Marché et communication

Prédominance des contacts personnels

Le Journal des Arts

Le 1 mars 1997 - 638 mots

Une enquête récente, réalisée auprès de galeristes allemands1, permet d’évaluer quand et comment les professionnels du marché de l’art ont recours aux techniques informatiques de pointe comme l’Internet.

BERLIN - Les résultats de cette enquête laissent apparaître une certaine réticence du monde de l’art pour les techniques informatiques. La grande majorité des galeristes a recours à des méthodes traditionnelles, et seuls 13 % d’entre eux estiment qu’il est important d’avoir accès aux réseaux télématiques. Par ailleurs, le pourcentage de ceux qui utilisent effectivement les technologies informatiques ne dépasse pas 16 %. 80 % des personnes interrogées possèdent un ordinateur personnel, mais seulement 11 % ont un logiciel pour traiter les images, et 13 % disposent d’une connexion en ligne. Enfin, 78 % déclarent que le raccordement à l’Internet n’est pas en mesure d’améliorer leur position sur le marché.

Mais l’élément le plus significatif est la grande confiance accordée aux contacts personnels, mentionnée par 94 % des galeristes consultés. C’est un indice équivoque, car le fait de recueillir et de communiquer des informations sur la seule base de rapports personnels constitue un certain risque pour l’efficacité du marché. Les professionnels de l’art peuvent être incités à transmettre certaines informations, à en dissimuler d’autres, et à tirer profit de cet avantage. L’acquéreur est alors le maillon faible dans l’échange des informations. Il n’est pas en mesure de pouvoir faire le meilleur choix, car il lui manque des données objectives essentielles sur la qualité des marchandises et leur valeur de négoce.

Deux tendances possibles
Les problèmes du marché de l’art ne viennent pas seulement du déséquilibre des informations entre vendeur et acheteur, et de la prédominance des relations personnelles. Ils viennent aussi de la nature même du bien artistique, qui est en même temps symbole et marchandise. Plus une œuvre d’art se rapproche du marché, plus elle perd son caractère sacré. Plus elle gagne en signification culturelle, plus elle perd de sa valeur de négoce. On peut alors imaginer deux tendances possibles.

La première marque l’échec de l’évolution des marchés de l’art. La passion domine et seuls comptent les rapports personnels. Des personnalités partageant les mêmes goûts se rassemblent en marchés spécifiques, semblables à des clubs privés. Il y aurait alors des marchés internationaux restreints, avec des prix élevés et un accès réservé aux élites de l’argent. Parallèlement, existerait une multitude de marchés locaux, eux aussi très limités et spécifiques. Dans les clubs prévaut la connaissance personnelle. Les affaires se font sur un coup d’œil complice ; la déontologie dominante se porte garante, à partir d’un certain seuil, des comportements incorrects. Les biens négociés ont une haute valeur symbolique.

La seconde tendance indique une transformation du système artistique vers des marchés évolués et achalandés. Les échanges sont aussi impersonnels que nombreux. Comme sur les marchés boursiers, les informations sont très divulguées, et les objets négociés de qualité standard. Les échanges se font de la façon la moins coûteuse, les procédés télématiques favorisent la quasi-simultanéité de l’offre et de la demande. Le marché se spécialise, mais il garde une dimension convenable. La vaste masse des opérateurs et des collectionneurs garantit la mobilisation rapide des œuvres d’art. L’art ressemble davantage à un capital, il a perdu une grande partie de son contenu symbolique. Ces deux tendances sont un peu schématiques et forcées, mais l’une et l’autre insatisfaisantes. Le dilemme se fera de plus en plus pressant avec le temps : d’un côté, l’art a besoin de moyens de communication et de distribution avancés, comme c’est le cas pour tous les autres marchés ; de l’autre, ces mêmes techniques réduisent à néant la dimension personnelle sur laquelle se fondent les transactions actuelles.

1. Lucinda J. Foster et Marek Claassen, Information Technology and the Art Market, 1996, en cours de publication. Les auteurs travaillent respectivement à la Freie Universität et à la Technische Universität de Berlin.

COLLECTE DES INFORMATIONS

Pourcentage de galeristes qui estiment importants les moyens suivants pour collecter les informations (les chiffres portent sur 91 galeries d’art allemandes) :

Lettres expédiées par la poste 93 %
Matériels imprimés 96 %
Radio et TV 3 %
Télécopie 43 %

Services en ligne (banques de données commerciales, Internet) :

Sans importance 30 %
Peu importants 47 %
Importants 11 %
Très importants 2 %

Contacts personnels 94 %

Pourcentage de galeristes allemands (sur 91) qui disposent des moyens technologiques suivants :

Adresse E-Mail 11 %
Accès à l’Internet 16,5 %
Site www. 12 %
Ligne téléphonique numérique 16 %

Source : L. J. Foster & M. Claassen, 1996

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°34 du 1 mars 1997, avec le titre suivant : Marché et communication

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