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Dations, exportations, droit de suite, loto, « MNR »… Philippe Douste-Blazy s’explique

Par Emmanuel Fessy · Le Journal des Arts

Le 1 mars 1997 - 3930 mots

Pour clore ce dossier, le JdA a demandé à Philippe Douste-Blazy de prendre position sur des questions évoquées au cours de ces pages. Le ministre affirme que les tentatives de Bercy d’amputer le budget de la Culture du montant des dations sont écartées. Néanmoins, \"par souci de présentation comptable\", les dations vont figurer dans la loi de finances. À propos du marché de l’art et de la protection du patrimoine, il dénonce le \"protectionnisme économique\" pratiqué par la Grande-Bretagne, tout en souhaitant que la France se rapproche du système anglais pour \"permettre à l’État de s’entendre avec le propriétaire d’un trésor national sur un prix de marché international qui puisse servir de base à une transaction\". Le ministre compte faire des propositions pour dégager de nouvelles ressources, comme une fraction des recettes du Loto, pour contrer la fuite des chefs-d’œuvre. Au sujet des \"MNR\", il estime que leur situation juridique est \"parfaitement claire\".

La tentative du ministère des Finances d’incorporer les dations dans le budget de votre ministère est-elle définitivement écartée ?
Oui. Mon intervention auprès du Premier ministre a permis d’écarter cette menace. Dans le collectif de fin 1996, le ministère des Finances, qui considère les dations comme un manque à gagner fiscal, a voulu amputer le budget de mon ministère du montant annuel des dations en les assimilant à des dépenses ordinaires. Désormais, une dotation évaluative sera inscrite dans le projet de loi de finances, par souci de bonne présentation comptable. Mais ce montant ne sera en aucun cas comptabilisé dans l’enveloppe globale du projet de loi de finances du ministère de la Culture.

Qu’en est-il également de la volonté d’imposer des associations, qui pourrait pénaliser des fondations artistiques ?
On ne peut pas à la fois demander aux agents culturels de réaliser de plus en plus de recettes propres et les imposer sur ces recettes. C’est impossible. Le président de la République, lui-même, souhaite qu’il y ait un régime particulier pour les différentes associations culturelles. L’administration fiscale, s’appuyant sur la doctrine et la jurisprudence du Conseil d’État, estime que les associations culturelles, qui exercent notamment des activités comparables à celles des entreprises de spectacles, doivent être assujetties à l’ensemble des impôts commerciaux : TVA, mais aussi impôt sur les sociétés et taxe professionnelle. L’application stricte de cette doctrine a des conséquences financières très importantes, d’autant plus que certaines de ces associations sont confrontées à des rappels d’impôts portant sur trois ans. À la demande du Premier ministre, l’administration fiscale a préparé un projet de circulaire dont l’objet est de clarifier le régime fiscal des associations. Avant la publication de cette circulaire, le Premier ministre a souhaité qu’un groupe de travail, réuni sous l’égide du Conseil national de la vie associative, examine les conséquences de son application pour le monde associatif. Le ministère de la Culture est naturellement associé à cette réflexion, et le Premier ministre rendra prochainement son arbitrage.

La nécessité de réduire les déficits publics, liée à la marche vers la monnaie unique, risque d’exposer encore davantage le ministère de la Culture aux exigences de Bercy. De quelle marge de manœuvre dispose le ministre de la Culture ?
Le ministère de la Culture a bénéficié en 1996 de 400 millions de francs supplémentaires de crédits d’intervention, malgré la rigueur budgétaire. Je sais que cela n’a pas fait plaisir à tout le monde, mais c’est bien la preuve qu’une marge de manœuvre existe. Dans le domaine des crédits d’intervention, le rôle de l’État est vital. S’il n’est pas le principal financeur de la Culture, son apport est essentiel dans la plupart des cas pour contribuer, au-delà de l’ordre de marche des institutions, à la programmation culturelle de celles-ci. Réduire ou laisser stagner notre effort, c’est étouffer à petit feu la vitalité culturelle de ce pays, créatrice d’emplois directs et indirects. Je le rappelle fréquemment à ceux qui ont parfois tendance à oublier les hommes, les femmes, les œuvres qui sont derrière les lignes budgétaires. Néanmoins, il faut désormais faire face au coût de fonctionnement de grandes institutions comme la Bibliothèque nationale de France, ou à des opérations de réhabilitation lourdes de notre patrimoine, comme le Grand Palais, ou l’installation d’un Institut national d’histoire de l’art rue de Richelieu. Si je me résume, je vous révélerai ce qui n’est pas un "scoop". Compte tenu du financement du personnel affecté à mon ministère, de l’apport obligé à des institutions culturelles permanentes, c’est près de 90 % à 95 % de mon budget qui est préaffecté à des opérations permanentes. La marge de manœuvre est donc très réduite.

Vous préparez un projet de loi qui, comme vous l’avez déclaré, "aura pour objectif de rétablir un contrôle efficace de l’exportation des trésors nationaux". Les quelques informations qui ont filtré ont provoqué un tollé chez les professionnels du marché de l’art. Pouvez-vous nous en dire plus sur le dispositif envisagé ?
Il n’y a pas de projet de loi définitivement bouclé sur ce sujet. En revanche, il y a incontestablement un problème que nous devons résoudre, et j’ai engagé une concertation très approfondie avec les professionnels du marché de l’art, qui doit dé­bouc­her sur la présentation d’un projet de loi dans les prochains mois. Il y a un problème incontestable car, comme l’a dit André Chandernagor, qui préside l’Obser­va­toire des mouvements internationaux d’œuvres d’art, "l’arrêt Walter a cassé la loi de 1992". Depuis cet arrêt de la Cour de cassation – qui a condamné l’État à verser une indemnité extraordinairement élevée, 145 millions de francs, au propriétaire d’un tableau classé mo­nument historique –, le classement, comme je l’avais indiqué dans vos colonnes, est devenu une hypothèse d’école. Or c’était, dans le dispositif actuel, le seul système pour empêcher l’exportation des trésors nationaux. Dès lors, si nous ne réagissons pas, des œuvres d’une importance capitale pour le patrimoine national, comme le Portrait de Berthe Morisot au bouquet de violettes, de Manet, Le jardinier Vallier, de Cézanne, le Portrait de la Duchesse de Montejasi-Cicirale, de Degas, et sans doute d’autres encore, quitteront la France dans les trois prochaines années. C’est une perspective que je me refuse à envisager sans réagir. Le système actuel de contrôle des exportations d’œuvres d’art n’est pas satisfaisant. La logique serait que lorsque l’État veut conserver en France un objet considéré comme un trésor national, il l’achète pour les collections publiques. Mais la loi n’a pas donné à l’État les moyens de cette ambition. Il s’agit bien sûr des moyens financiers, même si les crédits d’acquisition, dont j’ai obtenu qu’ils soient significativement augmentés, permettent de faire face à certaines acquisitions. L’État est un important acquéreur sur le marché de l’art, et nous avons déjà acheté plusieurs objets classés "trésors nationaux" ; nous en achèterons d’au­tres encore cette année. Mais il s’agit également des moyens juridiques : il n’existe aujourd’hui dans la loi de 1992, à la différence de la loi britannique, considérée comme très libérale, aucun mécanisme qui permette à l’État de s’entendre avec le propriétaire sur un prix de marché international qui puisse servir de base à une transaction. C’est le propriétaire qui fixe son prix, et il a d’autant moins intérêt à négocier que le temps passe et que l’échéance des trois années de validité du refus de certificat d’exportation approche. Nous réfléchissons donc, avec les professionnels du marché de l’art et les conservateurs, à une adaptation de la loi de 1992 qui permettrait de se rapprocher du système anglais. Pour l’instant, le système français, c’est le libéralisme du système anglais moins l’efficacité !

Pourtant, au moment où le marché de l’art va s’ouvrir en France, notre pays risque d’apparaître à nouveau au plan international comme un "coffre-fort".
Il ne s’agit pas de fermer les frontières aux œuvres d’art, mais de créer un système qui permette de conserver en France quel­ques trésors particulièrement emblé­­matiques de notre patrimoine et qui perturbe le moins possible le marché de l’art. La loi de 1941 était très efficace pour contrôler les exportations, mais l’État était accusé de l’utiliser pour peser sur la valeur des œuvres afin de pouvoir les racheter à bon compte. La loi de 1992 est inefficace pour empêcher la fuite des trésors nationaux et ne sert qu’à la retarder de trois ans, ce qui n’est pas non plus très bon pour le marché de l’art. Le meilleur système, c’est celui qui permet l’acquisition par l’État au prix du marché international.

Précisément, la remise en cause de la loi du 31 décembre 1992 paraît tirer les leçons d’un échec : l’État semble incapable de trouver les ressources pour acheter les trésors nationaux. Est-ce à dire que des propositions formulées, notamment par le rapport Aicardi – affectation d’une partie des recettes de la Française des Jeux à des acquisitions – sont ajournées sine die par Bercy ?
Personnellement, je pense qu’il est tout à fait souhaitable de trouver de nouvelles ressources pour faire face à la fuite du patrimoine national. Je ferai des propositions dans ce sens, qu’il faudra étudier avec les services du Premier ministre et Bercy. Une des solutions serait en, effet, une fraction des recettes du Loto.

Un gouvernement socialiste avait fait voter la loi du 31 décembre 1992, d’inspiration libérale. Un gouvernement de droite, défendant le libéralisme, la remet en cause. N’y a-t-il pas un paradoxe ?
L’ancienne majorité socialiste n’a pas à être fière de la loi du 31 décembre 1992, qui est un texte mal conçu, totalement inefficace, et qu’il faut aujourd’hui réécrire après trois années d’application seulement. Ce sera à l’honneur de ce gouvernement et de sa majorité que de mettre en place une législation qui permette à la France de garder son patrimoine. L’objectif, dans ce domaine, est bien celui-là. Ce n’est pas le libéralisme pour le libéralisme : l’exportation d’une œuvre d’art ne crée aucune richesse en France. Le marché français de l’art est, en revanche, une réalité économique que la volonté de protéger le patrimoine doit respecter. Je ne vois là aucune contradiction.

Pour l’heure, les seuls satisfecit exprimés vis-à-vis de cette réforme viennent des conservateurs de musées. Faut-il voir dans ce nouveau projet de loi une forte influence de l’administration au détriment du "politique" ?
Empêcher l’exode des chefs-d’œuvre du patrimoine national est un objectif extrêmement politique. Je ne cherche pas à plaire à tel ou tel corps, ou à tel ou tel groupe de pression. Je cherche à mettre mes propositions en conformité avec l’idée que je me fais de ma mission de ministre de la Culture. Mon devoir, c’est à la fois de permettre au marché français de l’art de se développer et de préserver notre patrimoine. Mais je tiens à souligner que les problèmes du marché de l’art ne se résument pas au contrôle des exportations d’œuvres d’art majeures, en très petit nombre chaque année. Nos voisins britanniques ont beau jeu de dénoncer la réglementation française, alors qu’eux-mêmes pratiquent, sur leur marché de l’art, une politique de protectionnisme économique. Notre marché de l’art connaît un vrai problème – et les marchands sont d’accord avec moi –, c’est le différentiel de taxes. Nous allons ouvrir notre marché de l’art aux maisons britanniques : je suis très favorable à cette réforme que j’ai longtemps appelée de mes vœux. Il n’est pas supportable que, de leur côté, les Britanniques continuent de maintenir un taux de TVA sur les importations d’œuvres d’art de 2,5 %, alors que la France est contrainte par les directives européennes d’appliquer un taux de 5,5 %. Il n’est pas non plus acceptable que les Britanniques persistent à refuser de reconnaître le droit de suite, qui est perçu en France depuis 1920 sur les ventes d’œuvres d’art moderne et contemporain, alors même que l’arrêt "Phil Collins" de la Cour de Luxembourg nous oblige à verser aux artistes britanniques un droit de suite sur leurs œuvres vendues en France, tandis qu’ils ne perçoivent rien lorsque la vente a lieu dans leur propre pays. C’est une situation aberrante, qui pénalise lourdement le marché français par rapport au marché britannique. Je suis déterminé à ne pas laisser cette situation se prolonger, et je demande instamment que le problème soit réexaminé au niveau européen.

Vous êtes donc favorable à une extension du droit de suite à tous les pays européens. Également à l’élargissement de sa base aux galeries, comme l’a recommandé Bruxelles ?
Je suis très favorable au principe d’une harmonisation du droit de suite à l’échelle européenne. Le droit de suite est aujourd’hui le seul droit d’auteur à ne pas avoir fait l’objet d’une telle harmonisation, ce qui permet aux Britanniques de ne pas le reconnaître alors qu’il existe dans les deux autres pays européens qui ont un marché actif dans le domaine de l’art moderne et contemporain, c’est-à-dire l’Alle­magne et la France. Encore faut-il que l’harmonisation s’effectue sur la base de taux raisonnables et dégressifs, pour que l’Europe ne soit pas désavantagée par rapport aux États-Unis, et l’Assemblée nationale a d’ailleurs adopté une résolution en ce sens. Quant à la question de l’assujettissement des galeries d’art, il faut savoir qu’en France, aujourd’hui, la loi sur le droit de suite ne fait pas de distinction entre ventes aux enchères et ventes de gré à gré, mais que, dans les faits, le droit de suite n’est perçu que sur les ventes aux enchères. Les galeries d’art, de leur côté, cotisent à la Maison des Artistes. Au bout du compte, les sommes versées par les galeries d’art au titre de la sécurité sociale des artistes et celles perçues par les ventes publiques au titre du droit de suite sont sensiblement équivalentes. Il est évidemment exclu que l’harmonisation du droit de suite modifie cet équilibre économique, même si elle devait entraîner l’assujettissement des galeries d’art. Nous travaillons avec la Commission européenne sur la possibilité de régler ce problème par accord interprofessionnel, comme cela se pratique aujourd’hui en Allemagne.

Au sujet des MNR, êtes-vous satisfait des explications fournies par la Direction des Musées de France ou comptez-vous prendre des initiatives pour aller plus loin ? La Cour des comptes a rédigé un relevé de conclusions provisoires sévère.
Je ne laisserai pas sous-entendre que l’État a spolié des œuvres. C’est faux. Aujourd’hui, il reste, dans les musées, exactement 2 058 œuvres provenant de la récupération artistique, sur plus de 60 000 récupérées en 1945. Ces œuvres sont inscrites sur des inventaires spéciaux. Elles sont détenues par les musées de manière temporaire et n’appartiennent en aucun cas à l’État ! Lorsqu’elles sont exposées, le sigle "MNR" figure en toutes lettres. J’ai demandé qu’elles soient en permanence accessibles sur l’Internet pour que les ayants droit éventuels puissent les retrouver et les réclamer, et cela a été fait l’année dernière. Nous sommes en train de réaliser un catalogue scientifique des MNR, qui mettra notamment en lumière ce que nous pouvons savoir des propriétaires originels de ces œuvres et qui facilitera les recherches des ayants droit. Le groupe de travail sur les biens juifs spoliés pendant l’Occupation que le Premier ministre a décidé de constituer va d’ailleurs nous aider à achever ce travail considérable.

La situation juridique des MNR n’est pas claire. En­vi­sagez-vous un texte pour leur donner une ba­se juridique ? Ne faudrait-il pas supprimer par voie législative tou­te prescription civile pour les actions en revendication portant sur les biens spoliés pendant la guerre ?
C’est le groupe de travail sur les biens juifs spoliés qui pourra le dire. Mais pour ce qui est des MNR, je ne crois pas que ce soit nécessaire car la loi est parfaitement claire : il n’y a aucune prescription. L’État n’est pas propriétaire de ces œuvres et reste perpétuellement leur détenteur précaire. Les ayants droit peuvent et pourront toujours les revendiquer s’ils s’y estiment fondés, sans qu’aucun délai de prescription ne leur soit opposable.

Que préconisez-vous pour remédier aux déficits élevés de la Réunion des musées nationaux et à la baisse de la fréquentation des musées ?
Face aux difficultés que  connaît la RMN depuis 1995, un travail important a été accompli par les responsables de l’établissement, en étroite concertation avec mes services et ceux de la direction du Budget, ainsi qu’avec les directeurs des musées nationaux. Un plan d’action a été élaboré : il a été approuvé par le conseil d’administration de la RMN le 18 décembre 1996. Ce plan d’action a un objectif simple, le retour à l’équilibre en trois ans, et il répond à deux impératifs : d’une part, éviter tout plan social, d’autre part, permettre à l’établissement de continuer à assurer dans de bonnes conditions ses missions de service public. Si des économies substantielles peuvent être réalisées, elles ne doivent pas l’être au détriment des missions fondamentales de la RMN, qui sont d’acquérir des œuvres d’art pour enrichir les collections nationales, d’organiser de grandes expositions temporaires de niveau international, et de publier des catalogues, des images et des produits audiovisuels et multimédias de qualité. Mais aussi veiller à ce que la production de la RMN ne fasse pas de concurrence aux éditeurs privés. On sait que cette dernière mission de diffusion culturelle a connu, depuis plusieurs années, un développement considérable. Cet élan ne sera pas arrêté, et le programme éditorial de la RMN sera maintenu dans ses grandes lignes, même si des efforts devront être faits pour mieux répondre aux attentes du public. Quant à la baisse de fréquentation des musées c’est, je crois, un problème dont il faut relativiser la gravité. Les raisons en sont avant tout conjonc­tu­rel­les : fin 1995, le terrorisme et le plan Vigi­pirate, les grèves ont fortement pesé sur la fréquentation touristique et scolaire. La morosité économique, qui frappe les dépenses culturelles, joue son rôle. Pour les musées nationaux, par exemple, si l’on envisage l’évolution de leur fréquentation sur le long terme, les entrées payantes sont passées depuis 1960, de 3 à 10 millions. Elles se maintiennent car, après une mauvaise passe, une remontée est sensible depuis le deuxième semestre 1996. En régions, si certains musées accusent une baisse, d’autres continuent de voir leur public augmenter. Je pense qu’on peut dynamiser encore la fréquentation, en particulier celle du public de proximité, et qu’il faut fidéliser ce public comme le fait, par exemple, le Louvre : par des mesures tarifaires modulées en fonction des horaires, des systèmes d’abonnement ou de carte, pour les jeunes notamment, le développement des possibilités d’achat de billets à distance, enfin des "journées de gratuité", comme au Louvre ou dans le cadre de "L’invitation au musée", pour attirer un public nouveau. S’agissant du tourisme, les musées doivent apprendre à travailler en liaison plus étroite avec les opérateurs de ce secteur. Il faut aussi qu’ils renforcent leur communication. Reste un problème de fond, celui de l’enseignement de l’histoire de l’art à l’école, qu’il nous faut résoudre pour former le public français de demain.

La Fondation du Patrimoine vient d’être reconnue d’utilité publique. Pouvez-vous annoncer les noms des premières entreprises intéressées à doter cette fondation ? À combien s’élève le "ticket d’entrée" pour une entreprise ?
Je ne souhaite pas annoncer aujourd’hui les noms de premières entreprises ayant participé à la dotation de la Fondation de Patrimoine, car l’ensemble de ces entreprises a demandé à ce que leur nom ne soit officiellement communiqué qu’après la première réunion du Conseil d’administration. En ce qui concerne le "ticket d’entrée", je peux confirmer les informations selon lesquelles celui-ci est au minimum de 2 millions de francs et au maximum de 4. Mais il faut bien savoir que la réussite de la Fondation du Patrimoine ne tiendra pas à ces seules entreprises. C’est surtout la capacité de la Fondation  à intéresser puis mobiliser les PME et PMI, comme tous les Français, autour de projets concrets et de proximité qui en fera un succès. Je m’étais engagé à créer une nouvelle institution capable de mobiliser les capitaux privés sur la restauration du patrimoine français. Ce sera bientôt chose faite. L’avenir, ensuite, nous dira comment cette institution parviendra à remplir ses missions, et j’ai toute confiance dans la capacité de ses futurs administrateurs à atteindre cet objectif.

Comment se présente votre projet des "Dix jours de l’art contemporain" ?
Nous sommes actuellement en train de mobiliser tous les acteurs de l’art contemporain pour faire de ces dix jours, du 20 au 30 avril prochain, une vraie et belle vitrine de la création. Le principe en est simple : il s’agit d’amener un plus large public dans tous les lieux qui, en France, soutiennent et diffusent la création contemporaine. Cela concerne l’ensemble du réseau public de l’art – les Frac, les centres d’art, les écoles d’art, les musées, qui préparent pour l’occasion, en marge de leurs programmations, de nombreux événements exceptionnels, des conférences, des performances, des rencontres avec les artistes, qui illustreront la vitalité de l’art dans notre pays. Les médias et la presse seront associés à cette opération nationale. J’ai tenu également à y associer le monde des galeries, qui a son rôle dans l’éclosion de la jeune création : lors du coup d’envoi, elles seront exceptionnellement ouvertes le dimanche 20 avril. Pour clôturer l’opération, les 28 et 29 avril, les écoles d’art seront à l’honneur. Une occasion pour le public de découvrir le rôle qu’elles ont dans la vie culturelle de nos régions. Je souhaite que nos concitoyens se joignent en grand nombre aux manifestations des "Dix jours de l’art contemporain". Une société n’est vivante que si elle est en prise avec ses créateurs. Dans ce domaine comme dans d’autres, l’attention au public est au cœur de mes préoccupations.

Que pensez-vous de la division du Musée national d’art moderne en deux entités, souhaitée par le président du Centre Pompidou, Jean-Jacques Aillagon ? Est-il raisonnable, dans le contexte actuel des finances publiques, d’envisager l’aménagement d’un nouveau lieu pour une partie des collections ?
On constate aujourd’hui un décalage entre une partie de la société et les formes contemporaines de la culture et de la création. Décalage qui peut parfois se traduire par un rejet, entraînant un risque de dérive démagogique s’appuyant sur ce rejet, cette défiance à l’égard de la modernité. J’ai la conviction qu’il y a lieu d’affirmer, au contraire, confiance et optimisme à l’égard des idées, des formes, des œuvres de notre temps ; de tout mettre en œuvre pour retrouver les liens entre le public et la culture contemporaine ; de lui donner les clés nécessaires à sa compréhension. Le Centre Georges Pompidou doit jouer à cet égard un rôle central. C’est pourquoi j’ai accueilli avec intérêt la proposition du président du Centre qu’à l’occasion de la révision des statuts de l’établissement, soit envisagée la possibilité de le doter d’un nouveau département. Il serait plus particulièrement en charge de la promotion et de toutes les formes de la création contemporaine : le Centre de création contemporaine. Quant à l’aménagement d’un nouveau lieu pour une partie des collections, c’est une décision très importante du point de vue de l’histoire de l’art. Cependant, les musées ne se conçoivent pas si rapidement. Aujourd’hui, en 1997, sa réalisation n’est pas à l’ordre du jour. Nous en sommes au stade de la réflexion.

Êtes-vous favorable au rattachement du Jeu de Paume au Centre Pompidou, comme le souhaite son président ?
Que la Galerie du Jeu de Paume prête ses espaces pour accueillir pendant la période des travaux des ensembles d’œuvres provenant des collections du Centre Pompidou, quoi de plus naturel ? D’autres institutions parisiennes ou en province feront de même. Il me semble également que le positionnement de nos institutions nationales parisiennes doit être soigneusement examiné. À l’évidence, la création d’un département de la création contemporaine, amorcée par Jean-Jacques Aillagon, modifiera quelque peu le paysage actuel. Mais nous sommes encore loin des conclusions, les études ne font que s’engager.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°34 du 1 mars 1997, avec le titre suivant : Dations, exportations, droit de suite, loto, « MNR »… Philippe Douste-Blazy s’explique

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