Musée - Politique

Le grand projet

Par Jérôme Bernard · Le Journal des Arts

Le 1 mars 1997 - 704 mots

PARIS

Le Musée des Arts premiers voulu par le président de la République s’annonce comme le grand projet de cette fin de siècle. Germain Viatte, l’actuel directeur du Musée national d’art moderne au Centre Pompidou, devait être nommé fin février directeur du projet muséographique de cette future institution sur laquelle pèsent encore beaucoup d’incertitudes, liées notamment au déménagement du Musée de la Marine.

Le scénario était cohérent sur le papier : le futur "Musée de l’Homme, d’art et de civilisation", lancé officiellement en octobre par le président de la République, rassemblerait au palais de Chaillot les collections ethnographiques du Musée de l’Homme et celles du Musée national des arts d’Afrique et d’Océanie (MAAO). L’opération devait coûter un milliard de francs, dont 200 millions pour le transfert du Musée de la Marine au MAAO, porte Dorée. Mais c’était sans compter avec la résistance des gens de mer. Le contre-amiral Bellec, conservateur du Musée de la Marine, a jugé le MAAO trop excentré, trop petit, mal adapté. "Le chiffre de 200 millions de francs a été évalué à partir de l’hypothèse d’un transfert porte Dorée", remar­que Serge Louveau, rapporteur de la commission Friedmann. Mais les propositions du rapport Deniau, chargé de trouver un autre site (lire encadré), risquent d’être beaucoup plus coûteuses.

Inquiets du précédent du Musée des travaux publics – en caisses depuis quarante ans –, les partisans du Musée de la Marine refusent son départ tant qu’un lieu d’accueil n’aura pas été trouvé. Georges Sarre, député socialiste de Paris, propose même "de laisser le Musée de la Marine à sa place et d’installer le nouveau Musée de l’Homme et des "Arts premiers" dans l’îlot Poliveau, près du jardin des Plantes et du Muséum, ou dans la ZAC Paris Rive gauche." 1

Commission pour les achats
Pour l’instant, l’ouverture d’une antenne au Louvre, dans le pavillon des Sessions, est la partie la plus avancée du projet : 150 à 200 pièces "majeures" d’arts primitifs y seront réunies. Un budget de 30 millions de francs a été inscrit au budget 1997, l’ouverture étant prévue pour novembre 1999. Selon le ministre de la Culture, cette antenne sera définitive. Le premier conseil d’administration de la Mission de préfiguration du Musée des Arts premiers devait se réunir le 28 février. Jacques Friedmann, qui a dirigé la commission chargée de faire des propositions au président de la République, présidera cette mission constituée en association loi de 1901. Germain Viatte, l’actuel directeur du Musée national d’art moderne, a accepté de diriger le projet muséographique. Le directeur du MAAO, Jean-Hubert Martin, fait partie des candidats malheureux. "Germain Viatte n’est pas un spécialiste des arts premiers, mais il a de l’expérience pour monter ce type de projet", estime Serge Louveau. Quant à Jacques Kerchache, ancien marchand d’arts primitifs, il sera conseiller scientifique.

La Mission de préfiguration doit se transformer en Établissement public administratif en 1998. Elle a l’intention de demander le renforcement de la filière de formation des conservateurs spécialisés en arts primitifs, et des créations de postes sont prévues dans le budget 1998. Enfin, pour rassurer ceux qui s’inquiétaient de la manne que représenterait pour les marchands les 150 millions de francs d’acquisitions prévus pour compléter les collections du futur musée, une commission sera chargée de donner son avis sur les achats. "Nous veillerons à ce que cette commission soit composée de gens au-dessus de tout soupçon, comme des membres de la Cour des comptes, par exemple", affirme Serge Louveau.

Le Musée de la Marine quai d’Austerlitz ?
Le rapport remis en décembre par Jean-François Deniau est ambitieux. Pour le futur "Musée de la Marine et de l’aventure maritime", l’académicien et navigateur recommande une surface de 15 000 m2, contre 8 000 actuellement. Trois sites partent favoris : le quai Branly, le Grand Palais et le quai d’Austerlitz. Le terrain du quai Branly a l’inconvénient d’être l’un des plus convoités de Paris ; le bâtiment du Grand Palais s’enfonce et nécessite de coûteux travaux de soutènement. Les bâtiments-entrepôts du quai d’Austerlitz ont la préférence de l’ancien ministre, mais il reste à négocier avec le Port autonome de Paris et à modifier le plan d’aménagement de zone, qui prévoit la démolition des bâtiments et l’aménagement d’une promenade. Le président de la République devra trancher.

1. Libération, 7 février 1997.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°34 du 1 mars 1997, avec le titre suivant : Le grand projet

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