Les maisons de vente se lancent sur l’Internet

Une nouvelle source d’informations pour collectionneurs et professionnels

Le Journal des Arts

Le 1 mars 1997 - 979 mots

La récente vente de Me Binoche relayée sur l’Internet est la pointe émergée de l’iceberg : les principales maisons de vente mondiales s’intéressent de plus en plus au \"réseau des réseaux\". La mondialisation accrue des ventes aux enchères, l’ouverture du marché en France en 1998 sont autant d’éléments qui ont joué en faveur de cette attitude. Les systèmes sont envisagés différemment. Aux États-Unis, l’utilisateur consulte les données avec un abonnement payant. En France, l’accès est libre, mais les informations sont moins riches. Un tour d’horizon des principaux sites est révélateur de cette diversité.

Les ventes aux enchères génèrent un volume d’informations important, d’où l’intérêt de créer des sites Web mettant à disposition tout ou partie de ces données. Les premiers sites sont relativement récents, tels ceux de Sotheby’s et Christie’s, lancés début 1995. Depuis, ils se sont multipliés et sont de qualité très variable. Il en existe actuellement deux sortes : les "personnels" et les "fédérateurs".

Vitrine de prestige
Pour Sotheby’s et Christie’s, le site personnel s’imposait. Cette vitrine de prestige de la maison est aussi une source d’informations de premier ordre. Sotheby’s donne libre accès aux annonces des grandes ventes, à la Galerie des ventes passées (avec images). L’information est donc sélective, non exhaustive. Le Collector’s Corner est une mine de conseils pour l’entretien d’une collection. Enfin, principale demande des professionnels et des collectionneurs, les résultats sont mis à disposition sous forme d’abonnement en ligne ou par fax. Christie’s innove en présentant un site trilingue – anglais, chinois et japonais – avec le calendrier, les ventes par catégories, les ventes phares. Certains catalogues en ligne peuvent être consultés sous forme abrégée. L’originalité du site est le Lot Finder, qui permet de retrouver à travers tous les catalogues de Christie’s un objet défini selon certains critères par l’acheteur potentiel. Seront alors envoyées les informations sur la vente à venir et le catalogue. Éminemment commercial, ce service – adressé par fax ou par la poste – est facturé 15 livres sterling en Europe pour dix notifications de vente.

En France, Me Jean-Claude Anaf, à Lyon, et Me Jacques Tajan viennent d’ouvrir leurs sites personnels, complémentaires du service Minitel. La présentation est ambitieuse et élégante, mais les informations restent encore minces. Chez Me Anaf, ni annonces ni résultats, mais un E-mail, et le catalogue du 16 février est reproduit in extenso, avec images. Sur le site de Me Tajan, les annonces de vente sont à jour jusqu’en juin 1997, mais il n’y a pas de résultats. Unique dans le genre, le trombinoscope des responsables des diverses spécialités de l’étude est une initiative conviviale. La version américaine n’est pas encore activée.

La globalisation du marché de l’art rend indispensables les sites fédérateurs, qui offrent un seul accès à plusieurs auctioneers. Le site américain Net Art propose une banque de données très riche à partir de cinq cents maisons de vente : Auctions on line est disponible sur abonnement, mais il est possible de bénéficier d’un essai gratuit d’une heure et d’un logiciel gratuit. Les écrans de recherche permettent de visualiser une mosaïque d’œuvres d’un artiste donné, et de sélectionner ensuite la fiche de chaque œuvre. Sur Net Art, les maisons de vente n’ont pas de frais d’entrée, mais l’internaute ne voit rien sans payer. Cette optique est la même sur le site belge Art Library, où l’information en anglais est rigoureuse, mais payante. Les Auction Resources proviennent de vingt-neuf grandes maisons de vente d’Europe, du Canada et des États-Unis – avec l’étude Tajan pour la France. Certains catalogues sont reproduits in extenso et peuvent être téléchargés. Annonces de ventes et résultats, avec recherche multicritères, sont accessibles librement. Le Lot Finder permet de retrouver les œuvres d’un artiste dans les maisons de vente et les galeries du site. Ce service par E-mail est gratuit pour le premier nom d’artiste, et peu onéreux pour le suivant : 10 livres sterling. Démarré en novembre 1996, le Web Art Library, qui a exigé un investissement considérable, compte déjà 2 000 à 3 000 consultations par mois, un tiers venant des États-Unis. Les institutionnels (grandes bibliothèques, musées) sont des adeptes de ce site riche en informations de référence, édité par la société belge Digital Media (voir encadré).

En France, la nécessité de réunir les commissaires-priseurs sur un site unique face à la concurrence est particulièrement aiguë. Cependant, les réticences de la profession sont nombreuses et l’individualisme, forcené. Quelques sites ont tenté le pari. Créé en octobre 1996, Art Web rassemble quinze études sur un site français/anglais, avec 270 images. La base (ca­lendrier et annonces de ventes) est encore restreinte, mais attire 800 connections par mois. Le forfait payé par les études est de 12 000 francs par an, et de 120 francs par image numérisée. L’utili­sateur ne paye rien : c’est le Web "à la française". Belle présentation chez Net CP, mais rien de plus. Trois annonces de ventes, six images, une version anglaise incertaine en font un site assez désertique, hormis le répertoire des études. World Enchères promet beaucoup mais offre peu : un annuaire, le calendrier de l’étude Millon-Robert.

L’Hôtel Drouot n’a pas de site attitré (www.drouot.com est un rejeton de l’étude Boisgirard) mais, depuis décem­bre 1996, le site de la Gazette de Drouot est reconnu comme tel par de nombreux commissaires-priseurs. Les an­nonces, les résultats, les critiques d’expositions peuvent être triés par deux moteurs de recherche multicritères. Parfai­tement à jour, le site de la Gazette annonce en ligne en temps réel les plus importants résultats de vente, un atout certain pour les internautes. Cette innovation reste un cas isolé. Mise à part la vente Dreyfus de Me Binoche, les enchères sur le Web, avec à la clé un paiement par carte bancaire, même sécurisée, se heurtent en effet au scepticisme de la plupart.

Cap sur les bases de données de référence
Outil de référence, le cédérom Art Sales Index donne le détail de 647 000 résultats de ventes aux enchères de 580 maisons dans le monde depuis 1990. Convivial et simple d’utilisation, Art Sales Index donne la possibilité d’enregistrer des notes personnelles en marge des données du cédérom. (Prix : 360 livres sterling, édité par Art Sales Index Ltd, tél. 44 1932 85 64 26, fax 44 1932 84 24 82)
Le cédérom italien professionnel Albert est une très riche banque de données recensant le prix de 50 000 peintures anciennes, de 1300 à 1800, passées en vente depuis 1990 dans les plus grandes maisons internationales (dont Ader-Tajan, Christie’s, Sotheby’s, Phillips). Édité par Data Profesionnals, il est commercialisé de 500 à 17 300 francs selon le type d’utilisation. (Data Professionals, Milan, tél. 02 89 401 223, fax 02 89 401 197)
Un grand classique, le cédérom Mayer, qui recense 750 000 résultats (2 500 images) de ventes aux enchères internationales depuis 1987 dans l’édition 1997, est commercialisé 1 000 francs (199 dollars). Le Mayer est également consultable en ligne sur le site Art Library, avec de nombreux autres ouvrages de référence comme le Who’s Who in American Art, The Official Museum Directory, The International Directory of Arts et, bientôt, le Allgemeines Künstlerlexikon et le World Biographical Dictionary of Artists. La consultation des cent premières données est gratuite. L’abonnement varie ensuite de 45 livres sterling pour un crédit de cent données à 200 livres pour cinq cents données (www.artlibrary.com).

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°34 du 1 mars 1997, avec le titre suivant : Les maisons de vente se lancent sur l’Internet

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