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Walter McCrone : « Le jugement dernier du Saint-Suaire de Turin »

Walter McCrone publie vingt ans de recherches

Par Martin Bailey · Le Journal des Arts

Le 1 mars 1997 - 572 mots

TURIN / ITALIE

Le débat autour du Saint-Suaire de Turin devrait être relancé ce mois-ci avec la publication des recherches menées par le scientifique américain Walter McCrone, qui éclairent le mystère entourant cette fameuse bande d’étoffe d’environ 4,3 mètres de long.

Dans son Jugement dernier du Saint-Suaire de Turin, le scientifique Walter McCrone, de Chicago, détaille vingt années de recherches sur le sujet. Ses conclusions se fondent sur l’examen au microscope de minuscules échantillons de fibres et de particules prélevés en vingt-deux endroits de la sainte relique. McCrone conclut que l’image diaphane du Christ a été obtenue à partir d’ocre rouge et d’un pigment ferreux. L’artiste qui a créé le Saint-Suaire a peint les endroits où le corps était supposé entrer en contact avec le tissu, comme le front, l’arête du nez, les pommettes, etc. de sorte qu’il en résulte une image négative. Une teinte vermillon à base de sulfure de mercure a ensuite été utilisée pour représenter les taches de sang. Elles ont été disposées aux endroits où les mains et les pieds du Christ ont été cloués, ainsi qu’à l’emplacement des autres blessures. L’ocre rouge et le vermillon étaient des pigments communément utilisés au Moyen Âge. Quant au médium, McCrone suggère qu’il s’agissait d’une peinture a tempera au collagène, une "colle" obtenue à partir de parchemin bouilli. Le scientifique américain estime que le suaire a été réalisé peu avant 1356, année officielle de sa découverte à Liray, en France. Cette dernière conclusion est étayée par les tests au carbone 14 réalisés il y a huit ans, qui établissaient la date de 1325 (± 65 ans).

Exposé en 1998 à Turin
Néanmoins, ceux qui voient encore dans le Saint-Suaire l’image authentique du Christ crucifié font remarquer que l’incendie qui a abîmé le tissu en 1532 n’a pas brûlé les pigments, et que l’eau utilisée pour éteindre les flammes ne les a pas davantage délayés. En outre, en supposant que le suaire soit bien l’œuvre d’un homme – un "Maître du Saint-Suaire" inconnu –, pourquoi est-il le seul exemple qui nous soit parvenu d’une œuvre peinte sur tissu avec de l’ocre rouge et du vermillon ? McCrone cite à ce sujet une autre représentation du Christ, peinte en 1341 par Simone Martini pour l’église Notre-Dame-des-Doms du Palais des Papes à Avignon. Cependant, si Martini a utilisé un pigment rouge ferreux, il dessinait sur du plâtre. Un autre problème reste déconcertant : le suaire ne représente pas le Christ dans le style artistique de l’époque. La nudité rigide du corps et l’image crue et stoïque d’une mort violente constituent deux éléments inhabituels dans l’iconographie chrétienne du XIVe siècle. Les clous de la crucifixion, tels qu’ils sont placés, percent les poignets plutôt que les mains, contrairement aux représentations communes. Il est toutefois possible que le créateur du suaire se soit inspiré de sources antérieures. Bien qu’il ne l’ait jamais étudié, le spécialiste italien Federico Zeri admet par exemple que "l’artiste ait pu recopier une œuvre  plus ancienne". La sainte relique sera exposée en 1998 à la cathédrale de Turin, soit vingt ans après sa dernière présentation. L’année prochaine marquera également le centenaire de la première photographie du Saint-Suaire : à sa grande surprise, le photographe Secondo Pia remarquait en 1898 que l’image négative de son cliché révélait l’image du Christ après le supplice de la croix.

Walter McCrone, Judgement Day for the Turin Shroud (Le jugement dernier du Saint-Suaire de Turin), Microscope Publications, 36 dollars (200 F).

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°34 du 1 mars 1997, avec le titre suivant : Walter McCrone : « Le jugement dernier du Saint-Suaire de Turin »

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