvert d’un fond caillouté vert, motif rarissime (est. 15 000 euros). Cette pièce hors pair, d’un grand lyrisme végétal, est plus rare qu’une fontaine à parfum en argent.

(1) French Porcelain in the Collection of Her Majesty The Queen, Geoffrey de Bellaigue, catalogue raisonné en trois volumes, 2009.
« Céramiques anciennes, vente le 6 novembre à Drouot, 9, rue Drouot, 75009 Paris, SVV Mathias, tél. 01 47 70 00 36, expositions publiques : le 5 novembre 11h-18h et le 6 novembre 11h-12h, www.farrando-lemoine.com. Estimation : 500 000 euros pour 129 lots.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°312 du 30 octobre 2009, avec le titre suivant : Entretien avec Georges Lefebvre, antiquaire

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